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C’était pourtant clair. “Quand j’ai envisagé de créer mon entreprise, je me suis dit : “Jamais je ne travaillerais dans l’alimentaire. Trop de contraintes, de contrôles, de normes sanitaires…”” Comme quoi il ne faut jamais dire jamais !
Aujourd’hui, Mickaël Duvette récupère de la drêche de brasserie (le reste des céréales maltées, qui, mélangées à de l’eau, ont servi à produire la bière), qu’il utilise pour fabriquer de la farine bio et des produits dérivés : pâtes et cookies. Le tout sous le nom de Nogashi (pas de gâchis). “Écrit “no gâchis”, en “bon” français ça ne me plaisait pas. Alors j’ai écrit le nom différemment. Depuis, on me dit que ça fait japonais. Ce n’était pas le but recherché, mais ça me plaît. “
Un projet que Mickaël a pris le temps de faire mûrir : “Initialement, je voulais valoriser les fruits et les légumes moches, qui ne disposent pas du bon calibre, de la bonne couleur, d’une belle forme régulière, qui ne plaisent pas, visuellement, aux consommateurs. Je voulais les transformer en jus, grâce au principe de la pascalisation, une sorte de pasteurisation. Le coût du matériel m’a refroidi.”
Pas découragé, Mickaël reprend ses recherches, via internet, pour trouver l’idée de génie qui lui permettra de faire aboutir son projet : “Produire une nouvelle matière ou des nouveaux produits à partir d’une matière première déjà existante, sans puiser dans les ressources de la terre. Je voulais mener une activité en lien avec mes convictions.”
Au fil de ses recherches, Mickaël découvre les Maltivor, installés dans le Rhône, qui recyclent des drêches de brasserie. Or, la Région Hauts-de-France est la deuxième région brassicole de France (après l’Alsace) avec plus de 150 brasseries.
Le gisement est là, l’idée vient naturellement ! “Natif de Calais, je suis titulaire d’un master de l’Institut du marketing et du management de la distribution, décroché à Roubaix. La bière, je connais, j’en bois, mais, surtout, comme je suis curieux, j’ai voulu savoir comment elle était fabriquée.“
De plus, aujourd’hui, les brasseries donnent leur drêche, notamment aux agriculteurs pour que ces derniers nourrissent leurs bêtes. Elle n’est que rarement vendue. Quand elle l’est, c’est pour alimenter des méthaniseurs. Donc la matière première est gratuite. Là où ça se corse, c’est que Mickaël voulait travailler avec de la drêche bio. Du coup, les perspectives se réduisent. C’est pour ça, qu’en décembre 2020, il pousse la porte de la brasserie coopérative Hub à Roubaix (59), bio, elle aussi.
“Je me souviens, j’étais à moto, je suis reparti avec un kilo de drêche sous le bras, ça a fait sourire les brasseurs.” Il faut dire qu’une brasserie comme Hub qui produit 45 000 litres de bière par an génère environ 15 tonnes de drêche… Pour Mickaël, c’est le début de l’aventure. Le 31 mars 2021, il dépose les statuts de l’association Nogashi à la préfecture. Un projet distingué par Eura Industry Innov’, qui met en lien agriculteurs, entrepreneurs et chercheurs. “C’est une reconnaissance du travail effectué qui va me permettre de développer mon réseau, de bénéficier de soutien technologique et qui apporte de la crédibilité à mon projet.“
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Son camp de base se situe dans les locaux de la brasserie Hub, mais son activité est nomade. “D’abord, je déshydrate la drêche. Pour ça, j’ai installé ma machine à la brasserie l’Indispensable, à Wambrechies (59), qui distille du Loven kombucha” (un thé fermenté).
Ensuite, il faut la moudre pour en faire de la farine. “Je faisais ça chez moi sur un moulin à meule de pierre. Ensuite, je suis allé chez un agriculteur, à Templeuve (59). Je cherche aujourd’hui un partenaire certifié bio.” Précision indispensable : pour produire 10 tonnes de farine, il faut 50 tonnes de drêche au départ.
Au final, 30 % de la production de farine est vendue sous cette forme. Les 70 % restant servent à fabriquer des produits dérivés, dont la moitié en pâtes. Ces dernières, des rigatonis fabriquées en Flandre, ne contiennent que 20 % de drêche “sinon leur goût est trop amer“.
On ne trouve pas les produits Nogashi n’importe où : “Je recherche des circuits de vente responsables, des circuits courts, des épiceries vrac“. Il faut dire que le paquet de 200 g de pâtes coûte 1,80 €, c’est plus cher qu’un paquet de coquillettes classiques. “Ce n’est pas du tout la même chose, argumente Mickaël Duvette, c’est un produit riche en fibres, riche en protéines, bio et mes pâtes cuisent en quatre minutes.”
Enfin, Mickaël s’est lancé dans la production de cookies au chocolat. “C’est ma compagne qui a trouvé la recette“, répond-il, quand on le complimente sur le goût des gâteaux. Des cookies cuits dans les fours du restaurant coopératif roubaisien Baraka.
Quand il ne court pas d’une étape de fabrication à l’autre, Mickaël présente ses produits dans les salons régionaux.
D’autres projets sont sur le feu. On n’a sans doute pas fini de parler de la drêche et de Nogashi.
Hervé Vaughan