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Gautier Lingrand fait partie des exploitants agricoles dont une partie de la production ne peut aller à l’alimentation humaine, à cause de la pollution des terres par Metaleurop. La solution ? La méthanisation.
Situé en pleine ville de Leforest, le Gaec Lingrand, Ferme de ch’debout pour les intimes, est une exploitation tout ce qu’il y a de plus classique pour la région : polyculture-élevage, 130 hectares, avec une cinquantaine de vaches. Ça, c’est sur le papier, car dans les détails ce n’est pas une exploitation tout à fait comme les autres.
Déjà, on y fait de la transformation et de la vente directe. Ensuite, une partie des terres est en maraîchage. Mais surtout, 70 % des terres de la ferme sont dans la zone dite de Metaleurop. Autrement dit, polluées où la production d’alimentation à destination humaine n’est pas possible sauf « au prix de contrôles coûteux ». Une situation qui n’a pas empêché Gautier Lingrand de s’installer aux côtés de son père.
« Depuis tout petit, je savais que je voulais revenir travailler ici », raconte Gautier Lingrand. Après un bac scientifique et un BTS agronomie et productions végétales décrochés à l’institut de Genech (59), il obtient une licence professionnelle en agriculture biologique à Lille. « J’ai ensuite travaillé dans le secteur de la création végétale chez Florimond Desprez », poursuit-il.
Metaleurop ? « J’ai toujours entendu mon grand-père, mon père et mon oncle en parler. Ils savaient qu’il y avait un souci avec les terres collées à l’usine, des analyses étaient faites régulièrement déjà dans les années 1990. »
Son père, Hervé, toujours sur l’exploitation, complète : « Il y avait des analyses avant chaque récolte. Il y a des choses qu’on ne fait plus car ce sont des cultures trop fixatrices comme les épinards. La majorité de nos légumes étaient déjà produits hors de la zone… Et puis le lait a été analysé, ce qui a accru la surveillance. » « Mais Metaleurop compensait les pertes quand la production partait à l’incinération… Ce qui a tout changé, c’est vraiment la fermeture », reprend Gautier.
« Techniquement, on ne nous empêche pas de produire pour l’alimentation humaine, mais aujourd’hui les analyses sont payantes et les pertes ne sont pas compensées… Le méthaniseur est venu régler une partie du problème », ajoute Gautier Lingrand. Pour pallier cette situation, depuis 2022, une grande partie des cultures part, en effet, dans une unité de méthanisation gérée en SAS par huit agriculteurs, dont Gautier Lingrand (lire aussi en page 23). C’est lui, qui en 2017, prend en charge ce dossier. « Mon père a jugé que ne pas se lancer dans le projet aurait été une erreur et j’étais bien d’accord avec lui. De toute façon, qu’est-ce qu’on pouvait faire d’autre ? Autant aller de l’avant et trouver des solutions. »
L’unité de méthanisation devient une part entière de l’exploitation : « On a deux fermes en une finalement, sourit Gautier Lingrand. Moi je suis salarié de l’unité ! On a dû se former, et on y consacre pas mal de temps, principalement moi, via les permanences qu’on y effectue. Pour beaucoup, la méthanisation est une diversification. Pas ici. Ici, c’est vraiment une reconversion pour valoriser nos terres. »
Particularité : la quasi-totalité des cultures qui partent pour le méthaniseur sont cultivées en bio. « C’est mon oncle et mon père qui ont amorcé la conversion dans les années 2010. On pratiquait déjà une agriculture raisonnée donc finalement c’était un “petit” pas », explique Gautier Lingrand.
Et aussi surprenant que cela puisse paraître, ce choix de tout faire en bio (pas le maraîchage), même ce qui va dans le méthaniseur, est un choix de confort : « On est entouré de maisons ici, donc le pulvérisateur ça pouvait poser problème. Ensuite, si on avait voulu repasser une partie de l’exploitation en conventionnel, il aurait fallu créer une seconde société car on ne peut pas faire du bio et du non-bio… Bref, là au moins on fait tout pareil ! »
2003. Metaleurop ferme ses portes et les Lingrand se trouvent avec 70 % de leurs terres dans la zone polluée.
2010. Gauthier Lingrand obtient une licence professionnelle en agriculture biologique après un BTS agronomie et production végétale à l’institut de Genech.
2014-2017. Il travaille chez Florimond Desprez.
2017. Il s’installe sur la ferme avec son père.
Si aujourd’hui, ce sont principalement Gautier, son père et son oncle, Philippe, qui sont sur la ferme, chaque membre de la famille a un rôle. « Moi, je gère l’unité de méthanisation, l’élevage et les grandes cultures. Mon père s’occupe de l’élevage, des grandes cultures et du maraîchage. Mon oncle aide au maraîchage et aux grandes cultures et fait aussi un peu de miel pour les magasins. Chloé, ma sœur, s’occupe de la comptabilité et du magasin de l’exploitation. Elle fait aussi la transformation des produits laitiers et la livraison. Véronique, ma tante, s’occupe du second point de vente, à l’autre bout de Leforest, du maraîchage et fait aussi des confitures et des gaufres fourrées. Enfin, cette année on a une apprentie, Louna, à l’élevage et à la transformation. »
Une histoire de famille donc, importante pour le trentenaire. « On a songé à déménager après Metaleurop. Mais c’est chez nous ici, c’est notre ferme et on y tient. »
Églantine Puel