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Faire aimer et démocratiser des pâtes à tartiner et des soupes protéinées à base de féveroles. C’est le défi que s’est lancé Béatrice Maire pour sublimer le potentiel de ces légumineuses boudées par la consommation humaine et majoritairement dédiée à l’alimentation animale.
Une démarche pour une alimentation saine, locale et bio qu’elle a nommée Graine de choc.
La fève a été une découverte pour cette ancienne cavalière et marchande de chevaux, qui, sur une manifestation agricole, a rencontré cette espèce Vicia faba en 2017. “Je discutais avec la coopérative agricole Agora d’une fève dont je n’avais pas la moindre idée de l’existence”, expose Béatrice Maire.
Après quelques recherches personnelles, elle se rend compte de ses atouts. “C’est une plante que l’on exportait beaucoup entre les années 2010-2013, vers l’Égypte notamment. Elle constituait une protéine de qualité et ne coûtait pas cher. Mais un insecte, la bruche, a ravagé les cultures et les surfaces cultivées ont été divisées par trois.”
À cette époque, Béatrice Maire avait déjà tourné la page du monde équin pour se consacrer à la chocolaterie artisanale à son domicile, située à Beuvraignes, dans la Somme. Cette rencontre est un déclic : “Je savais déjà manier le chocolat. J’avais envie de réaliser une pâte à tartiner sans huile de palme et avec moins de sucre. Je me suis dit “pourquoi ne pas y intégrer la féverole ?” “
Outre l’envie de proposer un produit alternatif sain, Béatrice Maire pense aussi l’environnement : réintégrer la féverole dans les cultures est un avantage non négligeable : “La fève sait capter l’azote. Elle enrichit naturellement les sols et augmente les rendements et la teneur en protéines des céréales qui sont cultivées juste après elles.“
Elle se lance dans la confection d’une première pâte à tartiner, un an plus tard, “proche en termes de texture de la crème de marrons, mais plus légère et plus subtile”. Pour cela, la créatrice triture, analyse et teste les perles vertes sous toutes leurs formes. “J’ai fait des recherches sur le côté gastronomique, au niveau des protéines et de leur fonctionnement, mais aussi énormément d’essais pour acquérir des connaissances sur la féverole elle-même.“
Puis elle a sélectionné la variété. “Il existe des fèves très diverses. J’ai travaillé notamment avec l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) pour trouver celle qui me convenait le mieux dans la pâte à tartiner. La semence vient de Bretagne et présente plusieurs caractéristiques intéressantes, poursuit Béatrice Maire. Elle détient une faible teneur en vicine-convicine (molécule provoquant une anémie brutale chez les personnes atteintes de favisme), un goût neutre et a des vertus moussantes et gélifiantes.”
Ce goût pour les expérimentations lui vaudra de réussir à isoler, dans la féverole, un substitut au blanc d’œuf dont le brevet est en phase de validation.
Fin 2019, elle obtient le Nutriscore A pour les pâtes noisette et noisette-cacao. Une belle victoire pour la fondatrice de Graine de choc : “Cela a pris une bonne année. Mais je peux désormais présenter une pâte à tartiner sans édulcorant, sans conservateur et sans fibres ajoutées.“
Aujourd’hui, elle propose une gamme de six références de pâtes à tartiner dans 210 points de vente de la région. Depuis septembre, sa production est réalisée à Villeneuve-d’Ascq (59), aux Serres des prés.
Elle se procure les fèves chez cinq agriculteurs, situés dans la Somme, notamment à Doullens, à la frontière du Pas-de-Calais. Béatrice Maire travaille avec la coopérative Agora pour assurer l’approvisionnement des graines.
Reine des pâtes à tartiner, la féverole se décline, depuis peu, dans quatre à six recettes de soupes. Composées à “deux tiers de féveroles et un tiers de légumes de saison“, les soupes sont protéinées et “constituent un repas complet“, de quoi “être rassasié toute la journée“.
Béatrice Maire ne s’arrête jamais d’innover et a des projets plein la gousse. Entre autres : décrocher un contrat commercial avec une plateforme nationale, trouver un partenaire pour développer le substitut au blanc d’œuf, démocratiser l’utilisation de la féverole dans la vie de tous les jours, notamment auprès de la restauration scolaire.
Sans oublier l’écriture d’un livre, intitulé Des féveroles dans vos casseroles, avec “35 recettes simples à réaliser dans la vie de tous les jours.“, qui sortira, si tout va bien, dans les prochains mois.
Laurène Fertin