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À 43 ans, Julien Fosse a pris la présidence de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) Hauts-de-France. Rencontre avec un homme à la carrière déjà bien remplie.
Je suis docteur vétérinaire et en biologie. J’ai commencé ma carrière en 2003 à l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), à Nantes, où j’ai travaillé sur la sécurité sanitaire de l’alimentation et l’épidémiologie. J’étais également chargé d’enseignement à l’école vétérinaire. Entre 2008 et 2022, je suis passé par les ministères de l’Agriculture, de l’Écologie, puis par France Stratégie, un service rattaché au Premier ministre en charge des questions d’agriculture, d’environnement et d’alimentation. Depuis le 1er octobre, je suis le président de l’Inrae Hauts-de-France. C’est un parcours atypique. On peut se dire que j’ai fait des choses assez différentes, mais il y a une grande continuité et cohérence dans le domaine de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.
L’Inrae, au niveau national, regroupe 12 000 scientifiques qui travaillent sur l’agriculture, la santé, l’environnement et l’alimentation. Ces sujets concernent toute la société et sont montés en puissance dans le débat public. Nous sommes confrontés à une mutation du monde agricole lié au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité. L’accompagnement des agriculteurs dans cette transformation est très important. À l’Inrae Hauts-de-France, il y a 160 personnes réparties sur les centres de Laon (02), d’Estrée-Mons (80), d’Arras (62) et de Villeneuve d’Ascq (59). Ils travaillent sur des projets de recherche d’envergure nationale qui peuvent répondre aux besoins d’acteurs locaux. Par exemple, dans cette région, la qualité des sols est exceptionnelle, ce sont les meilleurs d’Europe en termes d’agronomie. Plusieurs de nos travaux étudient cette spécificité afin de la maintenir.
Je poursuivrai les missions en cours. Je souhaite aussi renforcer la dimension développement durable. Je veux également faire en sorte qu’on parle davantage aux citoyens et aux décideurs publics. Je veillerai à ce que les scientifiques dialoguent pour expliquer ce qu’ils font. La parole des experts doit être entendue. D’autant que sur ces domaines, il y a de nombreuses fake news. Je suis convaincu que les décideurs publics ont besoin des connaissances des scientifiques pour prendre des décisions de manière la plus éclairée possible. Les travaux de recherche doivent permettre de faire bouger les lignes. Nous sommes à un moment charnière de l’histoire, chacun a pu s’en apercevoir, notamment avec la sécheresse de cet été. Les questions de l’utilisation des ressources en eau ou encore de la disponibilité des aliments se posent de plus en plus. Nos travaux apportent des éléments de réponses à ces problématiques et ces sujets avaient été traités avec un temps d’avance par les scientifiques.
Le premier rapport sur le changement climatique du Giec date de 1990. D’autres travaux ont suivi permettant de consolider ces informations pour arriver à un consensus sur le réchauffement climatique, son impact et le fait que l’activité humaine en est responsable. Ce constat appelle un changement profond de nos modes de vie et une transformation forte de notre société. La science a fait son travail, les chercheurs et lanceurs d’alerte aussi, il y a eu une phase de percolation, avant que cela ne se transforme en action publique, qui a été un peu longue, mais c’est un constat que l’on peut faire à chaque moment clé de l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, nous sommes à un tournant et il faut planifier un certain nombre de mutations sinon elles s’imposeront à nous de manière violente.
Non. Si limiter le réchauffement climatique à 1,5° sera difficilement atteignable, chaque dixième de degrés gagné a son importance. Il permettra moins de sécheresses, de tempêtes, d’inondations et leurs lots de conséquences sur l’agriculture et donc sur notre production alimentaire. C’est possible. Il ne faut pas baisser les bras. Il faut s’adapter au changement climatique et limiter l’effet de serre. On a les leviers pour y parvenir. On a collectivement le devoir de se battre jusqu’au bout.
Hélène Graffeuille
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