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Dimanche 10 septembre 2023, 10 h 30. Sous le chapiteau des conférences de Terres de Jim, une certaine ferveur, une certaine joie. La chorale LaDoRé répète les morceaux qu’elle va jouer pour la messe dans une demi-heure sur fond de guitare acoustique, flûte et batterie. En effet, dans trente minutes, la traditionnelle messe des Terres de Jim sera célébrée par le curé de la paroisse Saint-Joseph de Cambrai, Denis Lecompte, accompagné du diacre Michel Chombart. Le premier est fils d’agriculteur, le second était agriculteur il y a encore quelques mois. Pour eux, cette messe n’est pas qu’une messe. Elle révèle le lien étroit qui existe entre la religion, l’agriculture et le mondre rural, entre les êtres humains et la nature.
« Quand on est dans le monde agricole, le monde rural, c’est le premier point qui nous saute aux yeux : le miracle de la vie. » Ces mots, prononcés pendant la messe, sont peut-être l’essence de ce qui, pour Denis Lecompte et Michel Chombart, fonde le lien entre les ruraux et la religion catholique.
« Je crois que le monde rural et agricole est peut-être plus en symbiose avec la nature que d’autres secteurs. Or, la nature, c’est la création de Dieu. Et il n’y a rien d’incompatibles avec les sciences de la nature, bien au contraire, c’est presque congénital : le b. a.-ba de la science, c’est l’étonnement et l’émerveillement, comme la religion. Et on a un peu plus de chance de s’émerveiller et de s’étonner quand on est dans la nature, en contact avec elle. »
Le contact avec la nature, on le sent bien à Terres de Jim. Sous la chaleur écrasante de ce début de mois de septembre, le vent soulève la poussière de la terre battue. La scène où se tient Denis Lecompte a été décorée de gerbes de blé, de plantes et autres végétaux. Dans le public, on distingue nettement deux rangs de jeunes hommes en combinaison rouges : ce sont les concurrents du concours de labour qui aura lieu juste après. La veille, leurs équipements ont été bénis par l’évêque de Cambrai.
Pour le diacre Michel Chombart, au-delà de l’émerveillement et de l’étonnement face au miracle de la vie, les agriculteurs sont aussi en contact permanent avec « la terre, les animaux et mis face aux liens qui existent entre tout ça. On est confronté au fait que, même avec des techniques de plus en plus pointues, c’est la nature qui gère. »
Autre point à ne pas négliger : le fait que la nature reprend toujours ses droits. « Dans l’histoire de l’humanité, les catastrophes naturelles par exemple ont beaucoup compté car elles montrent qu’on ne maîtrise pas la nature. » Et Michel Chombart d’ajouter : « Par exemple les moissons cet été. On avait des blés magnifiques et pendant plusieurs semaines, la pluie n’a pas arrêté. Ce genre d’événement nous rappelle que rien n’est écrit. »
D’ailleurs, cette dépendance à la nature a été mise en exergue à la messe, après le tremblement de terre qui a frappé le Maroc. Ainsi, Denis Lecompte a prononcé : « Nous prions pour toutes les victimes des accidents climatiques, notamment pour le Maroc. Associons nos prières à celles des familles rurales du monde entier. »
Selon les deux hommes, protéger la planète fait partie du socle de la religion catholique : « Le pape François l’a même inscrit dans sa seconde lettre encyclique, Laudato si. C’est dire si cela est important dans la religion. »
« Il y a des occasions de chicanes mais ça se fait, ensemble nous allons vers la réconciliation », poursuit Denis Lecompte du haut de l’estrade, tandis que LaDoRé entame l’Alléluia.
Pour les deux hommes, les valeurs rurales et agricoles – solidarité, charité, partage – sont les mêmes que celles prônées par la religion catholique. « Ça se voit jusque dans la comptabilité ! Dans le bâtiment par exemple, jamais on ne voit des entrepreneurs acheter des machines en commun. Alors que dans l’agriculture, la mise en commun ça se fait depuis très longtemps », décrit Michel Chombart.
Mais une fois qu’on a dit tout ça, force est de constater que dans l’assemblée, ce ne sont pas les jeunes qui remplissent les chaises. Une assemblée finalement assez représentative du reste de la population française. Pour les deux hommes, cela cache une réalité tout autre.
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« Quand je suis devenu diacre, des collègues agriculteurs, que je ne voyais pas à l’église, sont venus me voir et depuis ils viennent me raconter des choses, se confier. Et puis, n’empêche, les concurrents du concours de labour étaient à la messe. Peut-être qu’aujourd’hui, le lien avec la religion s’exprime différemment, par d’autres moyens que la messe. Dans des actions concrètes », suppute Michel Chombart.
« Notre société a été fortement chamboulée. La course à l’argent fausse les liens entre les gens, et entre les gens et la religion sans doute. La foi en l’avenir, qui est quand même un peu l’essentiel de la religion, a été égratignée, ajoute Denis Lecompte. Mais l’Homme est un animal religieux selon moi. C’est dans sa nature de se poser des questions métaphysiques, sur les mystères de la vie et de la mort. Et puis, tant que les Hommes continueront de pouvoir s’émerveiller et s’étonner, la religion trouvera toujours sa place. »
En tout cas, elle avait toute sa place en cette matinée de septembre.
Eglantine Puel