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Jean-Louis Christen a toujours aimé cultiver les variétés potagères originales. “Elles ne sont pas toujours les plus productives, ni celles que l’on vend le mieux. Mais le plaisir au travail est essentiel“, sourit-il.
Cette année, sur proposition du CRRG (Centre régional de ressources génétiques) Hauts-de-France, basé à Villeneuve-d’-Ascq (59), des haricots mangetout Princesse à rames, des poireaux Leblond et des choux frisés Grand vert du Nord s’épanouissent sur ses 2,5 ha menés en bio, à l’Hortillon de lune, à Rivery (80).
“La sélection moderne a standardisé les légumes en faisant disparaître les formes et les goûts. Or, nous disposons d’espèces régionales qui offrent une grande diversité“, annonce Pauline Rebreyend, en charge de la revalorisation des variétés régionales de légumes pour Bio en Hauts-de-France. “Elles sont menacées de disparition, voire déjà tombées dans l’oubli. Le haricot Princesse, par exemple, est une vieille variété connue dans le Nord depuis le XIXe siècle au moins”, ajoute Richard Boucherie, en charge du patrimoine légumier régional au CRRG. La culture de cette variété, connu à l’époque sous le nom de “pois de suc”, était surtout développée dans la région lilloise et du Pévèle. “Il nous faut convaincre les maraîchers et les consommateurs pour relancer sa culture.“
Certes, le Princesse n’est pas une Formule 1. “Nos résultats de productivité, menés en serre comme en plein champ au Pôle légumes région Nord à Lorgies (62), ont révélé un rendement de 30 % inférieur aux variétés modernes de référence, comme le Vesperal ou l’Émerite“, reconnaît le spécialiste. Le princesse produit en fait autant de gousses que les autres variétés, mais celles-ci sont moins lourdes. “Le haricot Princesse présente + 3,7 % de matière sèche, et il est donc moins riche en eau.”
La variété régionale a cependant des atouts pour séduire. Chez Jean-Louis, les haricots ont été semés mi-avril, puis repiqués sous serre fin avril et se portent comme un charme. “Ses gousses sont disposées en grappes, donc c’est assez facile à cueillir“, assure le maraîcher. Les gousses ont également une bonne tenue et permettent une récolte une à deux fois par semaine seulement.
Son aspect original, aux gousses aplaties et aux grains apparents, attire l’œil du consommateur. Son goût différent permet de varier les recettes. Des analyses nutritionnelles ont aussi mis en évidence ses qualités : + 50 % de protéines, + 83 % de fibres alimentaires, + 100 % de manganèse et + 180 % de vitamine C par rapport au haricot Émerite. À la question fatidique de la présence de fils, Richard Boucherie assure qu’il n’y en a aucun. “Il suffit de croquer dans une gousse crue pour s’en rendre compte.” Pour lui, “le Princesse est adapté au circuit court, pour des maraîchers soucieux d’offrir une offre de légumes diversifiée et de qualité.“
Pour Jean-Louis, l’introduction de variétés régionales, moins productives que les modernes, est une question d’équilibre. “Je produis, par exemple, des tomates rondes, faciles à cultiver, à stocker et à vendre, et je passe un peu de temps sur d’autres variétés pour diversifier l’offre, comme la Rose de Berne ou la Noire de Crimée. Cette dernière a un rendement deux fois moins élevé que les rondes, mais elle est délicieuse, sans aucune acidité.”
Les variétés anciennes sont aussi dotées d’une rusticité certaine. “On ne peut pas avoir la rusticité et la productivité maximale à la fois“, rappelle Richard Boucherie. La rusticité, cependant, reste une notion complexe. “Des essais en haricots secs ont été réalisés pour comparer les résistances à l’anthracnose. La variété ancienne semble moins tolérante en cas de pression modérée. Elle montre des signes d’atteinte, alors que la variété moderne est impeccable. Mais lorsque la pression devient forte, la moderne s’effondre d’un coup, alors que l’ancienne résiste.”
Alix Penichou