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Dans la petite commune nordiste de vendeville, on voue un culte à Sainte Rita, la patronne des causes désespérées. La ville a d’ailleurs obtenu le classement de ville sanctuaire cet automne 2023.
« Je suis de la Drôme, de passage chez des cousins à Templemars. Je viens prier pour une nièce qui a de grosses difficultés professionnelles. » Annie, 76 ans, se souvient de sa grand-mère, « pas grande catholique mais très portée sur les saints », et raconte être elle-même déjà venue solliciter Sainte Rita, à l’église Saint-Eubert, à Vendeville (59), patronne des causes désespérées. « Ma fille avait raté son bac une première fois et j’étais venue : elle l’avait eu l’année suivante. » De là à savoir si la jeune fille s’était mieux préparée ou non, Annie ne se prononce pas. « J’ai acheté une grosse bougie qui brûlera neuf jours, une neuvaine. Quand on n’a pas d’autre solution, on essaie », glisse-t-elle avec tranquillité.
À sa suite, ce soir-là, se dirigent vers le fond, à droite – l’espace dédié à Sainte Rita depuis l’installation d’une statue en 1928, puis d’une relique en 1930 : un morceau du corps de la sainte, « a priori un bout d’os », croit savoir l’Abbé Jean-Pierre – Michel, qui soutient Odette, 88 ans. « C’est la voisine de ma marraine, elle est en soins palliatifs et elle tenait à venir une dernière fois », raconte le catholique. La vieille dame s’est assise, elle pleure et remercie.
Lui, explique venir régulièrement avec sa femme, Rosa, prier pour la famille et les enfants, « en préventif ». Il explique comment ils font leur pèlerinage depuis le parc Barbieux de Roubaix, à pied chaque année, ou comment sa tante qui vit sur le littoral vient, elle aussi, chaque année avec un groupe, en bus cette fois. Rosa, d’origine portugaise, raconte comment le couple est venu prier la “sainte des impossibles” pour leur fille qui n’arrivait pas à avoir d’enfant, et comment elle est tombée enceinte après ça. « Nous avons mis une plaque », assure la désormais mamie.
« Merci » et « reconnaissance », « pour une grâce obtenue », le plus souvent « pour une guérison », pour « une naissance » parfois, mais aussi pour l’obtention d’un « certificat » ou encore un « retour de captivité ». Les murs portent la trace des grâces rendues par la sainte. On ne parle pas de miracles, « pour ça il faudrait un passage devant une commission dans les 24 heures, suivi de deux dossiers dans deux hôpitaux différents », décrypte le recteur de la paroisse. « Si à Lourdes (Ville sanctuaire s’il en est, ndlr) on compte 7 000 dossiers sérieux en attente dont 70 miracles reconnus, on n’en est pas là », pose l’Abbé Jean-Pierre qui n’écarte pas l’idée de récolter un jour les témoignages de fidèles ayant été exaucés.
Sous les ex-voto qui ornent les murs – autrefois jusqu’au plafond, aujourd’hui moins nombreuses, il faudrait probablement les resceller car une partie est tombée au fil des ans – des bougies par dizaines. Des petites, « lumignons écologiques sans déchets ni dégagement de CO2 » ou des plus grosses destinées à brûler neuf jours. Elles ont été allumées par les pèlerins, venus prier et déposer une demande de grâce à la sainte, ou par le curé, qui aura reçu les demandes de prières dans le livre dédié – « 100 pages à changer tous les 15 jours », compte-t-il – ou par internet, on n’arrête pas le progrès.
