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Deux réunions du conseil de surveillance annulées, une élection suspendue, une assignation en référé de tous les membres dudit conseil ce jeudi 17 décembre 2020 en fin d’après-midi… L’actualité de ces derniers jours a été riche en rebondissements pour le groupe sucrier Tereos.
Au centre de tous les intérêts : l’élection du président du conseil de surveillance, initialement prévue le 11 décembre, après une assemblée plénière le 30 novembre, qui a renouvelé une partie de ses 25 membres et vu changer la majorité. Celle-ci serait désormais détenue par 14 coopérateurs en désaccord avec la stratégie de la direction.
Premier coup de théâtre : le report de l’élection le 10 décembre par Jean-Charles Lefebvre, l’actuel président du conseil. Motif : celui-ci demande les démissions de trois élus : Gérard Clay, Xavier Laude et Jérôme Hary, tous trois condamnés par la Justice le 26 novembre – soit quatre jours avant leur élection – pour dénonciation calomnieuse. Leur condamnation est devenue définitive le 7 décembre, faute d’appel de leur part.
D’abord reportée au mardi 15 décembre, l’élection est ensuite suspendue sine die, faute d’avoir reçu les trois démissions attendues. “Toutes les coopératives françaises ont des chartes de gouvernance, plaide Jean-Charles Lefebvre. Le rôle d’un président est de rassembler ses planteurs autour de règles à respecter. Nous avons une image à préserver auprès de nos clients, de nos banquiers.”
Invoquant l’article 1.2 de sa charte de gouvernance qui exige la démission de quiconque tente de nuire à la coopérative, la société Tereos a lancé une procédure d’assignation en référé pour demander la suspension des mandats des trois “non-démissionnaires”. Tout le conseil de surveillance est ainsi convoqué ce jeudi 17 décembre à 17h au tribunal de Senlis. “Nous avons aujourd’hui deux visions internes au sein de notre conseil de surveillance. Ce qui est normal, détaille Jean-Charles Lefebvre, mais nous voulons que la question soit tranchée par la Justice.”
Bouleversement du Brexit (l’équivalent de la production de trois usines françaises toutes sucreries confondues est exportée au Royaume-Uni chaque année), incertitudes sur les mesures qui entourent la réintroduction des néonicotinoïdes ou restauration écologique de l’Escaut après la rupture d’un bassin de rétention de l’usine d’Escaudœuvres (59).
L’actualité est dense pour le groupe sucrier aux 2,5 milliards d’euros de dettes. “C’est toute la force d’un mode de gestion qui sépare la vie politique de la coopérative que je représente, et le directoire, qui s’occupe de ces questions stratégiques, assure Jean-Charles Lefebvre. Nous sommes une coopérative industrialisée, avec des actifs sur les cinq continents. On ne peut pas faire des jeux politiques avec des outils pareils.”
“C’est ironique que la direction convoque au tribunal le président du conseil de surveillance. Il est pourtant censé être son supérieur hiérarchique…”, observe un membre du conseil, qui n’a pu avoir aucun contact avec Jean-Charles Lefebvre malgré des demandes répétées depuis le 30 novembre. La coopérative betteravière, censée fournir une assistance juridique aux planteurs en détresse, n’a par ailleurs pour l’instant fait aucun geste en ce sens pour les convoqués du 17 décembre.
Les visions s’affrontent dans les rangs des coopérateurs. Certains crient au scandale et au “déni de démocratie”, alors que plus de deux semaines se sont déjà écoulées sans que le nouveau conseil de surveillance ait le droit de se réunir.La nouvelle majorité a tenté d’organiser une réunion le 18 décembre pour statuer sur l’exclusion des trois “non-démissionnaires”. Celle-ci, jugée “illégale et contraire aux statuts”, a été retoquée par le président dudit conseil.
Combien de temps s’écoulera avant que le nouveau conseil puisse élire démocratiquement son président ? Pour Jean-Charles Lefebvre, c’est très clair : “Dès que nous aurons la réponse de la Justice.” Mais le bras de fer judiciaire entamé inquiète. “Nous sommes regardés par nos concurrents, confie Christophe Mullie, coopérateur Tereos et président de la CGB Nord-Pas de Calais. Le risque, c’est que demain, l’outil ne nous appartienne plus. Il y a quand même un déni de démocratie dans tout cela, l’assemblée générale est souveraine, des membres du conseil ont été élus. Les planteurs ne comprennent pas que le conseil ne se réunisse pas. S’il y a méfiance, ils seront tentés de réduire les surfaces… Et s’il n’y a pas assez de surfaces, il faudra fermer des usines.”
Lucie De Gusseme