Votre météo par ville
La journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes se déroule ce lundi 25 novembre. Une journée pour laquelle Karine Boucher est particulièrement sollicitée. Violences physiques, psychologiques, sexuelles, financières… Durant 23 ans, cette Audomaroise a vécu l’enfer avec son ex-conjoint, père de ses quatre enfants. « On me demande souvent pourquoi je ne suis pas partie, confie la mère de famille. L’emprise qui s’installe petit à petit, on ne voit pas le piège qui se referme, enchaîne-t-elle. Il m’isole de mes proches, me dit que je ne suis rien sans lui. On perd confiance. On finit par ne plus avoir de liberté, on réagit en fonction de ce qu’il va dire mais finalement quoiqu’on fasse rien n’est bien, les moindres déplacements et dépenses sont surveillés… Psychologiquement, j’étais morte. »
Et puis le 8 octobre 2010, après une énième dispute, Karine Boucher prend son courage à deux mains pour « s’évader » – comme elle le dit – de chez elle. Les semaines qui suivent, la mère de famille entame toutes les démarches pour trouver un travail, un logement… « J’étais déterminée », se souvient-elle. Une période durant laquelle son ex-conjoint la menace de mort à plusieurs reprises. Karine Boucher en parle à la gendarmerie, écrit une lettre au procureur de la République et au président du tribunal de grande instance de Saint-Omer. « J’y expliquais les faits, qu’il me menaçait de mort, je leur ai dit que je craignais qu’un drame survienne. Le courrier a été envoyé le 12 novembre, ils l’ont reçu le 15, mais rien… »
Le 16 novembre 2010, alors qu’elle va chercher son fils à la sortie de l’école, son ex-conjoint est là, fusil à la main. Il lui tire dessus à trois reprises sous les yeux de leur fils, mais aussi de ses camarades et des parents d’élèves. « J’étais dans ma voiture, mon fils a crié “attention maman, papa va te tirer dessus”. Je me souviens lui avoir dit “sauve-toi, ne t’occupe pas de maman” ». Les balles toucheront sa tête, son épaule et le pli de l’aine sectionnant une artère fémorale et une veine humérale. Les blessures conduiront à l’amputation de son bras droit. S’ensuivront de multiples interventions chirurgicales et des mois d’hospitalisation et de rééducation. « Des mois de souffrance », lâche-t-elle.
À cela s’ajoute l’épreuve du procès en 2013. « À cette période, j’étais encore très fragilisée par la douleur. Et c’est un moment où on prend cher, les faits sont minimisés par les avocats de l’accusé, il faut se justifier… J’ai été dégommée, je ne me suis pas sentie victime et on n’est pas préparé à cela. » Un procès qui ne lui a pas donné toutes les réponses qu’elle attendait : « Pourquoi la justice n’a pas réagi à mes alertes ? La justice s’occupe des auteurs, s’inquiète de leur réinsertion… Mais moi, est-ce que quelqu’un s’est posé la question de savoir si j’avais un logement lorsque ma rééducation s’est terminée ? On se sent abandonné, la justice doit aussi prendre en charge les victimes. »
La force de vivre, de se reconstruire, Karine Boucher l’a trouvée notamment grâce à la bienveillance du personnel soignant. « Je devais réapprendre à vivre avec un seul bras. Moi qui étais droitière, j’ai dû devenir gauchère. Il faut aussi apprendre à accepter ce nouveau corps, sa nouvelle image. » Un processus qui demande du temps, « cela ne se fait pas du jour au lendemain », insiste-t-elle.
Le handigolf, qu’elle découvre alors qu’elle est en centre de rééducation à Berck-sur-Mer, a joué un grand rôle : « Je me suis prise de passion pour ce sport, cela a été véritablement thérapeutique. Le sport m’a ouvert une nouvelle voie et si cela a marché pour moi, c’est que ça marchera pour d’autres qui vivent une situation difficile que ce soit lié à un handicap ou non. Il ne faut pas hésiter à franchir les portes d’un club. » Un sport qu’elle pratique aujourd’hui à haut niveau, elle est n° 1 dans la catégorie dame amputée d’un bras. Elle est aussi déléguée régionale Hauts-de-France de l’association handigolf et ne manque pas une occasion de promouvoir ce sport auprès des personnes en situation de handicap. Le 3 juillet dernier, elle a d’ailleurs porté la flamme olympique, torche que le comité Paris 2024 lui a offerte après avoir été touché par son histoire.
Depuis quelques années, elle témoigne de ce qu’elle a vécu pour « faire bouger les choses. Si cela peut donner la force à une femme de quitter son conjoint violent, c’est une victoire. » L’ambition est aussi que la prise en charge des victimes continue de s’améliorer. Karine Boucher intervient dans les formations de gendarmes pour l’accueil des victimes.
Un parcours qu’elle a décidé de mettre par écrit : son autobiographie, De toutes mes forces, sortira en avril. « J’y raconte mon histoire, sans haine. » Un long cheminement qui fait qu’aujourd’hui, elle l’assure : « Je suis heureuse et bien dans ma vie. Mais si je suis encore en vie, ce n’est pas pour rien : je veux continuer mes combats pour aider les autres. »
Lire aussi : Ruralité : la « double peine » des femmes victimes de violences
3919, Violences Femmes Info : c’est le numéro national de référence pour l’écoute et l’orientation des femmes victimes de violences.
Hélène Graffeuille
hgraffeuille@terresetterritoires.com