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À quelques pas de la brasserie du Moulin d’Ascq, à Villeneuve-d’Ascq, dans la métropole de Lille, un tournesol isolé a fleuri. Un rayon de soleil dans le ciel gris de cette fin du mois de juillet et pour Céline Bocquet. À quelques pas de là, elle est agenouillée au milieu d’un semis de carottes qui peine à lever. « Peut-être qu’elles n’apprécient pas les broyats que j’ai intégrés au printemps », réfléchit la néo-maraîchère, qui s’est lancée en mars dans cette nouvelle aventure professionnelle.
Un virage à 180°, plus en phase avec ses préoccupations. Durant ses études, cette ingénieure thermicienne avait pour idée de concevoir « des bâtiments qui ne consomment pas d’énergie ». Retour à la réalité à la sortie de sa formation. Quatre ans plus tard, passés dans des cabinets d’étude à Paris et à Lyon « à dimensionner des climatisations pour des tours en béton et à utiliser de l’argent pour faire des choses aberrantes », c’est la désillusion. Elle démissionne en 2018 et revient dans les Hauts-de-France, dont elle est originaire avec son conjoint, lui aussi en plein doute professionnel.
« Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises pratiques, il y a les choix que l’on fait et comment on les
CÉLINE BOCQUET, MARAÎCHÈRE
gère. »
Ils décident de faire trois mois de WWoofing chez des maraîchers de la région, « pour voir si ça (leur) plaisait ». Céline est convaincue d’avoir trouvé sa nouvelle voie. Elle enchaîne avec un BPREA (brevet professionnel de responsable d’entreprise agricole) à Genech (59), une formation à Lesquin (59), puis avec une année chez trois maraîchers et des formations avec le Pass installation d’Initiative paysanne, entre deux pauses maternité. « Ça permet de comparer des systèmes de production et de faire des choix, de voir la réalité », estime-t-elle.
En parallèle, elle commence à chercher un terrain. « J’aurais pu récupérer une parcelle d’un oncle vers Hesdin ou Fruges (62), mais on voulait rester sur la métropole lilloise », où son conjoint a finalement repris un travail d’ingénieur.
C’est grâce à l’association Récoltes & nous, qui souhaite « concilier l’urbain et l’agricole et instituer un dialogue entre les acteurs du secteur et les consommateurs » sur le Mélantois, qu’elle a pu s’installer à 33 ans sur 5 000 m2, en commodat sur des terres jusqu’alors cultivées par Jean-François Deneuville et en deuxième année de conversion en agriculture biologique.
Une conversion qu’elle compte poursuivre. Elle avait pensé se lancer dans la permaculture, « puis j’ai découvert le maraîchage sur sol vivant, qui m’a paru plus économiquement viable car le but c’est bien de pouvoir en vivre », sourit-elle. L’idée ? « Respecter le sol, ne pas le travailler pour qu’il retrouve sa biodiversité et ses capacités de rétention d’eau naturelle, en le nourrissant suffisamment pour qu’il soit autofertile et puisse couvrir les besoins des cultures. »
Fin février, elle a ainsi apporté 100 tonnes de broyats, « un gros apport de matière organique pour relancer la vie du sol avec un dernier travail du sol pour l’intégrer ». Un premier pas vers cette philosophie de production, dont elle est bien consciente qu’elle « prendra du temps et ne se fera pas en un an ». À terme, elle aimerait cultiver « sur couvert permanent, comme du trèfle », mais cela viendra quand le sol aura assez de ressources pour nourrir le couvert et les cultures.
Céline Bocquet a commencé ses cultures au printemps. Sous la serre de 30 m de long sur 8,70 de large qu’elle a installée mûrissent tomates, poivrons, courgettes et aubergines, arrosés pour le moment à la main, dans l’attente d’être raccordée au réseau dans les semaines qui viennent, espère-t-elle.
À côté poussent poireaux, choux, courges, haricots, salades, blettes et betteraves qui viendront alimenter dès septembre 25 petits paniers hebdomadaires pour l’Amap (association pour le maintien de l’agriculture paysanne) de Tressin, à quelques kilomètres de là. « J’avais dans l’idée de créer une Amap à Ronchin, où j’habite. J’ai eu la chance que le maraîcher de celle de Tressin souhaite arrêter. C’est une super opportunité. C’est sécurisant et ça permet d’avoir un vrai lien social. » En attendant, elle vend ses premiers légumes sur le site CoopCircuits.
Elle s’occupera aussi du verger de 67 pommiers, poiriers et pruniers plantés en avril et des 500 mètres de haies installées pour favoriser la biodiversité. « L’Amap a déjà un arboriculteur, il faudra voir ce que j’en fais quand il fournira, mais j’ai le temps de voir venir, pas avant deux ans, calcule-t-elle, tranquillement. L’idée est d’y aller crescendo pour ne pas se noyer dans l’activité et avoir du temps pour voir grandir mes enfants. »
En attendant, elle a d’autres préoccupations en tête : son accès à l’eau, bien sûr, mais aussi la mécanisation ou pas. Un tracteur très peu pour elle. Reste à trouver une solution pour les apports de matière organique les premières années, avant que le couvert permanent permette de se passer de mécanisation.
« C’est ça que je trouve intéressant, il y a plein de possibilités et de réflexions possibles. Dans tous les cas, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises pratiques, il y a les choix que l’on fait et comment on les gère. »
Un champ des possibles qu’elle entend cultiver en accord avec ses valeurs et sa vision du monde… et partager pour nourrir l’avenir.
2018. Elle démissionne de son poste d’ingénieure et fait trois mois de WWoofing dans la région.
2020. Elle passe son BPREA.
Février 2023. Elle débute officiellement son activité de maraîchage sur 5 000 m2 à Villeneuve-d’Ascq.
Claire Duhar