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Accoudée sur le comptoir Saveurs en’Or, on dirait presque qu’elle est chez elle. Depuis longtemps, elle a choisi des lunettes rouges, assorties au logo de la marque régionale. On croirait que c’est fait exprès. Dans les allées de Terres en fête, Pépée le Mat attire les regards et les selfies, provoque les sourires et les discussions. C’est une “femme battante”. L’une des héroïnes d’Olivier Delacroix dans son documentaire qui porte ce titre. Fière de « s’en être sortie malgré ce que l’on aurait pu croire dans sa jeunesse. » Un film « triste et beau à la foi » d’ailleurs, qui a eu « un succès fou. »
Elle était bonne élève, la Pépée. Elle a eu la mention très bien à son certificat d’études, cette enfant de la campagne, qui a grandi entre Cauchy et Cambrai. « J’ai été élevée par mon grand-père Alfred, marchand de bestiaux, ma grand-mère Marguerite et ma tante Nelly, amoureuse de la nature », raconte-t-elle en distribuant des verrines concoctées par le chef cuisinier. À 8 ans, elle faisait déjà roussir le lapin à la mode Marguerite, un carré de sucre pour que la bête soit colorée et le tour est joué. C’est un héritage qu’elle a gardé, précieusement, et partagé, généreusement. Elle a épousé un boulanger-pâtissier et son art des fourneaux. « Je ne suis pas étrangère aux bons produits et à la bonne gastronomie », résume-t-elle, se régalant d’un caviar sucré de lentilles.
Lorsqu’elle se retrouve seule, elle prend le large et un café brasserie lillois, boulevard de la Liberté, à deux ou trois cuisines de Terres et Territoires. Elle s’inspire du carnet de recettes de sa grand-mère, propose des poulets rôtis du dimanche et des pot-au-feu à ses clients citadins qui viennent « manger à la maison. » « Chez nous, on n’était pas très riches mais on ne mangeait que du bon », se souvient-elle en rêvant des « racassages » constitués de restes et qu’elle refait à ses « gens des bureaux » qui en redemandent.
Douze ans s’écoulent, avant qu’elle n’ait envie d’autre chose et d’ailleurs. Un autre chez elle, où elle serait moins à l’étroit avec les cinq enfants qu’elle élève. Elle s’installe à Richebourg et s’ancre instantanément dans le bas pays d’Artois. Elle sera même un temps présidente de l’office de tourisme de Béthune. Dans sa ferme flamande, la Niche, elle accueille les enfants l’été – jusqu’à 4 000 – qui s’extasient devant ses cochons, poneys, poules, lapins, chèvres et compagnie.
Dans ses chambres d’hôtes, elle régale ses invités à grands coups de produits locaux. La Niche est aussi table d’hôte, évidemment. Pépée le Mat fait mijoter sa carbonade flamande, dorer sa flamiche au maroilles, assaisonner son potjlevelsch, toutes les richesses de la région à laquelle elle est profondément attachée. Le vendredi, elle emmène ses invités faire les courses dans les fermes. Ils repartent chargés de pommes de terre, d’œufs, de confitures. Que du savoureux, que du local. C’est qu’elle a ses adresses, Pépée, qu’elle partage, bien entendu, on commence à deviner le personnage.
Et puis elle met un pied chez France Bleu en organisant des tables rondes régulièrement avec Patrick Marlière. Elle invite les personnalités du coin, passe derrière les fourneaux et leur fait goûter ses tartes, siroter un verre de bière et « on papote ». Le journaliste enregistre l’histoire de chacun et tout le monde se régale. En 2004, on l’appelle pour les 30 ans de France Bleu. Elle passe deux ou trois coups de fil et prépare à manger pour 250 personnes. La même année, elle écrit à Jean-Marie Raoult pour lui assurer qu’elle veut faire partie de l’aventure Saveurs en’Or, parce qu’elle a « tout de suite adhéré », parce que les gens ont besoin de « produits rassurants. »
Un week-end de braderie, elle réalise sa recette de moules-frites en direct sur France Bleu à la demande de l’antenne. C’est le début d’une nouvelle aventure. Depuis 15 ans, on entend sa voix à la radio jusqu’à cinq fois par semaine. De temps en temps, on la voit sur France 3, ou encore sur M6. On reconnaît ses lunettes rouges et son carré blond. Elle a tourné avec Cyril Lignac pendant deux mois et demi. On l’a aussi vue dans Vous êtes formidables pendant un an.
Sur France Bleu, elle concocte Les bons plats de Pépée, et elle continuera à la rentrée prochaine. L’émission est reconduite en septembre, se réjouit la chroniqueuse, le samedi à 8 h 30. Elle poursuivra donc sa tournée des producteurs, des restaurateurs, seulement des bonnes adresses. Elle veut « la vérité » sur ce qu’elle mange, elle veut que ce soit propre. Comme à la maison.
Louise Tesse
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