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« Écoute », « conciliant », « pondéré », « consensuel », « force tranquille » autour d’un « Merci Laurent »… C’est avec ces mots que les équipes de la FDSEA du Nord ont rendu hommage à Laurent Verhaeghe lors de son départ de la présidence du syndicat, il y a quelques semaines. Forcément, l’hommage a ému l’éleveur de Saint-Saulve qui a tourné, à ce moment-là une page de sa vie. Il revient sur son parcours et son engagement.
Le premier chapitre commence, comme souvent, par une histoire de famille. Laurent Verhaeghe vient d’une famille d’agriculteurs. « Mon grand-père venait des Flandres, c’était un Flamand français, retrace l’agriculteur de 64 ans. Mon papa, Michel, a repris une ferme ici (à Saint-Saulve, ndlr) en 1959. » 18 hectares, neuf vaches, fabrication de beurre… « Avec ma maman, ils faisaient de la vente au détail », des tournées de livraison de lait auxquelles il arrivait au tout jeune Laurent Verhaeghe de participer. Une autre agriculture et une autre époque, dans laquelle l’éleveur grandit et touche pour la première fois au syndicalisme via son papa. Michel est alors déjà engagé sur le terrain du foncier, « mais plutôt à travers les baux ruraux. Il était à ce qu’on appelait à l’époque la ‘”section des preneurs” ».
« L’engagement syndical était très important dans la vie d’un agriculteur à cette époque. Mon papa nous emmenait (avec le frère de Laurent, Luc, nldr) aux assemblées générales quand ça se faisait à La Chapelle d’Armentières, où il y avait des milliers d’agriculteurs. C’était incroyable, il y avait une ferveur… C’est quelque chose qui m’a toujours marqué ! »
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Installé en 1983, toujours à Saint-Saulve, mais à quelques kilomètres de la ferme familiale, Laurent Verhaeghe devient donc logiquement un adhérent de la FDSEA : « J’adhère parce que c’est la tradition chez les Verhaeghe ! ». En 1989, son frère rejoint l’exploitation familiale. Ces années-là, Laurent Verhaeghe rencontre alors ceux qui font le syndicalisme de l’époque : « Les Jacques Scrive, Jean-Marie Tassart pour ne citer qu’eux. J’avais un regard admiratif, mais jamais je n’aurais pensé que j’aurais pris leur place un jour. » Ce sont pourtant ces figures qui, pour certaines, vont le pousser à s’engager plus fortement. L’éleveur devient ainsi président de canton, avant 1998 et l’implantation de Toyota dans le Valenciennois, l’un des tournants de sa carrière de syndicaliste.
À l’époque, il est contacté en tant que président de canton, mais aussi et surtout car il connaît des élus impliqués dans l’arrivée annoncée du constructeur automobile japonais. Ce projet d’envergure nationale, pourvoyeur de milliers d’emplois, doit se faire sur des terres agricoles. « Entre une vingtaine et une trentaine d’agriculteurs étaient concernés. » Il n’y a alors pas d’oppositions à l’arrivée de Toyota dans le Nord, au contraire. « Parce que pour le Valenciennois qui était en crise à l’époque, c’était une aubaine. Même chez les agriculteurs, il y en avait une majorité qui reconnaissait le besoin impérieux de retrouver des usines. Il fallait que ça se fasse. Et on n’a jamais dit qu’il ne fallait pas le faire ! On a dit : “Respectez les agriculteurs !”. » Mais le timing est alors très serré : « Là, il fallait avancer vite. On n’avait même pas récolté qu’il fallait quitter les terres », se souvient Laurent Verhaeghe.
Il se retrouve propulsé au cœur de la machine et essaie d’appliquer pour la première fois ce qu’il a toujours voulu mettre en avant : « Trouver le compromis et faire respecter notre profession. ». Avec le recul, il estime avoir fait le job : un « bon travail d’accompagnement avec la mise en place d’un fonds de compensation correct pour l’époque ».
Pour Laurent Verhaeghe, « Toyota est l’élément déclencheur » de son engagement qu’il va alors pousser de plus en plus, devenant en 2013 président de la FDSEA du Nord. Il occupera le poste pendant plus d’une dizaine d’années, forçant parfois sa nature, notamment lors des manifestations, un « rapport de force » qui ne correspond pas vraiment à cet homme de consensus.
Il n’a pas compté ses heures, non plus, parfois peut-être à tort : « C’est mon petit regret. On ne sait pas tout faire : je n’ai pas eu beaucoup de temps pour mes enfants et mes premiers petits-enfants », dit-il sincèrement. Dans une société où le syndicalisme et les attentes des adhérents ne sont plus les mêmes que dans ses jeunes années, le rôle « usant », a ainsi fini par le décider à lâcher la présidence de la FDSEA cette année pour, « à 64 ans, laisser la place aux jeunes ». Celui qui sera à la retraite le 31 décembre prochain a finalement le sentiment du devoir accompli : « J’ai toujours respecté les autres, même ceux qui ne pensent pas comme moi. J’ai essayé de faire honneur à ce que les agriculteurs souhaitaient ». Il l’assure : « Jamais je n’ai travaillé pour moi ! ». Travailler pour les autres, il continuera de le faire même à la retraite en ayant accepté la présidence de Saveurs en’Or. Une suite logique à son attachement à l’agriculture et à son engagement pour le monde agricole.
1983. Il s’installe et agrandit l’exploitation familiale à Saint-Saulve, près de Valenciennes.
1998. L’arrivée de Toyota dans le Valenciennois marque un tournant dans son engagement syndical.
2013. Il succède à Marc Ruscart et devient président de la FDSEA du Nord.
2024. Il quitte la présidence de la FDSEA du Nord et est élu président de Saveurs en’Or.
Kévin Saroul