Votre météo par ville
La diversification de ses cultures est un levier efficace pour sécuriser son exploitation. Face au changement du climat, de nouvelles cultures, que l’on n’a pas pour habitude de cultiver dans notre région, semblent désormais s’y plaire.
C’est pourquoi, Bio en Hauts-de-France et la coopérative Biocer ont décidé de présenter aux agriculteurs des cultures innovantes et économes en eau au premier rang desquelles la lentille.
Avec les années et le dérèglement climatique, la production de lentilles a tendance à se délocaliser vers le nord de la France. Une opportunité à saisir pour les agriculteurs du Nord-Pas de Calais. D’autant que d’après Biocer, coopérative qui regroupe 250 agriculteurs bio dans le nord-ouest de la France, la lentille a de l’avenir : « La population tend à manger de moins en moins de viandes. Les protéines d’origine végétale se substituent de plus en plus aux protéines d’origine animale dans l’alimentation. »
À l’échelle nationale, la France produit environ 5 000 tonnes de lentilles et en importe entre 25 et 30 000 tonnes. « Il y a donc un enjeu pour relocaliser la production et une marge de manœuvre importante », souligne Cyril Quandalle, conseiller chez Biocer.
Il existe plusieurs sortes de lentilles. Le lentillon d’abord, « c’est la lentille d’hiver à semer l’automne, courant novembre, à une densité de 100 kg / hectare », détaille Cyril Quandalle. C’est une culture à associer. « Historiquement, nous l’associons avec du seigle (50 kg / ha) qui a un aspect tuteur permettant au lentillon de s’entortiller, ce qui évite qu’il se couche au sol. Depuis deux ans, nous le faisons aussi avec de l’épeautre (80 kg / ha). Cette année, nous testons également avec du blé et du triticale, culture où le marché est encore ouvert », indique-t-il. Chez Biocer, le lentillon est dépelliculé et vendu sous le nom de lentille corail.
La lentille de printemps, elle, se présente sous différentes couleurs (rose, noir, verte et corail). « Selon nos constatations, c’est la lentille verte qui a les rendements les plus importants et les plus stables », précise Cyril Quandalle. Elle se sème à 100 kg / ha entre mi-mars et mi-avril. « L’objectif est que la température du sol soit au minimum à 6 °C. »
C’est une culture qui s’associe aussi, notamment, à la cameline (3 kg / ha) qui a pour intérêt d’avoir un effet désherbant mais aussi l’aspect tuteur. Le blé et le triticale seront également testés cette année.
En ce qui concerne l’itinéraire, dans la majorité des cas, un labour est effectué, suivi d’au moins un, voire deux, faux-semis entre 12,5 et 25 cm d’écartement pour pouvoir biner l’association. Le binage se fait à partir d’une hauteur de 5 cm atteinte par les lentilles.
Beaucoup d’agriculteurs ne font aucun désherbage. « Mais la grosse crainte est le chénopode que l’on retrouve assez souvent. Il faut donc éviter les parcelles où il y a une grosse pression de chénopodes », ajoute Cyril Quandalle. L’écimage est facultatif et le fauchage n’est pas nécessaire en année sèche. Et la culture de lentilles n’a pas besoin d’être irriguée puisqu’elle est résistante à la sécheresse.
La récolte se réalise fin juillet. Les résultats sont aléatoires. « C’est le gros inconvénient. Sur 2023, le rendement moyen est d’une tonne par hectare. Les bonnes années, on va dépasser les deux tonnes et les très mauvaises années, on ne va rien récolter… »
À noter, la lentille est une culture qui multiplie l’aphanomycès. Pour se prémunir de ce risque, il est conseillé de ne pas cultiver la lentille plus d’une année sur cinq.
« Chez Biocer, le prix de collecte de la lentille se situe, ces trois dernières années, autour de 1 200 – 1 300 € la tonne, ce qui donne une marge brute de 350 à 1 600 euros (on ne parle ici que de la lentille et pas de l’espèce associée, ndlr) », avance Cyril Quandalle.
En ce qui concerne la gestion post-récolte, il y a deux solutions. L’agriculteur peut en faire de la vente directe. Le coût pour le séchage, le triage (idéalement optique), l’ensachage et la commercialisation est estimé entre 1 et 1,50 € / kg. Le produit fini se vend aux consommateurs 4,50 € / kg. S’il passe par une coopérative telle que Biocer, le prix de la lentille est de 1,30 € / kg. Dans ce cas, l’important est « de ventiler la récolte quelques jours avant la collecte », insiste le conseiller. Il faut alors propulser de l’air à plus de 60 °C dans le produit afin de le sécher. Cette opération de séchage est nécessaire même si un enlèvement rapide est prévu par la coopérative. La qualité d’une lentille humide peut, en effet, être altérée pendant le temps de transport.
Le pois chiche peut se cultiver aussi sur nos terres. « C’est un atout en cas de sécheresse mais cette culture est sensible aux étés maussades », souligne Cyril Quandalle, de Biocer. C’est un produit qui est demandé en circuit court et le marché est stable à l’échelle nationale.
Pour cette légumineuse, la culture précédente est généralement une céréale et le labour est fait dans la majorité des cas. Un, voire deux faux-semis, sont conseillés. Le semis (40 grains / m2) peut s’effectuer au semoir à céréales ou à monograines dans une terre à minimum 7 °C entre le 15 mars et le 15 avril, à 15 cm de profondeur avec un écart de 15 à 25 cm. Le binage est possible.
Biocer ne préconise pas d’association pour la culture de pois chiche : « Nous n’avons pas trouvé la bonne association. Un de nos agriculteurs le fait avec de la cameline et en est plutôt content, mais on n’est pas au stade de le généraliser. »
Pour le désherbage, il peut être effectué avec la herse et la houe à partir du stade trois à six feuilles. C’est une culture répulsive face aux ravageurs et s’en protège donc bien. Aucune irrigation n’est nécessaire.
