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Invitée par de nombreux organismes agricoles, la journaliste et communicante Valérie Dahm parcourt la France et expose son point de vue sur la communication en agriculture. Lors d’une conférence à Arras (62) fin 2019, devant les producteurs de pommes de terre, cette ingénieure agricole, qui ne manque pas de charisme, a tenté de réconcilier l’agriculture avec la société.
Le constat que dresse Valérie Dahm est indéniable. « On perd de vue l’agriculture. Les agriculteurs sont moins nombreux, on les voit moins dans les villages. Et la population a changé. Les habitants sont souvent des retraités, qui ont vécu en ville, de jeunes couples avec des enfants ou encore des touristes. Tous n’ont pas quelqu’un dans leur entourage qui travaille dans le milieu agricole. »
Alors, les exigences et visions divergent : les uns s’installent à la campagne pour bénéficier d’une meilleure qualité de vie, d’une meilleure alimentation, des services et d’un environnement bucolique, propice aux loisirs.
Tout l’inverse de l’agriculteur qui fait un usage économique de ce décor et qui a un rythme de vie axé sur le travail plutôt que sur les loisirs. « À cela s’ajoute une temporalité différente : les néoruraux sont souvent des salariés, focalisés dans l’immatériel et l’immédiateté. Alors que les agriculteurs sont chefs d’entreprise, travaillent avec du vivant et sur un temps long. »
Vu sous cet angle, les exigences de ces néoruraux peuvent paraître légitimes. Mais ce qu’ils oublient, c’est que les mutations demandent du temps. « Les agriculteurs sont nombreux à faire évoluer leurs systèmes mais sont hésitants. Parce que ce changement représente un risque économique. Être plus respectueux de l’environnement demande du temps, du foncier, de la main-d’œuvre difficile à trouver. Tout cela en restant compétitifs. Et la PAC encourage encore le productivisme. » De quoi devenir chèvre !
En quelques années, les agriculteurs sont devenus les boucs émissaires de la filière agroalimentaire française. Est-ce le résultat de nombreuses années passées dans le silence ? Sûrement. Mais cela ne justifie pas tout. « Il est bien plus facile d’aller exprimer son mécontentement à un agriculteur, seul au bord de son champ, qu’à un industriel dans son bureau, constate Valérie Dahm. Il est ainsi primordial de communiquer sur son métier et ses produits. »
Les agriculteurs, par respect envers la filière, ont laissé les autres parler à leur place pendant très longtemps. Mais quel chargé de communication de coopératives, d’industriels ou de syndicats le fera mieux que la personne qui élabore le produit ?
Dans le même temps, quel chef d’entreprise a la prétention de pouvoir se passer de la communication pour assurer sa pérennité ? Aucun. « Aujourd’hui, si un chef d’entreprise ne communique pas sur son produit, il est mort, annonce Valérie Dahm. Cela fait partie des tâches qui leur incombent »
La journaliste compare le fait de communiquer avec la comptabilité : personne ne vous oblige à la faire, mais, à long terme, le fait de s’en passer peut devenir préjudiciable. Se lancer dans la communication, surtout avec les temps qui courent, ça peut faire peur.
Valérie Dahm rassure : « C’est un obstacle tellement petit par rapport à tous ceux que les agriculteurs ont déjà franchis. » Faire cette démarche collectivement peut être une solution. « Cela permet de se décomplexer, de créer une communauté, de se relayer », argumente-t-elle.
D’autant plus que, répète-t-elle, « 80 % des Français aiment les agriculteurs, et nombre d’entre eux sont curieux de savoir ce qu’il se passe dans les fermes. Il faut dire aussi que l’agriculture s’illustre très bien, ça parle aux enfants comme aux adultes. »
Il ne faut pas donc perdre une occasion de communiquer : sur les réseaux sociaux, lors des repas entre amis, en famille, lors de portes ouvertes, tout est prétexte pour parler de son métier. Seule préconisation : s’y préparer. « Il faut rester factuel, mettre le sentimental de côté, parler des changements qui ont été réalisés, du quotidien, conseille-t-elle. C’est possible d’inverser la vapeur, et c’est urgent. »
Lucie Debuire