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Le fondateur du mouvement du chien guide en France était… Roubaisien ! L’histoire débute en 1952, d’une amitié, celle de Paul Corteville, un ouvrier textile, et Paul Blin, un homme ayant perdu la vue pendant la guerre. Le Roubaisien se met en tête de l’aider. Passionné par les chiens, il adopte Dicky dans un refuge qu’il dresse en s’inspirant des méthodes d’éducation de chiens en Allemagne et aux États-Unis. Dicky deviendra alors la première chienne guide de France.
La belle histoire s’est ébruitée et Paul Corteville a eu d’autres demandes… C’est ainsi que l’association a été créée. « Nous sommes très fiers de cette histoire. Paul Corteville faisait cela de manière bénévole en plus de son travail, il éduquait les chiens tôt le matin et poursuivait lorsqu’il rentrait de son travail. Il y mettait tout son cœur et son argent. Sa femme, Marguerite, a également pris part à l’aventure. C’est elle qui recevait les personnes mal et non voyantes », souligne Denis Touquet, responsable de la communication et du développement.
Depuis la création de l’association, qui possède aujourd’hui deux écoles de chien guide, une à Roncq et la seconde à Honguemare-Guenouville, en Normandie, 1 900 chiens ont été remis à des personnes déficientes visuelles.
Les chiens des deux écoles viennent tous du Cesecah (Centre d’étude, de sélection et d’élevage de chiens guides pour aveugles et autres handicapés) situé dans le Puy-de-Dôme. « C’est l’élevage de référence pour nous. Une sélection est faite des parents. Durant la gestation mais aussi les premières semaines, tout est fait pour préparer les futurs chiens guides. Ils sont stimulés dès leurs plus jeunes âges pour les préparer à leur futur métier. Il y a aussi un suivi et nous pouvons leur remonter les problèmes que l’on peut rencontrer », indique Marie Amicot, éducatrice de chiens guides au centre Paul Corteville de Roncq depuis 21 ans.
Dans 80 % des cas, les chiens guides sont des labradors ou des goldens retrievers : « Physiquement, ils sont costauds et robustes. Émotionnellement, ils s’attachent et se détachent facilement. Pour être heureux, ils ont besoin de caresses et d’une gamelle, sourit Marie Amicot. Mais ils ont également une bonne aptitude au travail, ils apprennent bien. » Il arrive aussi de former des bergers allemands ou des labradoodles (croisement de labrador et de caniche royal). « Ces derniers ont l’avantage de ne pas perdre leurs poils. Ils peuvent ainsi être confiés à des personnes qui sont elles-mêmes ou dont un membre de l’entourage proche (enfants…) est allergique aux poils de chiens », précise Marie Amicot.
Les chiots quittent l’élevage vers l’âge de deux mois pour être placés dans une famille d’accueil durant une dizaine de mois (lire aussi encadré).
Puis ils intègrent le centre et commencent le travail d’éducation : « On leur apprend les ordres directoires (gauche, droite…). Ils doivent savoir se déplacer aussi bien en ville qu’à la campagne, où il y a moins de trottoirs, où les intersections ne sont généralement pas marquées… La principale mission des chiens guides est de savoir éviter les obstacles, une voiture mal garée, un poteau, une poubelle… Il y a aussi un travail de recherche : trouver une porte d’entrée, un passage piéton ou un siège dans une salle d’attente, se rendre au guichet ou à la caisse d’un magasin… Mais il est nécessaire aussi de leur apprendre à désobéir intelligemment, par exemple, s’il y a un trou à cause de travaux ou encore à l’approche d’un quai de gare… »
Et Denis Touquet d’ajouter : « Le chien guide sait répondre à une cinquantaine d’ordres. » Les entraînements se font dans le centre sur un terrain de simulation mais aussi en extérieur pour les habituer à toutes les situations.
Au centre, mais également le reste de leur vie, les chiens guides sont chouchoutés. « Un vétérinaire est présent une demi-journée par semaine. Nous faisons particulièrement attention à leur nourriture. Les croquettes sont adaptées à chaque chien, leur alimentation est contrôlée tout au long de leur vie. Ce sont des chiens sur lesquels nous investissons beaucoup en termes de temps mais aussi financièrement », précise l’éducatrice.
Une fois que le chien guide est formé, il obtient un certificat d’aptitude au guidage. Le temps est alors venu de lui trouver son maître. Les personnes déficientes visuelles qui souhaitent avoir un chien guide doivent en faire la demande auprès de l’association (il faut avoir 18 ans et être autonome avec une canne blanche « car le chien guide n’est pas un GPS »). La personne est systématiquement reçue par une équipe pluridisciplinaire de l’association. L’objectif est d’évaluer ses besoins et lui proposer la solution la plus adéquate possible – l’association remet également des cannes électroniques (lireci-dessous). « Le chien guide fait partie intégrante de la vie de la personne. Lorsqu’il ne travaille pas, c’est un chien de compagnie qui intègre le logement et le quotidien de celle-ci. Comme n’importe quel animal de compagnie, il faut lui accorder du temps », insiste Denis Touquet.
Au centre Paul Corteville, on prend le soin de bien choisir les duos. « Il faut faire matcher les profils », sourit Marie Amicot, qui avoue que cette étape est « la partie préférée de son travail ». « Il y a plein de paramètres à prendre en compte. La situation professionnelle de la personne déficiente visuelle, si elle a des enfants, si elle habite en ville ou à la campagne… Mais aussi des aspects techniques comme le rythme de marche, par exemple. » Une fois que l’éducatrice estime avoir trouvé le duo parfait, la personne malvoyante accueille le chien pour une période test de deux semaines pour s’assurer que ça « matche ».
