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En cet été 2024, Terres et Territoires vous emmène à la découverte de milieux naturels du Nord-Pas de Calais avec le Conservatoire botanique national de Bailleul. Pour cette première étape, direction le plateau des landes, site biologique remarquable, géré en partie par Eden 62.
Il est à peu près certain que si vous dites à vos amis que vous êtes allés dans les landes, ils ne penseront pas à celles dont nous allons parler. Car, si les landes du Sud-Ouest sont les plus connues, le terme désigne avant tout un milieu naturel, que l’on peut retrouver un peu partout.
Enfin, presque car pour qu’il y ait de la lande, il faut des conditions bien particulières, que l’on retrouve sur environ 220 hectares, entre Helfaut, Blendecques, Heuringhem et Racquinghem.
En effet, la lande s’épanouit en réalité sur des terres que les Hommes, eux, n’aiment pas beaucoup : « Historiquement, le mot “lande” vient du gaulois landa, qui signifie “terre inculte, découverte et libre”. Ce sont des terres difficilement cultivables, notamment en raison de leur acidité, ici apportée par des rognons de silex », explique Vianney Fouquet, chargé de mission éducation, formation, écocitoyenneté au Conservatoire botanique national de Bailleul (CBN).
De ce fait, si le plateau des landes s’étend sur 220 ha, on ne trouve de la lande « pure » que sur « 15 % du plateau », indique Alexandre Driencourt, chargé de mission Eden 62, responsable de la réserve naturelle régionale (RNR) et de l’espace naturel sensible (ENS) du plateau des landes.
Logiquement, les landes étant un milieu naturel rare, la faune et la flore qui le composent le sont aussi. « Ici, on trouve deux types de bruyères : la cendrée et celle à quatre angles. On trouve aussi beaucoup d’ajoncs, un peu de genêts, notamment des pieds de genêt anglais, ce qui est très rare… Ou encore le gaillet chétif, dont on a réintroduit 40 pieds il y a quelques années », liste Alexandre Driencourt.
Côté faune, « il y a pas mal d’amphibiens mais surtout, on trouve la decticelle des bruyères, une sauterelle très particulière, dont les conditions de survie sont très spécifiques », ajoute Laurent Clety, chef du secteur du plateau des landes pour Eden 62 et garde nature. En effet, pour se développer, la decticelle des bruyères a besoin de sphaigne, une mousse qui permet la création de tourbe où la sauterelle pourra ensuite pondre. « Mais elle a aussi besoin de zones sèches pour vivre et de végétation pas trop haute pour pouvoir chanter. En fait, parce qu’elle en demande beaucoup, on entretient la lande en conséquence, c’est une espèce parapluie », sourit Alexandre Driencourt.
Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, sans entretien « les landes disparaissent », explique Vianney Fouquet. « Il y a deux types de landes en France. Les landes primaires, dont l’entretien se fait naturellement par les embruns, le vent… Et les landes secondaires qui, sans interventions de l’homme pour ouvrir le milieu, se referment. » Comprenez : des landes qui se retrouvent englouties par la forêt. Ici, « jusqu’à la Seconde guerre mondiale, il y avait une activité agropastorale qui permettait d’entretenir les landes. Puis, elles ont été un peu délaissées, mais jamais complètement car c’est un lieu de chasse », raconte Alexandre Driencourt.
Mais c’est en 1995, lorsque la construction d’une départementale qui coupe le plateau en deux est approuvée, que le site est classé RNV (réserve naturelle volontaire). Eden 62 devient alors un des acteurs de la protection des landes. « Avec l’aide du conservatoire de Bailleul, on a identifié des lieux qui ont un intérêt biologique, pour la faune et la flore, et on les a réouverts. On a même dû faire du décapage, donc détruire une partie de la surface du sol pour pouvoir retrouver le sol “originel” », explique Laurent Clety.
Pour entretenir la lande, « tout se fait à la main, car on ne peut pas simplement arracher la végétation. Dès lors qu’on trouve de la bruyère, pour la protéger, on doit tailler à la main. C’est un sacré travail… Et on ne doit rien laisser sur place car il ne faut pas perturber le milieu », ajoute Laurent Clety. Autres agents d’entretien bien utiles : les ânes et les moutons. En effet, certaines parcelles des landes sont des lieux de pâturages mis à disposition des éleveurs.
En ouvrant le milieu, Eden 62 découvre également des mares et autres étangs artificiels, créés par les bombes de la guerre. De plus, du fait de son sol argileux riche en silex, « la lande est protégée de l’érosion, d’où sa forme de plateau. En fait, tout s’est affaissé autour », décrit Alexandre Driencourt. Au total ce sont 200 mares qui sont répertoriées sur le plateau. « Sans compter toutes les non répertoriées ! », précise Laurent Clety.
Concrètement, les agents d’Eden 62 passent leur journée à arpenter la lande, inspecter les milieux, vérifier qu’il n’y a pas eu de dégâts – « notamment de sangliers, qui viennent désormais ! » -, créer des exclos autour des espèces végétales rares et recenser le moindre animal qu’on n’aurait pas vu depuis un moment (comme, lors de notre visite, des papillons demi-deuil). Bref, « on pourrait être plus nombreux », plaisantent, sarcastiques, les deux comparses.
Si des chemins de randonnées passent par le plateau, la plupart des milieux sont fermés au public. « Des visites sont possibles, mais uniquement avec nous », expliquent les agents d’Eden 62.
Mais alors, pourquoi conserver ce milieu ? Quelle utilité peut-on trouver à la lande ? Eh bien, à part les pâtures, pas grand-chose. « Avant, on se servait des plantes des landes pour leurs vertus médicinales, pour en faire des tisanes », avance Alexandre Driencourt. « On faisait aussi des rideaux de bruyères, ou bien on utilisait les ajoncs pour les manches à balai », ajoute-t-il. Mais aujourd’hui ? Rien. Et ce n’est pas plus mal.
« On peut aussi respecter les espèces pour ce qu’elles sont. On n’est pas obligé de trouver une utilité à tout, poursuit Vianney Fouquet. On peut juste conserver les landes parce que c’est beau. »
Eglantine Puel