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Pour les agriculteurs qui veulent se lancer dans la méthanisation, il est parfois difficile de se projeter seul. En effet, avec l’augmentation des coûts des matériaux, les investissements à réaliser sont compliqués à mettre en place. Par ailleurs, pour qu’une unité de méthanisation fonctionne et soit rentable, il faut une certaine quantité de matière à donner au méthaniseur.
Or, pour beaucoup d’exploitations, notamment en élevage laitier, il n’y a pas assez de quantités. Il faut donc soit s’associer avec d’autres agriculteurs (et donc transporter la matière jusqu’au méthaniseur) soit renoncer au projet.
C’était sans compter sur Vincent Bachet qui, il l’affirme, a une solution économique et rentable pour les agriculteurs qui se trouvent dans cette situation.
Pour rappel, la méthanisation repose sur un principe chimique biologique simple : mettre en culture des bactéries qui vont produire du méthane en consommant de la matière organique puis utiliser ce biogaz soit en injection dans le réseau de gaz après épuration soit en alimentant un moteur pour produire de l’électricité (cogénération).
Pour cela, on connaissait deux méthodes : la méthode par voie liquide et la méthode par voie sèche. C’est cette dernière, plus précisément la méthode par voie sèche discontinue, qui devait, sur le papier permettre de valoriser les fumiers et pailles. Or, selon Vincent Bachet, fondateur d’Octometha, ce n’est pas si simple.
Concernant la valorisation des fumiers en voie sèche discontinue, cela nécessite l’installation de « garages » ou « silos » dans lesquels on met la matière sèche. « On arrose et on attend 90 jours. Cela pose plusieurs problèmes. Premièrement, du fait de la présence de portes, il peut y avoir des fuites et le gaz produit est difficilement valorisable en cogénération car ni sa production ni sa qualité ne sont régulières. Enfin, en arrosant la matière sèche dans des garages, celle-ci exerce de fortes contraintes sur l’infrastructure. Autrement dit, si vos portes ne sont pas renforcées ça peut être très compliqué. Il faut donc des infrastructures très coûteuses. »
Et si on veut tout de même utiliser ses fumiers par la voie liquide, « il faut les broyer en confettis. Cela demande du temps et beaucoup de dépenses énergétiques », explique cet ancien hockeyeur sur glace professionnel, reconverti. Autrement dit, ce n’est pas possible pour tout le monde.
Partant de là, en 2019, celui qui a fait un mémoire sur « Les énergies renouvelables, sources de revenus complémentaires pour les agriculteurs » intègre une équipe de personnes travaillant à trouver une solution pour permettre aux agriculteurs de valoriser facilement leurs intrants type fumiers et pailles.
Finalement, ils trouvent la solution : un couloir. « L’idée est d’éviter les éléments mécaniques à l’intérieur du digesteur mais de s’appuyer sur les propriétés de rhéologie (capacité d’écoulement) de la matière arrosée. En fait c’est une base de lagune agricole de forme octogonale. » En 2022, Vincent Bachet récupère les brevets de cette solution et créé en 2023 l’entreprise Octométha.
Concrètement, Octométha propose d’installer un couloir enterré et recouvert d’une bâche. À une extrémité, un poussoir hydraulique que l’agriculteur doit alimenter une fois par jour. Les matières organiques arrivent dans le couloir et sont arrosées avec des eaux brunes chargées en bactéries. Après 50 jours de séjour, la matière est évacuée grâce à̀ une autre pompe, qui fonctionne une heure par jour. « Ce qui consomme le plus c’est le ventilateur qui souffle entre les deux bâches qui recouvrent le couloir. » Le tout est relié à un système de cogénération ou d’épuration, et bien entendu, l’agriculteur récupère son digestat pour fertiliser ses champs.
« Les avantages sont qu’il y a peu de maintenance et une faible consommation d’énergie étant donné qu’il y a peu d’éléments mécaniques mais aussi que la construction est très rapide (deux à trois mois de travaux en moyenne). »
Pour le chef d’entreprise, le fait de valoriser ces intrants à bas coûts présente plusieurs gains : un gain en rentabilité car ce sont des intrants « gratuits » ; un gain écologique car « le stockage des fumiers génère des gaz à effet de serre dans des proportions non négligeables » ; un gain économique ensuite car l’installation de cette solution est moins onéreuse que celle d’une unité traditionnelle. « Pour le couloir, on utilise des géomembranes. Il n’y a donc pas d’artificialisation des sols et une facilité d’installation (et de désinstallation d’ailleurs) », détaille Vincent Bachet.
Pour l’avenir, l’entrepreneur vise également à équiper de sa solution les agriculteurs céréaliers, car « nous ne sommes pas concurrents des solutions de méthanisation existantes mais complémentaires. Rien n’empêcherait par exemple qu’on puisse récupérer des lixiviats d’une unité de microméthanisation pour ensemencer en bactéries les pailles et déchets verts d’une unité Octométha ».
Et à plus long terme, Vincent Bachet aimerait proposer sa solution aux opérateurs de stations d’épuration afin de pouvoir valoriser, cette fois, « le lisier humain en quelque sorte avec des coproduits à bas coûts ». « Ce que je veux avec Octométha, c’est avoir un impact sur la transition écologique en démocratisant la méthanisation agricole. »
Eglantine Puel