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Mercredi 9 octobre dernier, une vingtaine de personnes s’étaient donné rendez-vous dans le café Tok’ici de Lille. L’ambiance est conviviale, les gens ont le sourire aux lèvres, pourtant autour des tables on ne parle que d’un sujet : la mort. C’est le concept des cafés mortels inventés par le sociologue et ethnologue suisse Bernard Crettaz et proposés tous les deux mois par la Coopérative funéraire de Lille.
Le principe ? Se rassembler autour d’une bière ou d’un jus de fruits (ou toute autre boisson) pour un moment convivial en partageant autour du thème – pas forcément des plus joyeux – de la mort. Et Anne, qui a poussé la porte du Tok’ici ce soir-là, confirme : l’ambiance est « plutôt légère et tout cela se fait dans le respect des limites de chacun. Et finalement, parler de la mort n’a jamais fait mourir ! »
« Différents sujets sont abordés en fonction des envies des participants : les funérailles, les rites, les croyances, le deuil… Cela part parfois dans tous les sens, concède Séverine Masurel, fondatrice et présidente de la Coopérative funéraire de Lille. C’est aussi l’occasion pour nous de répondre à des interrogations que certains peuvent se poser et ainsi d’enclencher des réflexions. »
Car l’une des missions que s’est donnée la Coopérative funéraire de Lille est d’ouvrir la discussion sur la mort, sujet ô combien encore tabou dans notre société. Pour y parvenir, la coopérative organise régulièrement des événements tels que ces cafés mortels, mais aussi des conférences ou ateliers ouverts à tous afin de faire accepter que la mort fait partie de la vie.
Car il arrive encore trop souvent que, lorsque survient un décès, la famille du défunt qui n’a rien anticipé, se trouve démunie face aux nombreuses décisions à prendre dans l’urgence : soin ou toilette de conservation ? Présentation du corps dans un salon ou non ? Incinération ou inhumation ? « Avec le choc et le chagrin de perdre un être cher, les proches sont souvent confus, explique Alice Lecat, actuellement en contrat d’apprentissage à la Coopérative funéraire. Il est fréquent que, lorsqu’on leur pose des questions, ils nous répondent : “Comme vous voulez…”, mais nous ne pouvons pas prendre ces décisions à leur place. »
Séverine Masurel insiste donc sur l’importance de parler de ces sujets en amont : « Il est primordial d’informer ses proches de ses volontés. » La fondatrice de la Coopérative funéraire recommande, a minima, de noter ses dernières volontés sur un papier, « et de le laisser dans le livret de famille par exemple, un document dont on a forcément besoin à ce moment. » Et d’ajouter : « Si les choix ont été faits au préalable par la personne elle-même, c’est beaucoup plus serein pour les proches qui peuvent ainsi se concentrer sur le recueillement. »
Ces différents événements sont aussi l’occasion de faire tomber quelques idées reçues : « Le cercueil est obligatoire. En revanche, le caveau ne l’est pas, le cercueil peut être enterré en pleine terre. De même, beaucoup pensent qu’il n’est pas possible de disperser les cendres dans la nature, or c’est légal ! Ce qui est interdit, c’est de les garder chez soi », énumère Séverine Masurel. La question de la cérémonie a aussi son importance : « En France, nous sommes encore très imprégnés des rites judéo-chrétiens, certains vont à l’église car ils ne savent pas quoi faire… Mais pour les cérémonies, on peut faire ce que l’on veut, si ça a un sens de faire cela autour d’une bière sur fond de musique techno, c’est tout à fait possible ! », insiste la fondatrice de la Coopérative funéraire.
Enfin, il y a évidemment, aussi, la question financière. « Les funérailles ont un coût, il faut généralement compter minimum 2 500 € », prévient la présidente de la Coopérative funéraire. Si le défunt n’a pas prévu cette dépense et qu’il n’a pas cette somme sur son compte en banque, c’est une obligation légale qui incombe aux héritiers de la personne décédée, et ce même s’ils renoncent à la succession. « J’ai déjà vu des familles contraintes de faire un prêt pour payer les frais d’obsèques », indique Séverine Masurel. Alors pour être sûr que ses dernières volontés soient respectées, mais aussi pour alléger l’épreuve que les proches devront affronter, il est vivement recommandé de parler de sa mort de son vivant !
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Hélène Graffeuille Hgraffeuille@terresetterritoires.com