La récolte se fait courant août. Pour le stockage, comme pour la lentille, il est important de bien ventiler et conditionner les lots au retour de la récolte au risque qu’ils reprennent en humidité et que cela pénalise la qualité.
Sur ces trois dernières années, les rendements sont très aléatoires (en 2020 : 10,2 quintaux par hectare ; en 2021 : 2,7 quintaux par hectare et en 2022 14,6 quintaux par hectare). Côté prix, ils varient entre 1 000 et 1 200 € la tonne. « Cela donne une marge brute qui est de 24 euros la tonne en 2021 et jusqu’à 1 080 en 2022 », informe Cyril Quandalle.
Avec le fonctionnement en coopérative, le prix de vente est de 1,10 € le kg. En vente directe, il faut compter 1 à 1,50 € le kg pour le séchage, le triage, l’ensachage et la commercialisation pour un produit qui se vend aux alentours de 5 € le kg.
À noter : l’un des gros inconvénients du pois chiche est qu’il ne dispose pas d’inoculum adapté (complexe bactérien qui permet à la plante de capter de l’azote, ndlr). « On peut donc être amené à lui apporter un peu d’azote pour se développer », précise le conseiller Biocer.
Le sarrasin est un allié de la diversité. Parmi les avantages de cette culture, on note qu’elle est très mellifère : un hectare de sarrasin peut, en effet, donner jusqu’à 150 kg de miel par saison.
Elle a aussi un effet allélopathique qui casse notamment le cycle du taupin. Par le passé, il était appelé la culture de rattrapage, « quand on manquait l’implantation d’une céréale ou culture de printemps, le dernier recours qu’on avait était le sarrasin qui peut se semer début juin. Mais cela est moins vrai aujourd’hui », indique Cyril Quandalle, conseiller chez Biocer, avant d’expliquer que le sarrasin doit être récolté avant les premiers désherbages du blé conventionnel début octobre car l’une des molécules utilisées, le prosulfocarbe, est très volatile et peut contaminer la graine de sarrasin la rendant impropre à la consommation.
« Pour pallier ce risque, nous incitons nos agriculteurs à récolter fin septembre, le semis plus précoce permet donc d’avoir une récolte un peu plus précoce. » Biocer conseille donc de faire un semis (30 à 40 kg / ha en fonction de la taille des graines) mi-mai sur un couvert végétal avec un semoir à céréales avec un écartement de 15 à 25 cm et une profondeur de 2 à 3 cm.
Comme le pois chiche et le tournesol, les faux-semis sont aussi recommandés. Le désherbage peut se faire à la herse et à la houe. Le binage est possible également. La culture ne nécessite pas d’irrigation. Quant au fauchage – andainage, il est fortement préconisé pour homogénéiser la maturité du sarrasin et accélérer la récolte. Cette dernière se fait dès la mi-septembre.
Selon Cyril Quandalle, les rendements sont très aléatoires. On constate sur les trois dernières années des résultats entre 6,2 et 10,6 quintaux par hectare. La canicule bloque la culture avant un redémarrage constaté à l’automne. Le sarrasin est payé environ 0,80 € / kg en passant par une coopérative. En vente directe, on peut le vendre entre 4 et 5 € / kg.
La culture du tournesol « est bien adaptée à la conduite bio et à notre territoire. C’est la nouvelle alternative au maïs », met en avant Cyril Quandalle, conseiller chez Biocer. Il existe deux types de tournesols : oléique, pour la cuisson en agroalimentaire, et linoléique, pour l’huile en tant que condiment. Il faut donc être vigilant au moment du choix de l’espèce. Chez Biocer, seul le tournesol oléique est collecté.
Il est recommandé d’opérer un à deux faux semis. Le semis (80 000 graines / ha) se fait courant avril avec un semoir monograines dans un sol dont la température est de minimum 8 °C avec un écartement de 45 cm entre les rangs et une profondeur de 5 cm.
Le désherbage se fait plutôt bien et le binage est possible. À noter, cette culture est sensible aux pressions des ravageurs comme les limaces, les volatiles (notamment les pigeons) ou encore les gibiers.
La récolte se fait de mi-septembre à fin octobre. « C’est une étape sensible pour la qualité du tournesol, indique le conseiller Biocer. Il faut la faire idéalement entre 9 et 11 % d’humidité. On peut se fier à plusieurs indicateurs : le dos du capitule vire du jaune au brun, les feuilles de la base et du milieu de tige s’assèchent, les feuilles hautes sont encore un peu vertes, les fleurons tombent d’eux-mêmes et la tige devient beige clair. Si on récolte en dehors de ce créneau, le risque est de dénaturer la qualité de l’huile. »
Il faut également être vigilant aux maladies de fin de cycle comme la sclérotina ou le botrytis qui sont favorisées par les automnes humides, un excès d’azote ou de maturité.
À lire aussi : Les 10 commandements pour réussir sa culture de tournesol
Les rendements sont assez stables d’une année sur l’autre : « Nous sommes sur 20 quintaux par hectare en moyenne. C’est l’un des gros points positifs tout comme le coût de semences qui est abordable. »
Et d’ajouter : « Le marché du tournesol est volatil, le prix est historiquement autour de 600 €, qui a bien augmenté en 2022 mais qui est bien redescendu en 2023. Mais il ne faut pas le mettre de côté car il y a une vraie pertinence dans les rotations. » Comme pour les autres cultures présentées, la gestion post-récolte est déterminante. Un séchage doit être anticipé.
Hélène Graffeuille