Votre météo par ville
Il fait un peu figure d’ovni dans le paysage agricole de la région. Il y a deux ans, Quentin Druart change radicalement d’orientation professionnelle en décidant de s’installer en tant qu’éleveur de cochons… en plein air. Depuis 2016, ce dernier exerçait le métier de travailleur social auprès de personnes en précarité, avant d’avoir envie de nouveautés.
« Dans un premier temps, je souhaitais trouver quelque chose qui allie le social et l’agriculture, j’ai pensé à une ferme thérapeutique mais cela ne s’est finalement pas fait. Je me suis dit “pourquoi pas me lancer dans le cochon ?”, explique celui qui a toujours vécu à la campagne entouré d’animaux. Ce sont des animaux que j’aime bien, ils sont sympas, intelligents, affectueux et il y a plein de choses intéressantes à faire avec leur viande ! »
Mais le jeune homme, aujourd’hui âgé de 31 ans, a une idée bien précise de l’élevage vers lequel il souhaite se tourner : « Pas de bâtiment, je n’aurais pas supporté de travailler enfermé à longueur de journée, lâche-t-il, je voulais élever mes cochons au plus près de leur état naturel afin qu’ils se développent bien et qu’ils soient le plus heureux possible. »
En 2019, il reprend donc une formation à Canappeville, au sud de Rouen, en Normandie, plutôt spécialisée dans l’élevage industriel, « mais j’ai choisi de faire mes stages dans des structures qui se rapprochaient au plus de ce que je voulais faire ».
Son élevage baptisé Les cochons de Warcove naît fin 2021. C’est à Audembert (62), hameau où il a grandi situé à quelques kilomètres de Wissant. En février 2022, il accueille ses premiers cochons, des cochons de la race Duroc qui se différencient du traditionnel cochon rose – qu’on a plutôt l’habitude de voir – par leur pelage brun et leurs oreilles tombantes. « Cette race originaire d’Amérique donne une viande plus persillée et plus tendre, mais elle met également plus de temps à grossir et est un peu plus grasse », détaille l’éleveur.
Un élevage complètement extensif, comme il le définit, qui prend « plus de temps qu’un élevage classique et qui est aussi moins productif. Les saillies sont naturelles, les dates de mises bas sont donc approximatives… » Et de préciser : « Mais cela me convient bien ! »
Ainsi l’impressionnant Marco – le verrat reproducteur qui avoisine les 200 kilos -, les six truies reproductrices et leurs descendances (ndlr : les cochons de Quentin Druart naissent et sont élevés sur place) coulent des jours paisibles sur les sept hectares de terrain, en plein air, été comme hiver. « Ici, je ne coupe pas les queues et je ne lime pas non plus les dents comme cela peut se faire dans les élevages intensifs. » Quant aux antibiotiques, ils ne sont pas automatiques, mais donnés « qu’en cas d’extrême urgence », ajoute-t-il.
Un mode d’élevage qui a un prix : « En deux ans, je me suis accordé cinq jours de vacances et j’ai eu très peu de week-ends », concède-t-il avant de préciser : « C’est un vrai choix de vie, je le savais en me lançant, mais c’est encore différent de le vivre. » L’éleveur, qui possède aujourd’hui environ 70 porcs, n’a aucun regret.
Le jeune homme poursuit d’ailleurs les installations sur son exploitation. Cet été, il a eu recours au financement participatif afin de financer des aménagements. Grâce au soutien de clients convaincus par son travail et son mode d’élevage, il est parvenu à récolter plus de 10 000 euros. Une somme qui va lui servir à planter des haies en agroécologie autour de son terrain « afin d’y développer la biodiversité ». « La production de viande n’est pas ce qu’il y a de plus écolo, donc je trouve important de faire un geste pour l’environnement. » Quelque 2 000 arbres devraient donc entourer le champ de Quentin Druart d’ici quelques mois.
L’argent va aussi lui servir pour amener l’eau sur son terrain et y aménager des chemins d’accès. « Cela va me permettre d’arrêter d’amener des cuves d’eau deux fois par jour et grâce aux chemins je vais pouvoir passer facilement avec le tracteur. » Des aménagements qui devraient faciliter la vie du jeune éleveur, lui faire de gagner du temps, mais aussi lui permettre de se faire plus aisément remplacer en cas d’absence.
Car Quentin Druart a d’autres projets pour développer son activité. Aujourd’hui, il conduit deux cochons par semaine à l’abattoir de Fruges, puis les carcasses sont envoyées dans les ateliers de Viandes du Châteauneuf.
L’éleveur récupère ensuite la viande et se charge de la vendre directement sur son exploitation ou lors de marchés de producteurs. « De la viande qui ne contient ni additif ni conservateur », précise-t-il. L’agriculteur a également noué plusieurs partenariats avec des restaurateurs du coin « qui mettent en valeur (s)es produits », tels que l’Hôtel de la Plage à Audresselles, les Frangins à Wissant, l’Atlantic à Wimereux ou encore Pronto Pizza à Boulogne-sur-Mer. À terme, l’Audembertois espère transformer lui-même sa viande, « mais cela demande de refaire une formation, ainsi que la création d’un atelier ». Il va donc falloir être encore un peu patient…
Hélène Graffeuille