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Depuis une cinquantaine d’années, Claude Minaudo sillonne les mers et les océans de la planète. Au fil du temps, ce spécialiste de la navigation sur glace a été témoin des ravages de la pollution sur la planète bleue : « La pollution est partout, même à des endroits où on ne devrait croiser que des ours polaires. On y retrouve maintenant des déchets plastiques par tonnes », se désole-t-il.
Aujourd’hui, il est à la barre du Scylla, le voilier de l’association Wings of the ocean, dont la mission est de lutter contre la pollution et notamment celle engendrée par le plastique. Le bateau vient de faire escale au port de Dunkerque. À son bord, en plus du capitaine Minaudo, 11 membres d’équipage, composés de trois marins et de bénévoles de l’association.
Leur mission : organiser des opérations de collecte de déchets sur les plages et littoraux des côtes françaises avec des groupes scolaires et des actions de sensibilisation auprès du grand public pour promouvoir l’importance d’un océan en bonne santé et lutter contre la pollution, notamment du plastique, qui l’étouffe. « L’océan, c’est le poumon bleu de la planète. Il produit plus de 50 % de notre oxygène. Alors si l’océan va mal, on va tous mal ! », insiste Théo Veysseyre, chargé de projet pour Wings of the ocean. D’autant que le plastique a des effets néfastes sur notre santé : « ces 20 dernières années, on assiste à une explosion de certaines maladies, comme le cancer. Les études montrent que la pollution plastique y est pour quelque chose ».
Des messages que l’équipage du Scylla va tenter de faire passer auprès de leurs visiteurs durant les deux semaines qu’il passera dans le port de Dunkerque. Le voilier de 28 mètres de long accueillera, gratuitement, à son bord 11 classes du Dunkerquois mais aussi le grand public, notamment à l’occasion de la Fête de la mer. « C’est l’opportunité de visiter le voilier, mais aussi de parler de l’océan, de son importance, des problématiques et d’aborder les solutions qui s’offrent à nous », détaille le chargé de mission. Avant de poursuivre : « De plus en plus de personnes, notamment chez les plus jeunes, sont conscientes aujourd’hui de l’importance de prendre soin de notre planète. Cependant pour ancrer des habitudes dans la durée, il faut de la répétition. »
Leur leitmotiv : faire du mieux qu’on peut ! « Le moindre petit changement compte, car multiplié par le nombre d’individus, cela fera bouger les choses, martèle Théo Veysseyre. Il faut changer notre manière de consommer. Sans aller vers le zéro déchet qui est difficile à atteindre, il faut aller vers “le moins pire”. »
Parmi les solutions avancées par les membres de l’association Wings of the ocean : acheter en vrac quand c’est possible, troquer les bouteilles d’eau en plastique contre des gourdes… « Ce sont des petits gestes qui peuvent paraître anodins mais qui sont formidables », insiste Claude Minaudo.
Pour ce dernier, les pouvoirs publics ont aussi un énorme rôle à jouer. Et de prendre l’exemple des mégots de cigarettes. « Ce matin, nous avons fait une collecte de déchets sur une place de Dunkerque avec un groupe scolaire. En une heure, 1 600 mégots ont été ramassés… Jeter son mégot à terre est encore un geste que l’on voit souvent, pourtant il est sanctionnable, mais jamais sanctionné », avance le chargé de projet. Et d’expliquer : « Un mégot contient du plastique. Jeté à terre, il finira par entrer dans la circulation de l’eau et libérera ses toxines. Il peut polluer jusqu’à 500 litres d’eau. Sans parler de l’impact direct du déchet sur la biodiversité puisqu’il peut, par exemple, être ingurgité par des poissons ou encore des oiseaux… »
Un autre gros problème de pollution des mers et des océans provient de ce qu’on appelle poétiquement les larmes de sirènes ou autrement dit les granulés plastiques industriels (GPI). « Ce sont de microbilles qui servent de matière première à l’industrie plastique. On en retrouve par milliards sur les plages… », explique Théo Veysseyre. Des microbilles qui sont ensuite ingérées par les animaux et peuvent se retrouver dans l’alimentation humaine. Mais comment arrivent-elles dans la mer ? Il arrive que les containers dans lesquelles elles sont transportées tombent des navires… Une catastrophe écologique contre laquelle il est difficile d’agir puisqu’aujourd’hui aucune mesure préventive ni sanction ne sont prévues. « Un projet de loi est a été présenté dernièrement par la Commission européenne pour agir contre cela, on verra », lâche, sans grande conviction, Théo Veysseyre.
Un traité international contre la pollution plastique est aussi en cours de négociation. Mais les deux hommes ne sont pas, non plus, convaincus : « On ne sait pas ce qui en sortira d’impactant. Il y a souvent beaucoup d’effets d’annonces suivis de pas grand-chose… Face à nous, nous avons des histoires de gros sous et les puissants lobbys pétroliers dont le plastique est une activité à part entière. »
Pourtant d’après le capitaine et le chargé de projet, il y a urgence ! « Je ne pense pas qu’on arrivera à faire marche arrière maintenant, en revanche on peut diminuer l’impact de la pollution sur nos océans », déplore Claude Minaudo. En clair, on va dans le mur, mais l’objectif est dorénavant d’y aller le moins vite possible…
Mais pour cela il est impératif de pouvoir compter sur la mobilisation du plus grand nombre. C’est pourquoi l’équipage du Scylla espère toucher un maximum de personnes lors de son escale à Dunkerque, avant de repartir en mer direction Dieppe avec toujours la même mission…
Hélène Graffeuille