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Alors que la fashion week bat son plein à Paris, la créatrice de vêtements éthiques Sarah Bourgois décrypte le rapport de la région Hauts-de-France à la mode.
À partir du VIIIe et jusqu’au milieu du XIXe, nous formions même la capitale mondiale du textile ! Notre région confectionnait tissus, draps, laines… Mais, dans les années 1970, on a assisté à un glissement, on est passé du métier de fabricant au marketing.
Pour gagner plus, la production a été externalisée vers des pays à la main-d’œuvre moins coûteuse, en Asie, puis en Afrique. On a ainsi dépouillé la France et la région de son savoir-faire. Et avec la connaissance qui disparaît, c’est la formation aussi qui s’enfuit !
Avec l’externalisation de la production, on a taillé dans la qualité, réduit le travail de finitions, de découpes… On est passé d’une qualité de produit à l’image d’une qualité. Pour obtenir une mode pas cher, on a produit toujours plus et donné cette impression que pour être à la mode, il fallait changer de vêtements tout le temps. Sauf que ce modèle ne fonctionne plus.
Les calculs n’ont pas été les bons, on produit trop et on ne vend pas tout, donc on doit stocker, c’est ça qui coûte cher… Ce n’est pas la rémunération du producteur ! Aujourd’hui, si on trouve un vêtement à 5 euros, c’est que quelqu’un n’a pas été rémunéré. On a perdu le sens du prix !
Ce qui a fait le succès du textile au XIXe est en train de revenir, on est en train de recréer des schémas de production. Il y a de belles émulations, comme le Ceti, centre européen des textiles innovants de Tourcoing, qui met au point des textiles intelligents, des cotons antitranspirant, d’autres qui s’adaptent à la morphologie.
C’est en étant liés, comme avec le regroupement Nordcréa, qu’on parviendra à inverser la tendance et à revenir vers une mode plus éthique. Le made in France redevient un véritable argument. Mais ça ne fonctionnera que si la demande est cohérente.
C’est exactement comme pour les agriculteurs : le consommateur, par son acte d’achat, choisit de soutenir ou non tout le travail qui a été fourni. Moi qui aie vu le temps que passait mon père à travailler la terre, ramasser, trier, j’ai appris à valoriser cette notion de l’effort.
Je considère que la seule manière de faire un vêtement écoresponsable, c’est d’agir sur la question des ressources. L’utilisation des produits phyto pour le coton, l’eau nécessaire… provoquent des désastres environnementaux. La marque que j’ai lancée, Refab, repose sur deux principes : le recyclage de vêtements pour fabriquer des fils puis des tee-shirts et sweet, et l’upcycling, la réutilisation de la matière récupérée telle quelle. En gros, créer une jupe dans un ancien tissu de canapé !
Agathe Villemagne