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Ex-directeur de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde aujourd’hui consultant chez Agri US Analyse, l’agroéconomiste Jean-Christophe Debar analyse en cinq points les résultats des élections présidentielles aux États-Unis.
La défaite de Kamala Harris s’explique d’abord par le flou de son positionnement, avec une difficulté à se démarquer de Joe Biden, et par l’inflation – hausse des prix alimentaires de 25 % – survenue sous son mandat de vice-présidente, même si celle-ci a considérablement reflué depuis un an. Mais il y a aussi le glissement de l’Amérique vers un « trumpisme » plus structurel, outré des revendications sociétales d’une partie des Démocrates et favorisant un contrôle plus strict de l’immigration ainsi qu’un isolationnisme croissant en matière de politique étrangère. Ces facteurs ont joué à plein dans le monde rural, qui a massivement voté pour Donald Trump.
La question se pose d’abord à l’échelle de l’Union européenne. Il faut craindre en particulier une compétitivité accrue des entreprises américaines, qui auront accès à une énergie moins chère grâce à l’augmentation de la production d’hydrocarbures, et bénéficieront d’une baisse du taux d’impôt sur les sociétés, et un renforcement du protectionnisme avec la possibilité d’une augmentation des tarifs douaniers sur les exportations européennes. L’Union européenne (UE) doit se prendre en main, comme l’y invite le rapport Draghi, c’est-à -dire réaliser des réformes pour relancer son économie et pouvoir financer davantage sa défense, compte tenu de la volonté de désengagement des États-Unis.
L’UE a un gros excédent dans ses échanges agricoles et agroalimentaires avec les États-Unis, ce qui en fait une cible de choix dans une stratégie protectionniste. Il faut s’attendre aussi à une augmentation du soutien à l’agriculture dans le « farm bill » qui devrait être voté par le nouveau Congrès, sans doute en 2025. On peut se demander comment cela influera sur l’orientation de la PAC, sachant que les incitations en faveur de la décarbonation des filières agricoles, importantes sous Joe Biden, risquent de passer au second plan et que Donald Trump n’a que faire de l’accord de Paris sur le climat.
Les projets de Donald Trump en matière de dérégulation environnementale et de relance de la production d’énergies fossiles sont inquiétants pour l’atténuation du changement climatique et la protection de la biodiversité. D’autant plus que le prochain président ne se soucie guère d’améliorer la coopération entre États sur ces sujets. Cela étant, les États-Unis vont sans doute continuer d’investir dans les énergies renouvelables pour créer des emplois et prendre le leadership dans les technologies vertes. Certains États, comme la Californie, devraient d’ailleurs continuer sur cette voie.
Donald Trump devrait pouvoir compter, dans les deux prochaines années, sur un Congrès contrôlé dans les deux chambres par le parti Républicain. Une question cruciale est donc de savoir si les députés et les sénateurs lui permettront de mettre en Å“uvre son agenda politique ou s’ils joueront le rôle de contrepoids vis-à -vis notamment de ses projets les plus extrêmes, comme l’expulsion prévue de millions de clandestins qui constituent une bonne partie de la main-d’Å“uvre employée dans les exploitations agricoles et les abattoirs. Paradoxe : les agriculteurs ont majoritairement voté pour Donald Trump, mais ils pourraient être les premières victimes de sa politique avec des mesures de rétorsion contre les exportations agricoles américaines en cas de guerre commerciale, ou de manque de main-d’Å“uvre liée à une forte restriction de l’immigration.Â
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Propos Recueillis Par Louise Tesse Ltesse@terresetterritoires.com