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« Nos ennemis du jour : les espèces exotiques envahissantes (EEE) », annonce d’emblée Hugo Masingarbe. Le responsable du secteur Hénin-Carvin pour Eden 62 a en ligne de mire la renouée asiatique, l’ailante, le sumac de Virginie, le séneçon du Cap ou encore le buddleia… Des plantes originaires de contrées lointaines qui se font une place de choix dans nos espaces naturels protégés, et plus spécifiquement pour ce jour sur le terril 115 – dit du téléphérique – à Libercourt (62).
Pour mener « son combat », Hugo Masingarbe et son équipe disposent, ce jour-là, de l’aide précieuse d’une dizaine d’élèves du CAP agricole de l’antenne de Lesquin de l’institut de Genech. Un chantier participatif qui a une double vocation : « Cela permet de former les élèves, ils acquièrent des connaissances ainsi que les gestes techniques pour lutter contre les EEE, mais pour nous c’est aussi l’opportunité de garder un pied dans les différents établissements agricoles du secteur, de parler de notre métier, de transmettre notre passion », souligne le garde nature d’Eden 62. Chaque année, une soixantaine de chantiers nature sont ainsi organisés.
Avant de passer à l’action, une petite explication sur les EEE s’impose : « Si dans leur milieu originaire les EEE disposent de facteurs limitants, c’est-à-dire d’éléments qui empêchent leur développement exponentiel, ce n’est pas le cas dans notre région. Elles vont donc proliférer rapidement et cela a un double impact, économique et naturel », explique Hugo Masingarbe. Et de détailler : « Écologique car leur développement se fait au détriment de notre biodiversité. Si on prend l’exemple de la renouée asiatique, d’abord, elle se bouture facilement, puis elle produit une toxine dans le sol qui empêche les autres plantes de pousser. Or, le terril du téléphérique est un espace naturel sensible – d’autant plus qu’il est récent – notre objectif est donc de préserver cette zone où on trouve une végétation qu’il est nécessaire de protéger. »
Les EEE peuvent également avoir des conséquences économiques non négligeables : « En Angleterre, par exemple, la présence d’EEE a eu un impact sur le prix du marché immobilier, car certaines EEE soulèvent la maçonnerie ou encore empêchent de cultiver un jardin… Et dépolluer un site – car on parle bien de dépollution – peut avoir un coût exorbitant ! »
Pour chaque EEE, la stratégie de lutte est différente. Gardons l’exemple de la renouée asiatique. La débroussailleuse ? « Surtout pas, c’est pire que tout, prévient Hugo Masingarbe. Si on prend une débroussailleuse, on ne fera qu’étaler le problème. Cette plante se bouturant avec tout et n’importe quoi, on va donc éviter car cette méthode ne ferait que multiplier les plants. » La déterrer à l’aide d’une bêche ? « Trop fastidieux, cela demanderait de décaisser sur plusieurs mètres de profondeur et de tout passer au tamis pour récupérer le moindre de bout de stolon. »
L’une des rares solutions efficaces : couper à ras la plante à l’aide d’un sécateur en faisant attention à tout mettre dans un sac plastique. « Il faut être vigilant à ne surtout rien faire tomber, aucune feuille ou morceau de tige », insiste le garde nature. C’est donc équipés de sécateurs et de sacs-poubelle que les gardes nature d’Eden 62 et les élèves se sont méticuleusement attaqués à la présence de la renouée asiatique sur le terril du téléphérique. « Évidemment le sac-poubelle ne sera pas mis dans une déchèterie classique mais dans une benne à brûler toujours pour éviter que la plante ne fasse de nouvelles boutures. » Et d’ajouter : « C’est un geste qu’il faut répéter au moins sept fois par an afin d’épuiser la plante et espérer qu’un jour elle ne repousse plus. »
Pour l’ailante ou le buddleia, le plan d’attaque est différent : il faut les déraciner une fois par an pendant environ cinq ans.
Et pour évaluer si leurs actions sont efficaces, les gardes nature d’Eden 62 procèdent chaque année à un relevé des EEE, « nous les localisons puis cela permet d’obtenir le nombre de pieds ce qui nous permet de constater si nous arrivons à contrôler et maîtriser leur développement ». Réponse lors du prochain relevé effectué sur le terril du téléphérique…
Selon le ministère de la Transition écologique, une espèce exotique envahissante (EEE) est « une espèce introduite par l’homme volontairement ou involontairement sur un territoire hors de son aire de répartition naturelle, et qui menace les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces locales. » « Avec le développement des transports ou encore l’import-export des marchandises, on a commencé à faire transiter aussi des plantes. Les botanistes trouvaient jolies certaines plantes venant de l’autre bout du monde. Ils les ont ramenées et plantées dans leurs jardins… Malheureusement, elles ne sont pas restées que dans les jardins… », explique Hugo Masingarbe, responsable du secteur Hénin-Carvin pour Eden 62.
Les EEE colonisent le territoire et s’étendent au détriment d’espèces locales qu’elles vont supplanter voire totalement éradiquer. Elles sont aujourd’hui considérées comme « l’une des principales menaces pour la biodiversité », selon le ministère de la Transition écologique. « Mais il y a toujours un recto et un verso, rappelle l’écologue Coriandre Prudhomme, également formatrice à l’institut de Genech. La renouée asiatique n’a pas que des inconvénients. Elle est, par exemple, utilisée en Asie pour l’alimentation ainsi que dans des traitements anticancéreux. »
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Hélène Graffeuille