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Si vous habitez dans l’agglomération Lens-Liévin, il vous est peut-être déjà arrivé de croiser Nicolas Paradis au guidon de son drôle de vélo.
À l’origine, il est ingénieur en hydraulique urbaine : « Mon métier était de rechercher les fuites d’eau et de prévenir la pollution des nappes phréatiques. En clair, je faisais des rapports avec des préconisations qui étaient donnés aux collectivités qui, finalement, en faisaient ce qu’elles voulaient… Les travaux peuvent parfois coûter cher, ils n’étaient donc pas faits et mon travail n’avait pas servi à grand-chose… »
Au moment du covid, Nicolas Paradis se rend compte qu’il a envie d’autres choses : « Je voulais travailler en extérieur, avec mes mains, rencontrer des gens et agir concrètement en faveur de l’environnement. J’ai alors cherché ce que je pouvais faire et j’ai eu l’idée de venir collecter les déchets alimentaires pour en faire du compost ! »
En janvier 2022, il crée Re-Cycle. C’est sur la communauté d’agglomérations de Lens-Liévin (CALL) que l’ex ingénieur qui a travaillé aux quatre coins de la France, a décidé d’installer son activité. « Ma compagne a trouvé du travail sur la métropole lilloise, je l’ai donc suivie. Je souhaitais travailler sur un territoire plutôt dense où il n’y avait pas de concurrence car il n’y a aucun intérêt à être plusieurs sur ce créneau. Mais surtout je voulais être en lien avec une collectivité sensible aux questions écologiques et en avance sur les questions de compostage. Et, par exemple, la CALL distribue gratuitement des composteurs à ses habitants. »
Nicolas Paradis collecte les biodéchets. Car mettre à la poubelle ses épluchures de fruits et légumes est une aberration pour le jeune homme de 29 ans : « Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), 30 % du volume de nos poubelles pourraient être compostés. Aujourd’hui, cette matière est envoyée à l’incinérateur ou enfouie, alors qu’on estime qu’un tiers des terres cultivées sont menacées. Les biodéchets, qui permettent de faire du compost, pourraient nourrir ces sols ! »
L’objectif de Re-Cycle est donc de mettre en place une boucle vertueuse de la matière organique.
Une collecte qu’il décide de faire à vélo afin de limiter son empreinte carbone, de décongestionner le centre-ville, mais également de promouvoir la mobilité douce. « Le vélo est une super invention qu’on utilise trop peu… Alors si moi j’arrive à me déplacer en ville avec mon deux-roues de 6 mètres de long, tout le monde peut le faire ! » Car le vélo de Nicolas Paradis est un peu particulier, c’est un vélo cargo électrique qui lui permet de transporter ses bacs de biodéchets à l’avant. « Je peux ainsi en collecter jusqu’à 300 kg », précise-t-il.
Pour trouver ses biodéchets, Nicolas Paradis se tourne vers les restaurants, cafés, hôtels, bars, boulangeries, traiteurs, cantines ou encore les espaces de travail… Il récupère les épluchures de fruits et légumes mais également les retours d’assiettes, le café, le thé, les coquilles d’œufs, les boîtes en carton non imprimé…
Depuis un an, le jeune homme a su convaincre 13 clients de trier leurs déchets et surtout de le rémunérer pour qu’il vienne les collecter. Un forfait qui dépend du nombre de fois où le fondateur de Re-Cycle passe récolter les biodéchets, mais aussi en fonction du poids de ces derniers : « Plus il y a en a et plus le prix augmente, c’est un moyen d’encourager les gens à réduire leurs déchets car le meilleur des déchets reste celui qu’on ne produit pas ! »
Nicolas Paradis est conscient que c’est une charge supplémentaire pour ses clients : « Ils font l’effort de me rémunérer dans une démarche écologique », souligne-t-il. Et d’ajouter : « C’est une démarche qu’ils peuvent également mettre en avant, pour certains c’est un argument de vente. » Si ce dernier ne souhaite pas donner ses tarifs, il l’assure : « 100 % de mes clients sont satisfaits et aucun n’a voulu arrêter notre collaboration ! »
Laurent Geveart, chef cuisinier du restaurant L’histoire sans faim à Lens, fait partie des premiers clients à avoir fait appel aux services de Re-Cycle : « Ce tri n’est pas si contraignant, les équipes ont été formées par Nicolas. C’est d’ailleurs un non-sens de ne pas le faire, il faudrait que tout le monde y mette un peu du sien… Quant au coût financier, ce n’est pas énorme. Et on espère qu’avec le temps, cela sera pris en charge par les collectivités », sourit le chef.
Car au 1er janvier 2024, la loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) va imposer à tous les producteurs de déchets en France la généralisation du tri à la source des biodéchets. Une aubaine pour Nicolas Paradis qui espère ainsi, dans les mois à venir, développer davantage son activité. « Aujourd’hui je suis tout seul mais d’ici quelques mois, j’aimerais pouvoir acheter deux autres vélos et embaucher deux personnes. »
Des biodéchets que le jeune homme va ensuite composter sur une parcelle qui a été mise à disposition par le bailleur social Maisons et cités. « J’ai suivi une formation de maître composteur qui me permet de traiter un volume important », avance-t-il. Depuis le début de son activité, Nicolas Paradis a déjà collecté trois tonnes de biodéchets. Un compost qui sera analysé par un laboratoire afin de pouvoir être vendu auprès des professionnels, tels que les maraîchers, les jardiniers, qui ont besoin de cet amendement organique, mais également auprès des particuliers.
D’ici six mois, Nicolas Paradis espère vendre ses premiers sacs de compost, « probablement autour de 1 € le kilo », précise-t-il. Du compost qui ne sera vendu que sur le territoire de la CALL. « Ce compost va permettre de faire pousser de nouveaux légumes qui donneront des épluchures que je viendrai, à nouveau, collecter ! », indique Nicolas Paradis. La boucle sera donc bouclée !
Hélène Graffeuille
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