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Les coulées de boues… ou, comme dirait Philippe Frutier, qui survole depuis des années la région pour la photographier, « de terre, car ce n’est pas un déchet qui part avec l’eau ». Pourquoi cette terre nourricière s’en va ? S’interroge ce professionnel de l’image, fils d’agriculteur, surpris par ce qui est en train de se produire sous ses yeux et les changements de paysage au fil des années.
Cet événement qu’il a saisi depuis le ciel est le point de départ du film Paysans du ciel à la terre, qui doit sortir au cinéma le 11 mars prochain, et qui était présenté en avant-première le jeudi 12 janvier à Arras.
Avec Hervé Payen, animateur du groupe local de l’association des Colibris d’Arras et ami de longue date, et l’artiste Agathe Vannieu (qui a également composé et interprété la musique du film), ils réalisent ce film enquête d’une heure et demie.
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Pendant trois ans, ils sont partis à la rencontre des agriculteurs, chercheurs, citoyens, qui essayent comme ils peuvent de sauver les sols dans les Hauts-de-France.
Le résultat : « Qu’est-ce qu’ils connaissent bien la terre ! Que de connaissances ! », lance l’un des spectateurs dans la salle.
Il est vrai que l’on peut être impressionné par la technicité des propos tenus par les 14 intervenants du film. Pourtant, comme le dit Philippe Frutier, « si on laisse faire la nature, elle se débrouille très bien toute seule. Il ne faut pas forcément être un scientifique pour faire de l’agriculture ! »
Surtout, toutes ces connaissances sur le microbiote des sols, le cycle des plantes, la vie souterraine, ne servent à rien si elles ne sont pas mises en application.
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« Je ne pense pas être un pionnier. Quand on parle de pionnier on pense à un défricheur. Je suis simplement revenu à des principes de base », sourit Jean-Paul Dallenne, agriculteur dans le Pas-de-Calais, interrogé dans cette enquête.
Car voilà tout le but du film : montrer que des solutions existent et qu’elles reposent bien souvent sur le bon vieux « savoir paysan ».
Au milieu des agriculteurs bios ou en agriculture de conservation, les spectateurs pourront également découvrir l’action de McCain en faveur de la régénération des sols.
« On n’était pas tous forcément d’accord, au départ, pour les faire intervenir mais il nous a semblé qu’il était aussi important de montrer que tout le monde est concerné par le problème, même les industriels. Peut-être même surtout les industriels. Ils sont responsables de l’état des sols actuel, mais en sont aussi les victimes car les rendements baissent… », souligne Hervé Payen.
Une volonté de donner la parole à tout le monde afin de ne pas être taxé d’agribashing : « Des gens de l’équipe ont même été écartés pour ça. Il était hors de question de faire un film à charge », appuie Philippe Frutier.
La parole a tout le monde, ou presque, car l’équipe a aussi essuyé des refus : « Je crois que le monde agricole a peur car il y a une forme de culture du secret sur les pratiques agricoles. Et je pense qu’il craint que tout ce qu’il a fait de mal soit révélé au grand jour. Au contraire, je pense que le dire pour pouvoir aussi dire ce qu’il fait de bien est important », explique Hervé Payen.
D’autant que, comme le rappelle Agathe Vannieu, « ce n’est pas que les agriculteurs qui doivent faire des choses, mais bien tout un système à repenser pour que les agriculteurs puissent s’en sortir économiquement et donc poursuivre la mise en œuvre de ces pratiques bénéfiques ».
Pour Richard Vilbert, agriculteur bio en Picardie intervenant dans le film, il était nécessaire de participer pour dire que « quand on change de pratique, les effets bénéfiques ou néfastes sur le sol peuvent aller très vite. Il faut donc essayer de trouver un juste milieu entre toutes les pratiques ».
Pour Gabriel Bertein, maire de la commune de Rivière dans le Pas-de-Calais victime de coulées de boues, intervenant dans l’enquête, « il n’y a plus beaucoup de temps pour agir. Ce film a le grand avantage de rendre compréhensible en peu de temps les énormes enjeux qui nous attendent ».
Eglantine Puel