Parmi les Villes sanctuaires que compte le pays – Lisieux ou le Mont Saint-Michel, les Saintes-Maries-de-la-Mer ou encore le Puy-en-Velay – la petite commune nordiste, reconnue depuis le mois de septembre, apparaît comme « un sanctuaire improbable », formule Paul Dumortier. Le directeur de l’office de tourisme de Seclin-Mélantois rappelle la distance qui sépare l’église nordiste de l’Italie natale de Rita, mais voilà, la ferveur populaire ne connaît pas de frontières. Une ferveur qui devrait être nourrie encore par l’adhésion au réseau de Villes sanctuaires (2 000 euros par an pour couvrir les frais mutualisés de promotion et communication), qui remarquent une augmentation de fréquentation de 40 % en moyenne : l’Abbé Jean-Pierre l’estime à 30 % déjà après trois mois.
Vendeville accueille jusqu’à 120 000 pèlerins, d’un jour ou plus, par an : c’est plus de cent fois la population communale. Quelques-uns viennent de Pologne ou du Brésil, pays très catholique où des tour-opérateurs organisent des circuits de tourisme spirituel. Beaucoup viennent de la région, à l’image de Nathalie, 51 ans. Elle habite La Bassée et pousse pour la première fois la porte de l’église de Vendeville. « J’aime Sainte Rita », dit celle qui n’a pas fait de prière particulière ce jour-là mais acheté « des petites médailles et de l’huile » pour les enfants.
Dans la boutique jouxtant l’église, ouverte il y a un peu plus de deux ans pour remplacer l’historique local exigu, des objets par centaines à l’effigie de la sainte italienne. Sur la porte de cette propriété du diocèse, on s’adresse aux pèlerins mais ce sont bien des clients qui passeront en caisse pour régler huile de Sainte Rita, confectionnée à partir d’olives pressées, des crucifix, chapelets, bibles et autres médailles représentante Sainte Rita mais aussi Saint-Christophe ou Saint-Antoine, parmi les plus populaires. Statuettes des plus classiques aux plus contemporaines, « il y a en a pour tous les goûts et toutes les bourses », formule l’un des vendeurs.
De la médaille en aluminium coûtant 60 centimes à la crèche en tissu, exemplaire unique chiffrant à 1 000 euros, chacun peut emporter un extrait de miracle chez lui. Les best-sellers ? Les cartes médailles à l’effigie de Sainte Rita (1 euro) ou les porte-clefs gravés de Saint-Christophe (offerts par les grands-parents aux petits-enfants qui décrochent leur permis). Le tourisme spirituel auquel aspire Vendeville dans cette adhésion au réseau des Villes sanctuaires impliquera de penser à l’accueil des pèlerins. Nourris et logés, informés et orientés sur des circuits touristiques du territoire, avec ou sans connotation religieuse : rien n’est impossible, pour une fois on ne sollicitera pas Sainte Rita.
Margherita Lotti naît en 1381 dans une famille catholique italienne. Dans la campagne de Cascia, en Ombrie, elle est fille unique c’est pourquoi ses parents décident de la donner en mariage quand elle aurait voulu devenir religieuse. C’est un homme guerrier, de mauvaise vie, qui l’épouse. Il bat Rita, retourne voir après six mois de mariage les femmes de rien. Face à ça, Rita garde la douceur et la prière, ce qui va toucher son mari. Peu à peu, il arrête de lever la main sur elle et intègre la foi. Le couple a des jumeaux, qui vont hériter du caractère du père. Alors que ce dernier s’est rangé, il se fait attaquer sur un chemin, conséquence de sa vie d’avant. Il reçoit les derniers sacrements, pardonne à ses ennemis et meurt en chrétien. Les jumeaux n’ont alors qu’un mot à la bouche : vendetta. Ils veulent venger leur père. Ne parvenant à les dissuader, Rita demande à Jésus de les en empêcher, pour sauver leur âme. Ils tombent alors malades, demandent pardon et pardonnent avant de monter au ciel.
Le corps de Rita d’Ascia, sanctifiée depuis, repose en la basilique Sainte-Rita de Cascia où il est présumé incorruptible, c’est-à-dire qu’il ne se décomposerait pas.
Justine Demade Pellorce