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“ Ce n’est pas une réserve naturelle ! ” Cette précision, Luc Barbier la pose d’emblée quand on l’interroge sur la nature d’une réserve de biosphère. Important pour lui de balayer le sentiment de contrainte et de poser les atouts d’une telle démarche.
Pour le coordinateur du dossier réserve de biosphère au Parc naturel régional des Caps et marais d’Opale, le renouvellement – et l’élargissement – sont une nouvelle occasion de le rappeler :
” Les réserves naturelles ont des statuts réglementaires très lourds, impliquent des restrictions parfois compliquées spécialement dans notre région très dense en population. Ce sont des machines lourdes et compliquées. “
Au contraire, la réserve de biosphère faciliterait la conception de projets à l’échelle d’un territoire pertinent. Ici celle du marais audomarois historiquement, aujourd’hui élargie à l’ensemble du chemin de l’eau qui y converge : les vallées de l’Aa et de la Hem mais aussi le plateau des Landes atlantiques et plusieurs communes du Nord. ” Pour une clef d’entrée hydraulique.“
Concrètement, à quoi sert ce label de l’Unesco, réserve mondiale de biodiversité ?
” Ça met la lumière à tous les étages “, formule Luc Barbier. Ça met en valeur les initiatives, ça en amène d’autres.
Objectif affiché : ” Garantir l’équilibre entre l’homme et son environnement. “
Coordonner l’activité humaine et la biodiversité, mais aussi offrir ” un lieu d’expérimentation de pratiques de développement durable et de recherches scientifiques pour comprendre les interactions de l’homme avec son environnement et inversement “.
Un groupe de travail est notamment mis en place sous l’impulsion de Bertrand Petit, alors maire de Saint-Martin-lez-Tatinghem (aujourd’hui député).
” Il y avait alors plein de rapports sur plein de trucs qui ne servaient à rien “, balance le responsable de la mission pour le Parc.
Dès 2002 deux portes d’entrées pour enfin être dans le concret : créer un sentiment d’appropriation d’un territoire d’exception par ses habitants et fédérer les actions des uns et des autres.
Le premier point, le sentiment d’appartenance, donne naissance à un livre blanc mêlant regards d’enfants et visions d’avenir. ” Nous étions convaincus d’être les meilleurs du monde, fanfaronne volontairement Luc Barbier. Encore fallait-il être reconnus. “
La convention de Ramsar liste les zones humides internationales d’intérêt. Derrière la Camargue ou encore le marais Poitevin pour ne citer que des exemples métropolitains, le marais audomarois, premier marais maraîcher de France, arrive en 24e position. ” Nous souhaitions aller plus loin en démontrant quel intérêt particulier présentait notre territoire “, rembobine le chargé de mission.
Quand un expert suggère la candidature à l’Unesco, il manque au territoire un volet recherche. Un conseil scientifique voit le jour. En 2010 l’agglomération de Saint-Omer décide de créer deux programmes, l’un autour de l’eau et l’autre de l’agriculture. Le dossier est déposé.
Avec dix ans d’expérience terrain, avec une bonne organisation territoriale et un soutien permanent des élus, le dossier est finalement accepté en 2013. Seize réserves de biosphère sont reconnues en France par l’Unesco. Celle du marais audomarois est la seule au nord de Paris.
Ça passe alors mais tout juste, le périmètre étant vraiment limite. ” Nous avions dix ans pour travailler à l’extension du périmètre “, explique Luc Barbier. Viennent alors s’agréger les vallées de la Hem et de l’Aa, qui affluent vers le marais. ” Nous suivons alors l’itinéraire de la goutte d’eau “, résume le spécialiste. Depuis le Montreuillois jusqu’à l’Audomarois, de 22 à 111 communes, de 2 intercommunalités à 8… Et au cœur de tout ça le marais audomarois, “ le joyau dans l’écrin “, formule-t-il.
Une trentaine de réunions, une trentaine d’animations avec les habitants et la création d’une énorme carte en 3D afin de démontrer aux habitants, aux agriculteurs, aux chasseurs, aux retraités et aux enseignants, à tous, que ces territoires sont plus liés qu’il n’y parait à première vue, par cette fameuse goutte d’eau.
1 200 personnes rencontrées, quelque 450 questionnaires remplis ont permis de tirer un double fil rouge pour cette nouvelle candidature : l’eau et le climat. ” Nous sommes le territoire le plus bas de France, rappelle Luc Barbier. Le delta de l’Aa oscille entre -1 m et -2,5 m sous le niveau de la mer, le marais est en moyenne de 2,22 m sous le niveau des marées hautes : s’il pleut davantage et que les marées montent, nous serons aux premières loges. “
Action concrète pour tricoter une cohérence de territoire tout en prenant en compte le contexte climatique : le travail sur les randonnées de proximité. La découverte du territoire et l’accueil des visiteurs mais à travers une offre étalée, pour décongestionner les sites les plus touristiques (750 000 visiteurs par an rien que pour la forêt de Clairmarais dans l’Audomarois).
Pour ça, l’idée est de créer de l’attractivité sur d’autres sites qui méritent largement le détour, la vallée de la Hem ou la moyenne vallée de l’Aa.
” Nous avons deux gares. Si nous nous débrouillons bien nous pourrions faire un circuit pédestre entre les deux, qui s’étalerait sur 8 ou 15 jours “, imagine le chargé de mission biosphère. Exit le surfait GR20, place au GR de l’Audomarois et cetera.
D’autres actions ont été menées concrètement dans le cadre de cette réserve de biosphère comme la végétalisation d’une place à Saint-Martin-lez-Tatinghem. Fini le bitume, place à l’infiltration des eaux, aux haies et aux saules têtards. 150 000 euros de budget étaient prévus. La réserve de biosphère a activé tous les leviers pour récolter 550 000 euros. “ C’est notre job “, formule Luc Barbier. Dispositifs de maintien de l’agriculture ou encore lutte contre l’érosion sont autant d’angles d’attaque pour préserver le fragile équilibre.
Une réunion regroupant l’ensemble des élus et acteurs concernés s’est tenue fin février et le dossier devrait être déposé ces jours-ci aux instances nationales avant l’examen, en septembre, du renouvellement – élargissement du label par l’Unesco.
Justine Demade Pellorce
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