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Près de six mois après l’annonce brutale de la fermeture de la sucrerie d’Escaudœuvres, dans le Nord, Tereos a signé un protocole d’accord de reprise avec l’entreprise d’agroalimentaire belge Agristo, lundi 28 août 2023. 350 emplois devraient être créés.
“Aujourd’hui, j’ai la banane”, entame le ministre délégué à l’industrie, Roland Lescure, en visite à l’atelier de conditionnement de la sucrerie Tereos, à Escaudœuvres. Il aurait pu, tout aussi bien, avoir la frite : le site, promis à la fermeture depuis mars, devrait être repris par Agristo, le poids lourd belge des produits surgelés à base de pomme de terre. Les dirigeants des deux entreprises, Gérard Clay pour Tereos, Kristof Wallays pour Agristo, ont signé, avec le ministre, un protocole d’accord pour permettre le développement d’une activité agroalimentaire dans l’ancienne sucrerie.
Agristo promet de recruter 350 personnes, soit bien plus que les 123 salariés actuels du site d’Escaudœuvres. L’entreprise familiale belge, qui travaille avec la restauration rapide, a fait état de trois arguments décisifs en faveur du Nord : le fait, d’abord, qu’il s’agisse d’un “territoire d’excellence dans la culture de la pomme de terre”, rapporte le P.-D.G. Kristof Wallays, qui insiste pour renouer un partenariat avec les agriculteurs locaux.
Ensuite, les “connexions logistiques d’importance” : la sucrerie dispose d’une douzaine de bassins sur les bords de l’Escaut – dont seuls deux devraient rester en activité – et bénéficiera d’un accès direct au futur canal Seine-Nord-Europe. Enfin Agristo avait à cœur de se rapprocher du marché français, qui est son deuxième principal acheteur, tout en restant proche de son siège social, situé à Harelbeke près de Tourcoing.
Quelque 350 millions d’euros afin devraient être investis afin de réaménager la sucrerie et de construire un nouveau bâtiment. De quoi réjouir le maire d’Escaudœuvres, Thierry Bouteman, présent pour la signature, qui, malgré un “petit pincement au cœur” à l’idée de se départir d’une telle institution, célèbre une “nouvelle histoire qui va naître sur le site” avec “toujours le même fournisseur : l’agriculteur.” Devra-t-on alors débaptiser Escaudœuvres, surnommée la “cité du sucre” ? Le maire rit et insiste : le sucre restera. “Alors, la cité du sucre et de la pomme de terre, pourquoi pas.”
“Une décision brutale et non concertée”
Xavier Bertrand
De fait, c’est une sorte de cohabitation qui va s’instaurer, puisque Tereos maintient une plateforme logistique ainsi qu’une microsucrerie, qui représente une quarantaine d’emplois. Pour les quatre-vingts employés restant, ils devront choisir entre travailler à la sucrerie de Boiry-Sainte-Rictrude (62) ou être licenciés.
En marge de la signature, un représentant du personnel s’interroge : “Quarante emplois c’est bien, mais pour combien de temps ? Il faut viser une activité pérenne. Aujourd’hui, nous n’avons plus confiance en notre gouvernance.” C’est le 8 mars dernier que Tereos avait annoncé la fermeture de son site. “Une décision brutale et non concertée”, attaque Xavier Bertrand, également présent ce lundi 28 août.
Alors même que le groupe Tereos a enregistré un bénéfice opérationnel record l’an passé, il avait mis en avant la nécessité d’une “réorganisation industrielle”, due à “une baisse de volumes de betteraves engagés, qui s’explique majoritairement par des raisons agronomiques (rotation culturale, sécheresse, jaunisse)”. À Escaudœuvres, le bruit court que la pollution massive de l’Escaut en 2020, dont Tereos vient d’être reconnu coupable, condamné à une amende de 500 000 euros et à plus de 9 millions d’euros de dommages et intérêts, aurait motivé la décision des dirigeants.
Quoi qu’il en soit, à l’instar des employés de Tereos qui, choqués par l’annonce de la fermeture, avaient bloqué le site durant des semaines, Xavier Bertrand“n’oublie pas” que cette signature, a priori heureuse, fait suite à “un traumatisme”. “Il nous faut désormais des garanties”, martèle le président de Région, qui interpelle Roland Lescure : “Il faudra, monsieur le ministre, mettre en place un comité de suivi.”
Ledit ministre, s’il salue l’engagement de Tereos, qui a respecté ses devoirs en termes d’accompagnement des salariés, confirme qu’un “goût amer” persiste. Mais insiste sur la nécessité d’aller de l’avant : “L’industrie française, nous y croyons”, s’exclame-t-il en conclusion. Ou l’industrie franco-belge, en l’occurrence.
Marion Lecas