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À 81 ans, Philippe Vasseur observe avec sagesse et recul son parcours, les évolutions sociétales et technologiques… sans jamais dire ” c’était mieux avant”. Car ce n’est pas de cela dont il est question pour Philippe Vasseur, ce dont il est question est justement de toujours regarder plus loin. ” On ne donne pas assez de visions en politique, alors qu’on a tous besoin de rêver.”
” Quand je suis né, ma mère n’avait pas le droit de vote. Quand je me suis marié, ma femme avait besoin de mon autorisation pour ouvrir un compte en banque. Il n’y avait pas le téléphone portable ou internet. Aujourd’hui, on voit se développer l’intelligence artificielle. On a connu des évolutions fulgurantes en quelques décennies et on ne sait pas où cela s’arrêtera…”
Né au Touquet, il grandit à Boulogne-sur-Mer. ” Ce qui a toujours guidé mon parcours finalement, c’est la chose publique. Je rêvais d’être journaliste car pour moi c’était un métier qui permettait d’en parler, de la chose publique. Je l’ai été 20 ans.”
Il commence sa carrière en 1970, passe par La Voix du Nord, puis descend à Paris où il se spécialise dans les sujets économiques. Il deviendra rédacteur en chef du journal Les Échos, puis en 1981 il est nommé chef du service économique et social de TF1. Philippe Vasseur ira même jusqu’au Figaro où il deviendra directeur en 1987 de la rédaction économique, autrement dit ” j’étais en charge des pages saumon”, sourit-il.
C’est pendant la campagne présidentielle de 1981 qu’il rencontre le Président Valéry Giscard d’Estaing, dans le cadre d’une interview. Il est par la suite approché par le parti politique de l’ancien président, l’Union pour la démocratie française (UDF). Il sera élu député du Pas-de-Calais sous cette étiquette en 1986, puis en 1988,1993 et 1997. ” La vie est faite de rencontres. Si je n’avais pas rencontré le Président, peut-être que je ne serais pas devenu député, ni ministre par la suite.”
Car la suite, c’est qu’en devenant député, Philippe Vasseur se saisit de certains dossiers agricoles. ” Ça surprenait car les autres députés ne voyaient pas le Pas-de-Calais comme un département agricole, alors même qu’il l’est beaucoup ! C’est comme ça que Jacques Chirac m’a repéré…” Pour rappel, Jacques Chirac est alors d’un autre parti : le RPR (Rassemblement pour la République). Pourtant, ” le courant est tout de suite passé”.
C’est ainsi que, lors de son élection à la présidence de la République, Jacques Chirac pense à Philippe Vasseur pour l’agriculture. ” J’en garde un très bon souvenir, ces années ont été de très belles années professionnellement, malgré les difficultés.” Parmi ces dernières : ni plus ni moins que la crise de la vache folle. ” J’ai dû prendre des décisions difficiles, dont l’arrêt de la commercialisation de tout ce qui avait trait au système nerveux des bovins, comme la cervelle… 50 % des tripiers ont fermé, mais on les a fortement indemnisés.”
Proche de la FNSEA, Philippe Vasseur met cependant un point d’honneur à recevoir tous les syndicats car ” on réagit en fonction des problèmes et non des syndicats”, insiste l’ex-ministre.
Mais après 14 ans de vie politique, il est temps de changer d’air : ” J’ai changé de vie tous les 15-20 ans”, plaisante-t-il.
Il se reconvertit alors dans le secteur banquier, ” mais banquier mutualiste (!)”, en devenant président du Crédit mutuel Nord Europe. Il multiplie ensuite les casquettes : président de la CCI Hauts-de-France, du World Forum Lille ou encore de la mission Rev3… dont il est à l’origine.
” Je tombe un peu par hasard sur le livre “La troisième révolution industrielle” de Jeremy Rifkin. En lisant ce livre, je me dis qu’il y a peut-être quelque chose à enclencher dans le Nord-Pas de Calais, qu’on a une carte à jouer.”
Il en parle à celui qui est président de ce qui est alors la région Nord-Pas de Calais : Daniel Percheron. ” Si par le passé, nous avions été des adversaires politiques (Daniel Percheron était membre du PS), étant donné que je n’étais plus en politique, il m’a écouté et m’a dit : Banco !” Les deux hommes organisent une conférence avec Jeremy Rifkin et l’embauchent même pour un an afin qu’il co-construise ce qui sera la feuille de route de la mission Rev3.
” Ce qui est à noter dans ce projet, c’est qu’il est collectif. Il rassemble des personnes extrêmement diverses mais qui ont une ambition partagée. La deuxième chose, c’est que lorsque Xavier Bertrand est élu à la tête de la région, il décide de poursuivre cette mission. C’est rare en politique car généralement, on ne voit pas plus loin que le prochain mandat. Ici, il y a une continuité.”
Et tant mieux car selon Philippe Vasseur, ” le temps se raccourcit ou du moins tout s’accélère. Alors il faut voir loin, sans tracer de perspectives, mais en se donnant des ambitions”.
églantine Puel Epuel@terresetterritoires.com