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Lorsqu’ils ne sont pas à l’œuvre dans leur ferme, à cheval entre Vendegies-sur-Écaillon et Sommaing, dans le Nord, Claire et Philippe Geneau de Lamarlière peuvent voir leurs vaches paître depuis la chambre de leur fils.
« Le matin, on regarde par la fenêtre où elles se situent et on dépose l’un de nous deux en voiture pas très loin, histoire de ne pas avoir à remonter tout le champ », sourit Philippe.
Le trajet à pied, il faut le dire, est parfois long. Autour de la ferme des Geneau, qu’ils ont baptisée Au grès des prés, clin d’œil à la haute roche qui trône au milieu du pâturage – un « grès » en géologie -, se trouvent 29 hectares de prairies permanentes et huit hectares de temporaire, deux hectares de betteraves fourragères, 45 de blé, 16 de colza et 30 de maïs. Du vert à perte de vue, en somme.
Labellisés « laitiers responsables », ils élèvent une centaine de vaches laitières, qu’ils s’engagent à nourrir sans OGM et à laisser pâturer au moins 150 jours dans l’année, avec 15 ares minimum par animal.
Un engagement pour le bien-être animal qui « a toujours fait sens » pour le couple. « Ce sont des ruminants, par définition, on veut les voir ruminer de l’herbe ! », s’exclame Claire, avec un sourire dont elle ne se départit pas.
Cheveux courts, lunette à écailles rouges, elle appartient, avec son époux Philippe, à une nouvelle génération d’agriculteurs. Âgés de respectivement 39 et 42 ans, ni Claire ni Philippe ne sont « issus du milieu ». Le père de Claire était menuisier, sa mère, assistante sociale.
La ferme Au Grès des Prés n’en reste pas moins familiale, puisqu’elle appartenait au grand-oncle de Claire, avant d’être reprise par le cousin de sa mère.
« Le fait que nos parents ne soient pas agriculteurs nous a certainement permis d’avoir plus de recul sur les pratiques de la profession », estime Philippe. « Lorsque je voyais, par exemple, un de mes oncles fumer sa cigarette à côté de son pulvérisateur, ça me paraissait évident que c’était mauvais pour sa santé. »
Alors, le couple a fait le choix du minimum : à peine un antibiotique par an pour les vaches et un vermifuge pour les génisses. Ces deux dernières années, ils ont investi beaucoup dans leurs infrastructures, afin d’offrir à leurs bêtes les conditions de vie les plus saines possibles.
L’étable est grande, aérée. Chaque vache a de la place, les veaux sont isolés 15 jours à la naissance, puis installés dans des « igloos », de grandes niches blanches en forme de dômes, où ils trouvent chaleur et réconfort.
De quoi ébahir Siméon, le « tonton » à qui appartenait autrefois la ferme, de passage ce jour-là, qui ne cache pas « sa fierté » de voir ainsi évoluer son exploitation. Le bio, toutefois, ne sera jamais au menu, assure Claire, qui s’émeut face au prix « dérisoire » du litre de lait biologique : « Il vaut presque autant qu’un litre de chez nous. Quand on sait les efforts que les éleveurs doivent fournir… Pour nous, ce n’est pas possible, nous avons quatre bouches à nourrir. »
Le couple s’est rencontré à l’institut de Genech, avant de suivre, tous les deux, un brevet de technicien supérieur agricole. Si Philippe est devenu associé de la ferme il y a déjà dix ans, Claire, autrefois formatrice au CFA du Quesnoy, ne l’a rejoint que depuis trois ans. « Je voulais voir autre chose », se justifie la presque quadragénaire.
Avoir une famille aussi, et lui consacrer du temps. Les Geneau de Lamarlière sont parents de deux enfants, Aubin et Camille, et s’équipent en racleurs automatiques et autres colliers détecteurs de chaleur de vaches, afin de gagner du temps. « Mon but, c’est de pouvoir passer des week-ends auprès de mes enfants », assume Philippe. Lui, d’ailleurs, est investi dans le club de football du village et trésorier du comité des fêtes. Quant à Claire, elle est trésorière de l’association des parents d’élèves.
Pour autant, Au grès des prés, la traite demeure manuelle. Deux fois par jour, le couple s’échine face au pis des vaches, à raison d’une heure et demie le matin, et une autre le soir.
« C’est très physique, parfois mes épaules sont tellement douloureuses que je ne peux pas traire le lendemain », confie Claire, qui se réjouit de l’achat récent d’un exosquelette pour les soulager.
« Vous voyez, on n’est pas complètement contre le progrès », intervient Philippe en riant.
C’est le coût des robots de traite, surtout, qui les a découragés : 200 000 euros les deux machines d’occasion, plus 14 000 euros d’entretien annuel.
« 14 000 euros, c’est ce que nous avons payé pour une nouvelle salle de traite », rebondit Philippe.
Pour les aider à la tâche, les Geneau de Lamarlière ont recruté deux apprentis. Les époux imposent à chaque candidat un passage préalable à la ferme, le temps d’une journée. « Il faut que les jeunes soient sûrs qu’ils aiment traire : c’est la base chez nous », rit Claire.
Au-delà du choix économique, former des apprentis permet au couple « de transmettre ». « C’est important pour nous », insiste Philippe : important de montrer aux jeunes, et de montrer aux gens aussi. « On n’a rien à cacher ici », poursuit le quadragénaire, qui regrette la manière dont les réseaux sociaux, aujourd’hui, peuvent amplifier les conflits et les tensions.
Eux assurent ne jamais avoir eu de problèmes de voisinage. Il n’est toutefois pas rare, lorsque les enfants visitent la ferme, qu’ils relaient les remarques de leurs parents, rapporte Philippe. « La dernière fois, l’un d’entre eux m’a dit que mes vaches étaient maigres. Alors, je lui ai expliqué qu’un spécialiste passe chaque mois vérifier qu’elles sont en bonne santé. » Morale de l’histoire ? « Il faut que les agriculteurs communiquent davantage. »
Le couple, lui, a fait le choix de la transparence. Il accueillera d’ailleurs une « rando ferme » le 11 juin prochain, lors de laquelle le public découvrira la ferme et le pâturage.
1981. Le 22 juillet, Philippe naît à Somain.
1984. Le 15 septembre, Claire naît à Saint-Saulve.
2014. Le 1er janvier, Philippe devient associé de la ferme familiale.
2020. Claire intègre à son tour la ferme, après des années en tant que formatrice auprès du CFA du Quesnoy.
Marion Lecas
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