Votre météo par ville
À l’occasion de ses 30 ans, l’association AproBio, qui promeut l’alimentation bio dans les Hauts-de-France, organisait à la suite de son assemblée générale des ateliers et une conférence se posant une question : comment déringardiser la bio ?
En effet, devant un recul de la consommation de la bio, producteurs et transformateurs bio cherchent des solutions pour redonner envie aux consommateurs d’acheter bio.
Mais comment faire ? Quels leviers actionner ? Camille Courbois (C. C.), associée et responsable communication pour les marques Transition et PourDemain, ainsi qu’Alexandre Drouillard (A. D.), directeur de création pour l’agence de communication Becoming, décryptent la situation.
A. D. : Du fun ! Il faut comprendre que, tous autant que nous sommes, nous recevons en moyenne 2 000 messages publicitaires par jour. Le cerveau est très sollicité et en tant que communicant, on a un devoir d’impact. Et cela passe par le fait de prendre des partis créatifs forts pour que le consommateur s’arrête sur notre message. Quand on parle de partis créatifs, ça peut être l’humour, le bien-être, la nature… On peut choisir de choquer aussi. Le tout est de réussir à vendre un imaginaire. Si on prend la marque Nike, par exemple, je n’achète pas seulement des baskets, j’achète le « Just do it ». Sur le choc, il faut faire attention cela dit car ça ne fonctionne pas toujours bien. Par exemple, la Sécurité routière a longtemps utilisé cette technique et est en train d’en revenir car les gens ont l’impression qu’on leur fait la morale tout le temps.
C. C. : Il y a deux grands types de communication : la communication émotionnelle et la communication rationnelle. Cette dernière repose sur la rationalité du consommateur, on va lui donner des informations, des arguments pour qu’il ait envie d’acheter le produit. C’est plus ce type de communication qu’on voit actuellement dans la bio. La communication émotionnelle, elle, repose sur les émotions. Le but va être de provoquer une émotion chez le consommateur pour créer un attachement. Pour ce qui est de la bio, je pense qu’il faut axer là-dessus pour que la bio devienne une « love brand » fun et attrayante. Aujourd’hui, il y a beaucoup de marques bios avec le même imaginaire, très sérieux et engageant. Peut-être faut-il sortir de ça et au contraire être extrêmement positif, le bonheur ce n’est jamais ringard.
A. D. : La communication c’est être frugal dans ce que l’on montre. Il faut choisir une idée, que l’on raconte simplement. On ne peut pas tout dire et on ne peut pas plaire à tout le monde, tout passe donc par bien choisir sa cible. Pour nous, communicants, cela veut dire aussi éduquer nos clients car il y a une tendance, par exemple dans la bio, à vouloir tout dire. Par ailleurs, une fois qu’on a déterminé sa ligne créative et sa / ses cibles, on peut choisir le format adapté. C’est comme un tuyau d’arrosage : en fonction du format, je vais toucher plus ou moins de monde. Par exemple, si je réalise un spot publicitaire à la télé, j’arrose large tandis que si je fais une campagne sur Tik Tok, je vise plutôt les jeunes. Le tout est de s’adapter à ces formats divers. Et non, tout ne passe pas par le web. Les affiches et la télé fonctionnent aussi !
C. C. : Le fait est que le cahier des charges est sérieux et exigeant, il est normal de vouloir mettre en avant cela. Mais on peut faire passer ces messages autrement.
A. D. : Pour moi, il y a aussi un effet de contexte. L’inflation et la chute de la consommation font que les acteurs de la bio ont besoin de se rassurer, de se justifier. Or, je pense que le logo bio donne déjà ces informations de sérieux, il est bien connu des consommateurs. Même si un travail de communication plus global et institutionnel sur le label serait une bonne chose, pour redorer le blason, je ne crois pas que ce soit aux marques de porter cela. Elles doivent communiquer sur leurs produits.
A. D. : D’instinct, je crois effectivement que le locavorisme a pris un peu le dessus sur la bio. D’une manière plus globale, le logo bio ne se suffit plus à lui-même et l’axe local est quelque chose qui peut bien fonctionner en communication, encore une fois tout dépend de la cible.
C. C. : Je crois que travailler l’humanité et l’attachement au terroir peut être une bonne idée pour la bio. Le local a une très belle image auprès des consommateurs car c’est assez « visuel », il comprend à qui bénéficie son achat. La bio peut être un peu distante et peut, a contrario, avoir une image assez impersonnelle. Alors je pense que travailler sur l’attachement au terroir peut être une bonne porte d’entrée, mais il faut mettre en avant les deux choses !
C.C. : C’est un peu la prophétie autoréalisatrice. C’est comme si on disait à quelqu’un invité à une soirée qu’il n’y aura pas beaucoup d’ambiance. Eh bien il n’y va pas ! Factuellement, la bio est plus chère, mais si cela est bien expliqué, les gens sont prêts à payer des choses plus cher. Je pense que mettre en avant l’humain fonctionne toujours donc mettre en avant les producteurs c’est une bonne idée.
A. D. : C’est un brief passionnant pour une agence de communication. Il faut parvenir à convaincre avec des angles originaux et apporter des preuves de ce que l’on avance. Selon moi, une des choses à faire serait une grande campagne de communication commune à tous les syndicats, acteurs, associations de la bio puis un gros travail dans les services de relation presse.
C. C. : On a la chance d’avoir un label fort, avec des arguments forts et beaucoup de preuves ! Et ça, pour communiquer, c’est un vrai avantage.
Propos recueillis par Eglantine Puel