Les chiens guides travaillent, environ, jusqu’à leur dixième année. Durant cette période, l’association reste propriétaire du compagnon à quatre pattes. Un suivi se fait au moins une fois par an avec un éducateur pour vérifier que tout se passe bien. Lorsque l’heure de la retraite a sonné, le maître peut choisir, ou non de l’adopter. « Dans 95 % des cas, c’est ce qui arrive », indique Marie Amicot.
Il arrive également que certains chiens ne puissent pas devenir guides pour des problèmes de santé, « un animal qui aurait une dysplasie de la hanche (os de l’articulation de la hanche mal ajustés, ndlr) doit réduire son activité physique ou encore des problèmes de comportement (peur du bruit…), nous ne le confierons donc pas à une personne non ou malvoyante, rapporte Denis Touquet. Dans ce cas, ils sont soit adoptés par une famille ou remis dans des maisons de retraite ou centres d’accueil pour personnes handicapées. Ils deviennent des chiens thérapeutiques. »
Un chien guide coûte 25 000 €, entre la formation, la remise et le suivi. Une somme entièrement prise en charge par l’association. « Le principe est que la personne n’ait pas un euro à débourser. Tout est pris en charge par l’association, c’est notre ADN, et cela ne changera pas », souligne le responsable communication et développement.
L’association ne vit que grâce aux dons et aux legs. Elle reçoit entre 7 à 8 millions d’euros par an. « Nous ne recevons aucune subvention de l’État ou de collectivité. Si elle fonctionne c’est grâce à une grande chaîne de solidarité financière mais également grâce aux 200 bénévoles », souligne-t-il.
Les deux écoles de l’association Paul Corteville gèrent entre 400 et 500 chiens par an. Actuellement 290 sont en activité, une cinquantaine en famille d’accueil pour la pré-éducation et une quarantaine en formation.
L’association est à la recherche de familles d’accueil pour les futurs chiens guides. Un investissement bénévole qui demande du temps mais pas de compétences particulières en éducation canine.
Avant d’être formés au centre de Roncq, les futurs chiens guides sont placés dans des familles d’accueil vers l’âge de deux mois. « Durant huit à dix mois, l’objectif pour ces familles est d’en faire un bon chien de compagnie », indique Marie Amicot, éducatrice de chiens guides au centre Paul Corteville de Roncq. Le jeune chien doit également être emmené partout, « dans les centres commerciaux, les restaurants, les transports, chez des amis… L’objectif est que le chien s’habitue à différents types de situations et de lieux », explique l’éducatrice.
Une fois que le chien est prêt, il rejoint le centre de Roncq pour démarrer sa formation. « La famille d’accueil doit bien garder sa mission en tête car la séparation peut être dure. Il faut s’attacher au chien mais pas trop », précise Marie Amicot. Et d’ajouter : « Il arrive que la personne mal ou non-voyante et la famille d’accueil gardent contact mais ce n’est pas toujours le cas… » Pour être famille d’accueil, il faut avoir envie de s’engager : « Il faut avoir du temps à y consacrer. Généralement ce sont des retraités ou des gens qui ne travaillent pas », indique Marie Amicot. En revanche, pas besoin d’avoir de compétences particulières en éducation canine. Il est également demandé d’habiter à moins d’une heure de route du centre de Roncq.
Durant la période d’accueil, la famille est conseillée par un éducateur référent et participe au moins une fois par mois à une séance d’éducation collective au centre de Roncq afin d’habituer le chien à son futur environnement de travail et aux exercices en présence d’autres chiens.
Cette mission se fait de manière bénévole, la nourriture et les frais vétérinaires sont, eux, pris en charge par le centre. Quant aux frais kilométriques, ils peuvent être dédommagés sous forme de reçu fiscal.
Le centre Paul de Corteville est également à la recherche de familles d’accueil pour le week-end, pour accueillir les chiens en formation au centre du vendredi soir au lundi matin.
Devant le centre Paul Corteville de Roncq, un bâtiment est en construction. Ce dernier devrait accueillir une structure d’accompagnement et d’aide à l’insertion professionnelle à destination des personnes non ou malvoyantes. « Notre projet est de proposer de nouveaux services », explique Denis Touquet, responsable communication des centres Paul Corteville. Cette structure répondra à deux problématiques. D’abord la perte d’autonomie, « lorsqu’on perd la vue, il faut tout réapprendre, à se déplacer, à cuisiner… », rappelle-t-il. Le centre de rééducation fonctionnel aura pour objectif d’aider à comprendre le fonctionnement de la vision, d’optimiser l’utilisation des possibilités visuelles, de rechercher le matériel adapté aux difficultés et de conseiller sur l’aménagement de l’environnement. Une équipe pluridisciplinaire composée d’orthophonistes, d’ergothérapeutes, de psychologues, de psychomotriciens, d’assistants de service social, d’éducateurs sportifs et culturels ainsi que d’instructeurs pour l’autonomie des personnes déficientes visuelles, y interviendra.
Au sein de cette même structure s’installera également un centre de bilan de compétences et de formation afin de favoriser l’accès à l’emploi des personnes déficientes visuelles. Ces dernières pourront y faire le point sur leur parcours, identifier les compétences acquises mobilisables et transférables afin d’élaborer un projet professionnel et un plan d’action favorisant l’accès, le maintien ou le retour à l’emploi. « L’objectif est de replacer la personne sur le marché de l’emploi », résume le responsable communication. Avant de conclure : « Ce sera une première, aucun centre n’offre aujourd’hui un aussi large panel de solution sur un même site. » Des services qui seront entièrement pris en charge par l’association. « Nous espérons accueillir les premiers bénéficiaires lors du premier semestre 2025 », précise Denis Touquet.
Hélène Graffeuille