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La baleine à bosse a inspiré la jante de vélo. L’aileron de requin a servi de modèle à certains rétroviseurs. Les drones ont copié mouches et araignées d’eau dans leurs façons de se mouvoir. Les trains d’atterrissage rétractables des avions imitent ceux des insectes. Les moteurs de bateau répètent les mécanismes de propulsion des méduses. Les exemples, à la pelle, le démontrent. La nature est une source d’inspiration pour l’industrie.
C’était le sujet d’une conférence organisée début mars à l’Institut des mobilités et des transports durables de Famars, dans le Valenciennois.
« Le biomimétisme, qui est une discipline de conception qui cherche des solutions durables en imitant des stratégies de la nature, a déjà résolu la plupart des problèmes : énergie, alimentaire, climat, etc., définit Gaël Guegan, ingénieur du Cetim, le Centre technique des industries mécaniques.
“Ce qui était abondant (énergies, matériaux, ressources) se raréfie ; ce qui était rare (savoir, informations, compétences) devient abondant. Pour répondre aux enjeux de la transition énergétique et réinventer le monde industriel de demain, notre regard doit évoluer vers un vrai rapport avec le vivant. »
D’autant que pour Laura Magro, directrice adjointe du Centre d’études et d’expertise en biomimétisme (Ceebios), le vivant a toujours été dans la sobriété.
« L’ensemble des règles sous-jacentes de fonctionnement du vivant est un véritable cahier des charges de la durabilité », remarque-t-elle.
En prenant les systèmes biologiques comme modèle, il devient possible de réconcilier les activités industrielles et le développement économique avec la préservation de l’environnement, des ressources et de la biodiversité, soutient le Ceebios.
Cette stratégie d’innovation s’inspire du vivant, qui n’est pas moins qu’un laboratoire de recherche et développement avec une expérience de 3,8 milliards d’années.
Ce que Laura Magro admire dans cette source intarissable, ce sont ses « propriétés remarquables ».
En ce lieu dédié, elle détaille celles qui concernent la mobilité et note:
– l’endurance : « le vol sans halte de la barge rousse »
– la vitesse : « les pointes à 310 km/h sur tout terrain du guépard »
– la polyvalence : « le véritable transport multimodal des organismes qui nagent, volent, grimpent »
– la synchronisation : « les bancs de poissons ou les vols d’oiseaux, capables, à partir de règles très simples, de dégager des comportements collectifs. »
Pour l’ingénieure-docteure, l’enjeu est ici de comprendre comment le vivant fonctionne dans sa gestion des matériaux, de l’énergie et de l’information. Elle cite certains panneaux biosourcés fabriqués à partir de lin et de maïs, inspirés de la structure de certains cocons. Ou encore, pangolin, hérisson et pomelos, qui ont inspiré la morphologie des casques pour les rendre résistants aux chocs. L’œil humain qui, parce qu’il n’enregistre pas l’ensemble des pixels mais les variations, a servi de modèle au véhicule autonome.
« Aujourd’hui, le biomimétisme n’est plus le fruit du hasard mais il s’appuie sur des processus de conception, constate Laura Magro. En quelques années, il y a eu de vrais changements, d’une stratégie de veille des grandes entreprises à une recherche active de nouvelles solutions. »
Plus de 200 équipes de recherche se penchent sur le sujet en France. Le pays cumule 10 % de la biodiversité mondiale. Il est le deuxième espace maritime au monde et peut compter également sur la collection de son muséum d’histoire naturelle.
C’est d’ailleurs l’ambition de Kalina Raskin, directrice générale du Ceebios : positionner la France en pionnier du développement du biomimétisme comme outil de la transition écologique, réconciliant biodiversité, innovation et économie.
« Comment passer de cette belle idée enthousiasmante à la pratique ? Il faudrait développer la recherche pour comprendre avec le regard de l’ingénieur comment la nature agit puis il faut que l’industrie s’en saisisse pour être en capacité de développer des produits bio-développés. Les défis : passer de la nature au laboratoire, puis à l’industrie, avant un juste retour à la nature », résume-t-elle lors d’une conférence organisée à Lille à l’Esme, à l’occasion d’une journée dédiée à la transition énergétique en Hauts-de-France.
« Le vivant utilise principalement l’énergie solaire, transforme l’énergie de flux en énergie de stock avant de recycler tout ce qu’il consomme », relève Iman Bahmani-Piaseczny, coordinatrice du pôle transversal Recherche, innovation, investissement d’avenir, de l’Ademe.
« On a oublié que le vivant est le plus puissant des alliés pour inventer ce qui vient, appuie Alain Renaudin. Il faut reconsidérer la juste place de l’Homme. »
Le président fondateur de NewCorp Conseil et du salon Biomim’expo considère le biomimétisme comme un projet de société, accélérateur de changement, et allié de la reconnexion indispensable entre l’homme et la nature.
La France a toutes les cartes en main : « excellence académique, entrepreneuriale et ingénierie : tout est en devenir mais tout est lancé », encourage-t-il en invitant « à changer de regard, observer ce qui est fait avec l’œil de la nature et donner une place au vivant. »
« Nous avons besoin de former les prochaines générations », conclut Kalina Raskin.
Jusqu’à fin 2024, l’institut des mobilités et des transports durables, situé à Famars (59), propose un cycle consacré au biomimétisme. Conférences, expositions, ateliers, créathon… autant d’événements qui aborderont les questions d’innovation, de recherche, d’emploi, de formation pour tous les publics (étudiants, lycéens, collégiens, entreprises, familles, chercheurs, enseignants…).
Plus d’informations sur imtd.fr.
Louise Tesse
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