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« Comme dans La vie est un long fleuve tranquille, on a inversé les berceaux de Franck Leroy et de moi-même, débute Xavier Bertrand en guise de premier chapitre de sa vie. Lui est né en Hauts-de-France et préside la région Grand- Est. Je suis né dans le Grand-Est et je préside des Hauts-de-France. »
À l’âge où Marcel Groseille et Bernadette Le Quesnoy découvrent la supercherie (cf. vos classiques), il met – enfin – un pied à Saint-Quentin par le jeu de mutation de son père banquier, et son cœur suit. Lorsque ses parents quittent la ville cinq ans plus tard, lui y reste, « tombé amoureux de la politique, tombé amoureux tout court ».
Militant dès l’âge de 16 ans, il s’engage « pour Chirac, bluffé par son énergie » avec en toile de fond la campagne présidentielle de 1981. L’année d’après, son chemin croise celui d’un sénateur, Jacques Braconnier, qui a besoin « de jeunes qui s’impliquent ». Xavier Bertrand est de ceux-là et embarque à ses côtés au sein des jeunes UMP.
Ce sénateur et maire de Saint-Quentin deviendra son employeur. Mais surtout, celui dont les parents n’étaient « pas tournés vers ce milieu » y reconnaîtra son « grand-père en politique ». Son ambition – à l’époque – prend la forme de la mairie de Saint-Quentin qu’il rêve de conquérir. Il y entre par la porte de l’opposition avant d’être élu maire, quelques années plus tard.
Son engagement, il l’explique d’ailleurs par la combinaison d’une passion pour la politique et son attachement porté à sa ville qui demeure, aujourd’hui encore, son « point fixe ». Son « titre de gloire » est d’y avoir imaginé les premières plages en plein centre-ville et ce dès l’été 1996 avec sa casquette d’adjoint à la redynamisation. Trois ans plus tard Paris demandera d’ailleurs les « secrets de fabrication » à son fier inventeur. « L’idée initiale était simple : offrir des vacances à ceux qui ne partent pas. On a compté jusqu’à 400 000 enfants sur cet hectare de sable fin made in Hauts-de-France, à cinq mètres de l’hôtel de ville. »
S’il ne s’imaginait pas à l’Assemblée nationale – lui qui a étudié le droit estime que « quand on n’a pas fait Science Po ou l’ENA on n’est pas calculé en tant que député » mais se « trompe » – il remporte les législatives en 2002. Il intègre la commission des finances et se voit confier le débat de la réforme des retraites. « L’idée du dispositif sur les carrières longues vient d’une ferme », se souvient-il, racontant la campagne aux législatives, un café débat sur des bottes de paille, un ouvrier agricole qui aime son métier mais en a « le dos broyé ». « Pensez à des gens comme moi lors de la réforme des retraites », dit celui qui partira « finalement en retraite avant 60 ans », Xavier Bertrand ayant obtenu « gain de cause », dixit l’intéressé.
Moins de deux ans plus tard, il devient ministre. Secrétaire d’État à l’Assurance maladie, ministre de la Santé, porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant sa campagne, ministre du Travail, puis à la tête de l’UMP, puis de nouveau ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, récite l’acteur de ces fonctions successives. « Le ministre qui a interdit de fumer dans les lieux publics, c’est moi. Le service minimum dans les transports, c’est moi. »
Avec la réforme territoriale, la nouvelle Hauts-de-France est condamnée à tomber dans les mains du Rassemblement national, lui assure-t-on. Et si c’est loin d’être gagné, il est « le seul à pouvoir relever le défi. » « Le tour de force est d’arriver 2e dans une région jamais tournée vers la droite et de l’emporter au 2e tour face à Marine Le Pen grâce au réflexe très républicain de la gauche qui retire ses candidats ». Depuis neuf ans, le voici dans un nouveau rôle, à la tête de sa région d’adoption. « Vous avez des comptes à rendre à six millions de personnes, mais vous n’avez pas de patron au-dessus de vous donc vous avez une vraie liberté. Mes seules contraintes sont ce que mon budget ne me permet pas de faire et ce que la loi m’empêche de faire. Ça permet de faire vraiment bouger les choses. »
Bouger les choses, c’est « avoir engagé la transformation de la région », à commencer par la renommer, symbole d’une nouvelle dynamique. Puis se saisir de dossiers, le canal Seine Nord – « j’ai pris des risques en reprenant le pilotage dont ne voulaient pas les techniciens à Paris » -, la vallée de la batterie – « il valait mieux être les premiers » -, la candidature pour les EPR de Gravelines – « un pari ». Derrière, il y a des emplois, pour lesquels il dit avoir une obsession. Il mise aussi sur l’attractivité touristique de la région qui passe – entre autres – par la filière brassicole. Et, en ce jour de lancement de la bière de Noël, il répète que « c’est notre tradition, notre culture, notre identité, notre économie, nos emplois, notre attractivité ». C.Q.F.D.
Chaque région a ses spécificités, brosse-t-il, « quand on a l’intention d’être candidat à l’élection présidentielle on aime forcément toutes les régions, mais les bières d’ici gagnent à être connues ! » Il va « monter au créneau au Sénat et au gouvernement », tempête-t-il, pour protester contre la taxe sur les bières. Il veut dire au Premier Ministre également que les « engagements pris pendant la crise agricole » doivent être tenus. « C’est une responsabilité politique. Il faut une fois pour toutes qu’on réponde à leurs attentes ! La société française doit se demander ce qu’elle veut faire de son agriculture, et tout simplement, ce qu’elle veut manger. » C’est une question de qualité, d’économie, d’emplois, argue-t-il, avançant une « dimension très charnelle avec l’agriculture : c’est la terre, c’est notre identité et ce sont des figures, des hommes et des femmes ».
Louise Tesse