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« La filière hélicicole navigue à vue. » Le ton se veut désinvolte, mais l’inquiétude n’est pas loin. Producteur d’escargots à Looberghe (59), près de Dunkerque, Grégory Laude n’a pas eu besoin du reconfinement pour imaginer à quoi ressemblera sa fin d’année 2020. « Nous vendons essentiellement aux fêtes de fin d’année. Et, avec les marchés de Noël qui s’annulent les uns après les autres, ça risque d’être un peu tendu… »
Annulation du marché de Noël et du livre d’Esquelbecq (59), suppression de celui de Bonningues-lès-Calais (62)… « À Bergues, ils n’autorisent que les commerces alimentaires. Heureusement pour moi, j’en ferai partie. Mais ça veut aussi dire qu’il y aura beaucoup moins de monde… »
Le marché de Noël de Bergues représente, pour l’éleveur nordiste, un chiffre d’affaires (CA) de 3 000 € en deux jours, sur un CA annuel d’environ 20 000 € et habituellement réalisé en novembre, décembre et janvier. « Cette année, j’avais pourtant sorti de beaux escargots malgré la sécheresse… », se désole l’éleveur, installé en 2015, qui lâche 300 000 invertébrés dans ses parcs tous les ans, soit 2 à 3 tonnes de production transformée maison.
« Les gens vont moins se réunir… et donc moins manger d’escargots », s’inquiète Christelle Cousin. Celle-ci a repris, il y a un an, la Ferme hélicicole de l’Avesnois (59). Elle a la chance de vendre en direct la moitié de sa production estampillée agriculture biologique, ainsi qu’en magasins bio, grands gagnants du premier confinement. « Les marchés de Noël représentent 10 % de mon chiffre. Ce n’est heureusement pas mon principal canal d’écoulement. Ce serait la catastrophe pour moi si les clients ne venaient pas jusqu’à mon magasin… »
« Les producteurs d’escargots français commercialisent en moyenne 60 à 70 % de leur production sur les deux derniers mois de l’année », situe Christophe Simoncelli, animateur de l’association d’héliciculteurs Aspersa, et formateur au CFPPA de la Motte-Servolex, une référence en France dans le monde de l’escargot. À la difficulté posée par le reconfinement s’ajoute un autre paramètre : « De nombreux héliciculteurs ont aussi développé une activité touristique. Cette année, il n’y a eu personne, notamment dans le nord du pays où on croise pas mal d’Anglais d’habitude… »
Antoine Cousin, à la tête des Escargots du bocage depuis 2018, à Campagne-lès-Hesdin (62), confirme : « Le premier confinement a eu lieu quand la saison touristique allait démarrer et a tout arrêté. La saison prochaine est déjà tombée à l’eau… Nous n’avons plus qu’à attendre 2022, en espérant que ça redémarre d’ici là. » Même constat pour Grégory Laude, membre du Savoir vert, « durement pénalisé » depuis le printemps dernier, et qui ne sait pas ce que lui réservera le printemps prochain en termes de visites scolaires malgré ses investissements pour accueillir du public.
Peu nombreux et mal connus, les héliciculteurs français tentent pourtant de se faire entendre. Le 17 octobre dernier, quatre associations de producteurs ont écrit à trois ministres pour les alerter sur les difficultés de leur filière, si atypique qu’elle est non éligible aux aides Covid. « Nous espérons vivement une réponse, avoue Arnaud Le Nud, président des Héliciculteurs du grand ouest et signataire de la lettre. Sinon, on est cuits. »
Attention danger : c’est le message adressé par les quatre associations de producteurs d’escargots (l’Aspersa, les Héliciculteurs de Bourgogne et Franche-Comté, les Héliciculteurs du grand ouest et le Groupement des héliciculteurs du nord-est) au Premier ministre, au ministre de l’Agriculture ainsi qu’à son confrère des Finances.
Les associations avancent leurs doléances :
– « Rendre éligible au dispositif d’aides les héliciculteurs exerçant à titre professionnel pour l’ensemble des mois concernés depuis le début de la crise sanitaire. ceci afin de pouvoir combler une partie du déficit de recettes de l’ensemble de la période, de manière rétroactive. »
« Que l’escargot soit reconnu au même titre que les produits d’autres filières qui sont actuellement éligibles au dispositif d’aides : foie gras, cidre, vins, pêche, aquaculture » pour « favoriser l’étude des dossiers par les organismes bancaires notamment ».
– Que ces aides soient calculées en fonction des plans d’entreprise ne tenant pas compte des pertes dues en raison des canicules.
Lucie De Gusseme