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C’est ce que l’on appelle un effet boule de neige. Après la consécration du “champion du monde de la frite”, Aurèle Mestré, propriétaire d’une friterie à Lille, c’est un autre nom qui a essaimé dans les médias. Celui de Matthieu Leroy, 36 ans, producteur de pommes de terre au sein de la ferme de la Blanche bannière, à Comines (59), et fournisseur de la friterie Mestré depuis sa création, un an et demi plus tôt. “J’ai eu la visite de plusieurs journaux et chaînes de télévision”, détaille celui que ses collègues surnomment désormais “Michel Drucker”.
Depuis, Matthieu Leroy a noté une hausse de la fréquentation à la ferme, les clients pensant, à tort, qu’il y fait de la vente directe. Et deux friteries, l’une située à Roncq, l’autre à Linselles, l’ont démarché afin de se fournir chez lui. “On collabore déjà avec une friterie à Lambersart, une autre à Croix, et puis la friterie Mestré”, compte le trentenaire.
C’est avec sa décontraction habituelle qu’Aurèle Mestré a annoncé à Matthieu Leroy son intention de participer au championnat de la frite, “entre deux portes pendant une livraison”. L’agriculteur accueille d’abord l’information sans trop réagir. Puis, le soir du concours, reçoit un appel : “C’était Aurèle. Il m’a dit qu’il avait gagné et il m’a prévenu “prépare-toi””, raconte le producteur.
Matthieu Leroy est alors en plein arrachage de pommes de terre, “la tête dans le guidon”. “Trois jours plus tard, c’était Bagdad”, rit-il. Lui qui livre habituellement une tonne de pommes de terre deux fois par semaine à la friterie Mestré, doit désormais doubler les quantités et passer trois fois par semaine. “Il est arrivé que je livre à 4 heures de l’après-midi et qu’il y ait encore des gens qui y mangent“, se souvient-il.
L’agriculteur s’est installé sur l’exploitation familiale de Comines en 2014, avec ses deux cousins, Franck et Cédric. Ils y possèdent des vaches laitières, allaitantes, y font pousser des haricots, des betteraves, quelques hectares de blé et, évidemment, des pommes de terre. À l’origine de ce partenariat – gagnant – entre la friterie Mestré et la ferme de la Blanche bannière, une rencontre opportune dans un bar lillois.
Le cousin de Matthieu, Franck Leroy, en charge de la partie élevage de l’exploitation, croise le futur champion de la frite après un match du Losc. C’est tout l’avantage d’être en zone périurbaine, à 20 kilomètres de Lille : avoir un accès privilégié à des lieux de vie. Et de fête. ” On est plus proche des établissements, même si, livrer à Lille, ce n’est pas simple. On vise les heures creuses et on s’en sort “, commente Matthieu Leroy.
Le revers de la médaille, c’est que l’exploitation est ” cernée par les maisons “ : ” On a voulu s’agrandir, mais il n’y a pas de terres ici “, regrette Franck Leroy qui raconte que, depuis qu’ils se sont installés, les cousins ne sont parvenus à grappiller que deux hectares de pâture. Matthieu Leroy confie ” garder espoir, mais bon… “ Pour se diversifier sur une telle zone périurbaine, il a fallu miser sur un autre cheval : le magasin de producteurs Talents de fermes.
De fait, la ferme de la Blanche bannière est l’une des 12 associées qui possèdent l’établissement, situé à Wambrechies. 300 m2 de surface de vente, 300 m2 d’atelier, une soixantaine d’exploitations dépôts vendeurs, une trentaine de salariés. Les Leroy y vendent 80 % de leur viande et une partie de leurs pommes de terre. ” On y trouve de tout : produits laitiers, glaces, viande de porc“, complète Matthieu Leroy. Un tiers du chiffre d’affaires de la ferme est généré par le magasin, un autre tiers par la vente de pommes de terre à Clarebout et le dernier par celle du lait à Danone. ” Nous ne sommes pas à plaindre, on a deux employés, la ferme marche bien. Le plus compliqué, ça reste le lait, qui n’est pas rémunéré à sa juste valeur “, commente Matthieu Leroy.
Parmi les cousins Leroy, c’est lui, le cadet de la bande, qui gère la culture de la pomme de terre, comme son père avant lui. ” Je savais que c’est ce que je voulais faire de ma vie. À mes 5 ans, c’était acté “, rigole le trentenaire. Il cultive désormais 80 hectares, en conventionnel, avec les variétés que travaillait son père, car ” on savait déjà faire et elles plaisent au grand public “, explique-t-il. L’artémis en début de saison, puis la bintje jusqu’au début du mois de juillet, puis de l’artémis de nouveau.
C’est d’ailleurs avec cette dernière variété qu’Aurèle Mestré a été sacré champion de la frite. ” Il faut continuer de faire un gros travail de promotion pour que les gens comprennent que l’artémis est la petite sœur de la bintje, qu’elle est tout aussi goûteuse, et qu’on ne peut pas faire de la bintje toute l’année “, insiste Matthieu Leroy. De fait, la bintje, très sensible au stress hydrique, est de plus en plus difficile à cultiver.
Pour le futur, il se souhaite de “continuer à essayer de faire les choses au mieux”. Et de goûter les meilleures frites du monde, qu’il n’a toujours pas pu déguster, la friterie Mestré étant pleine à craquer depuis deux mois. ” Bon, d’un autre côté, je les connais, ces frites, je mange les mêmes à la maison”, dit-il, avant de nuancer. ” Enfin, les miennes, je les fais à l’huile. Les siennes, Aurèle les cuit aussi au gras de bœuf, c’est vrai que ça doit croustiller un peu plus…”
Marion Lecas