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Sur sa vie personnelle comme sur ses liens avec le monde agricole, Christian Huyghe est du genre discret. “Je suis fils d’agriculteurs, mais je ne le mets jamais en avant. Ça ne me confère pas de légitimité particulière…” Originaire de Hazebrouck où il vient régulièrement visiter sa famille, ce chercheur en génétique et amélioration des plantes est depuis 2016 le directeur scientifique agriculture de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). L’un des trois grands pôles de l’Inrae avec l’environnement et l’alimentation-bioéconomie.
Né en 1960, c’est sur les bancs du lycée général de La Malassise, à Longuenesse (62), qu’il use d’abord ses pantalons d’écoliers. Puis sur ceux des classes prépas du lycée Faidherbe, à Lille, où il prépare les concours des grandes écoles. Entre agronomie et géologie, son cœur balance. “Je me souviens encore du jour où j’ai décidé d’aller dans l’agronomie. J’avais le choix entre l’Ensa de Rennes, Montpellier, Nancy… J’ai choisi le Bretagne, car ça m’allait bien.” S’ensuivent trois années “absolument géniales”. “Quand vous sortez de l’enfer de la classe prépa, vous redécouvrez la vie !”, explique-t-il avec un entrain digne d’un étudiant le jeudi soir. Il se spécialise alors en génétique et amélioration des plantes, “l’une de rares spécialités où vous créez quelque chose qui est susceptible de changer la donne.”
Une semaine après avoir décroché son diplôme, il est recruté à l’Inra en tant qu’attaché scientifique contractuel, pour y faire sa thèse. Sujet : “La polyembryonie haploïde diploïde chez les génotypes lin”, un processus de croisement pour avoir deux nouvelles lignées en une seule génération. “Manque de pot, elle s’appuyait sur une publication chinoise fausse que personne n’a jamais réussi à reproduire. Je suis resté accroché à ce sujet en développant une autre méthode toujours utilisée en création variétale.”
Après son service militaire qu’il effectue dans un laboratoire anglais, il est affecté à l’Inra de Lusignan, dans la Vienne. Il y prend la tête d’un laboratoire qui travaille sur le lupin blanc, puis la luzerne, ainsi que les espèces fourragères. Puis il suit “une trajectoire de carrière assez classique à l’Inra” : directeur de son unité de recherche en 2001, puis président du centre en 2007, directeur scientifique agriculture adjoint de l’Inra en 2011, puis directeur en 2016.
“Ce qui me vaut parfois des tensions avec monde agricole, reconnaît-il, c’est mon travail pour les certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques (CEPP), depuis 2015. Mais c’est passionnant, de voir les choses bouger. Il y a une dizaine d’années, les effets des pesticides sur la santé et sur les milieux n’étaient pas un sujet dans le monde agricole. Aujourd’hui, plus personne n’est de cet avis. C’est une rupture fondamentale. Le Nord n’est pas très concerné, mais si vous descendez plus au sud, dans la zone allant de la Lorraine à la Bourgogne en passant par le bassin parisien et le Poitou-Charentes jusqu’à la Vendée, il y a eu une énorme simplification des cultures avec un système colza, blé, orge. Les exploitations se sont étendues… Toutes les régulations offertes par le milieu ont disparu, ce qui rend les systèmes encore plus dépendants de la chimie ! Sauf que quand on en utilise trop, on provoque des résistances, et que ce système a conduit une rupture entre la production et la préservation des milieux.”
En filigrane se cache la question du prix que les consommateurs sont prêts à payer pour manger. “On a réussi à produire pour un prix très bas mais on est tombés de l’autre côté du cheval. La valeur qu’on donne à l’alimentation a baissé et c’est devenu un dû. Quand la baguette passe de 1,05 € à 1,10 € c’est un scandale. Mais qui s’insurge du prix de l’iPhone 12 ? Le problème, c’est qu’on n’a aucune idée du coût réel économique, mais aussi environnemental des denrées que l’on consomme. J’ai entendu récemment une publicité qui vantait les mérites de clémentines au prix le plus bas. À quand les clémentines au plus faible impact environnemental ?”
“Le green deal européen est une chance, affirme-t-il encore. Pour la première fois, tous les pays seront traités pareil. C’est l’occasion d’être à la tête de la transformation.”
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