Votre météo par ville
À Isbergues, dans le Pas-de-Calais, chez Flore et Wilfried, tout est à l’arrêt : “Les faire-part son prêts, mais on n’a pas donné le feu vert à l’imprimeur », explique le couple. Quant à la décoration de table, qui devait être entièrement élaborée à la main, la vague créative de la future mariée a pris un bon coup sur la tête. “Nous devons nous marier le 22 août dans une ferme près d’ici », souffle-elle. Une date lointaine et proche à la fois.
“Qui sait dans quelles conditions nous pourrons le faire ? On a retourné le problème dans tous les sens : une simple cérémonie à la mairie, avec une retransmission sur tablette pour les personnes âgées ? Un report de la fête, mais pour quand…?” Malgré son impatience, la jeune femme relativise : “Au moins on pourra économiser plus pour la fête !»
Si le déconfinement du 11 mai devrait permettre une autorisation des noces, celles-ci se dérouleront dans la plus stricte intimité, avec les témoins et les plus proches parents. Pour vraiment faire la fête, il faudra encore patienter.
Démunis, les propriétaires de salles à la campagne – milieu bucolique privilégié pour célébrer l’amour – le sont tout autant : “Que voulez-vous ?, lâche Gaston Lemaire, d’un air grave. C’est foutu, c’est tout.” Ses deux salles de la Ferme de l’Épinette, à Nieppe (59), n’ont jamais été aussi désertes : baptêmes, mariages, anniversaires, soirées étudiantes, tout est annulé jusqu’en juillet. “60 % des événements sont reportés, ce qui va créer des embouteillages pour l’année suivante. Pour les baptêmes et les soirées, les gens renoncent carrément.”
À Cucq, sur la côte, c’est le même désarroi. “Nous avons 20 % de mariages annulés », regrette Christophe Dusannier, agriculteur à la Ferme de la Fromentière. Dans ces cas-là, il se voit obligé de rembourser les futurs mariés pour “cas de force majeure ».
Certains clients acceptent de reporter l’événement aux calendes grecques, jusqu’à février 2021. “Ils n’ont pas le choix, c’est la fête d’une vie.” Côté financier, l’agriculteur, en polyculture, estime déjà ses pertes à hauteur de 10 000 à 15 000 euros. “Sans compter que tous les mariages reportés représentent des créneaux disponibles en moins pour les années futures. »
Du côté de Clairmarais (62), l’accélération des reports commence aussi à poser problème pour Charles Canler à la Ferme de l’Abbaye. La quinzaine de mariages reportés peine à faire son trou dans le calendrier déjà bien chargé de cet agriculteur en polyculture et diversification : “Le printemps 2021 est presque déjà complet, ça commence à être dur à gérer, alors certains optent pour des mariages d’hiver, ou en semaine. La saison prochaine va être extrêmement chargée ! »
Concernant le déconfinement, si cet agriculteur attend les recommandations du gouvernement avec impatience, il se demande encore comment il pourra les appliquer : “Est-ce que l’on se considère comme restaurant ? Salle de spectacles ? On ne rentre dans aucune case, comme pour percevoir des aides d’ailleurs !” Lui devra d’ores et déjà renoncer à 20 000 ou 30 000 euros de chiffre d’affaires.
Malgré tout, compréhensifs, les propriétaires sont surtout inquiets pour les prestataires, en particulier les traiteurs avec qui ils travaillent habituellement : “Ils ont parfois jusqu’à 12 salariés… Certains risquent de devoir mettre la clé sous la porte…», redoute Gaston Lemaire.
“C’est pour soutenir le traiteur qui vient de lancer son activité de location de salles que nous avons choisi de ne pas reporter en 2021 », confie Quentin, en métropole Lilloise. Le futur marié, qui s’apprêtait à dire “oui” le 30 mai a fait le choix d’un mariage en septembre, un vendredi, à Leers (59): “L’idée c’était de ne pas leur prendre un créneau en 2021 et surtout, qu’ils puissent rentrer le montant de la prestation sur la trésorerie de 2020 pour ne pas les handicaper encore plus !” Mais, il l’avoue : « On a passé pas mal de nuits blanches…”
Et l’inquiétude n’est pas prête de retomber : “On le sait, en septembre, il va falloir continuer à respecter les gestes barrière. Pour ma compagne, la présence de ses grands-parents est essentielle, il faudra être extrêmement vigilants avec eux, on ne sera pas là pour prendre la température des gens, il va falloir compter sur la citoyenneté de chacun.”
Une autre question le taraude : “Pourra-t’on encore s’embrasser ?” Ce “foutu virus” aura décidément tout bouleversé.
Agathe Villemagne