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C’est un mantra qu’il répète à qui veut l’entendre : “La vie est belle.” Hervé Covès, ingénieur agronome depuis plus de 35 ans et franciscain depuis 12 ans, croit au vivant. Pour lui, il est temps d’aider les agriculteurs à restaurer la vie des sols afin que la nature puisse reprendre ses droits et faire ce qu’elle sait faire de mieux : faire pousser des plantes.
Je travaillais à l’époque à la chambre d’agriculture de la Corrèze. À ce moment-là, j’avais vraiment l’impression d’être dans une situation où je devais gérer un déclin agricole. Et puis, en 2011 je découvre que la vie est belle. J’ai mené des expérimentations sur des productions de framboises où une maladie décimait complètement la production. J’ai mis en place des méthodes qu’on appellerait aujourd’hui agroécologiques. Rapidement, on a réussi à retrouver nos quatre tonnes par hectare. Mais quelques années après on est passé à huit tonnes par hectare ! Cette progression-là paraissait presque irréelle ! Je découvre alors que toute ma vie j’ai appris à lutter contre toute forme de maladie et qu’en fait on pouvait faire autrement. Pour moi, ça a été une révélation qui s’est confirmée par la suite de façon plus spirituelle et qui a fait que je suis devenu franciscain. Finalement cette vie contre laquelle je luttais, cette vie-là était aussi capable de m’accompagner et j’en avais une démonstration avec mon travail.
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Au début des années 2000, le constat a été fait que les gisements de phosphore étaient en train de s’épuiser. La question a été de savoir ce qu’on faisait du phosphore restant : le distribuer à l’agriculture ou bien l’utiliser pour l’industrie ? C’est la voie industrielle qui a été choisie et cela s’est traduit par le fait que le prix des engrais phosphatés n’arrête pas d’augmenter, et on n’a encore rien vu… À partir de là, il a fallu trouver un moyen de récupérer le phosphore qui est déjà dans les sols. Il se trouve que les champignons mycorhiziens sont capables de le faire. Partant de là, comment est-ce qu’on fait pour avoir plein de mycorhizes ? C’est là où l’agroécologie intervient puisqu’il faut qu’il y ait beaucoup de vie dans les sols pour cultiver du champignon.
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La difficulté, c’est qu’actuellement en Europe, la trame de champignons mycorhiziens qui émerge des arbres forestiers n’est pas du tout la trame qui va bien pour nos cultures. Et le vécu de beaucoup de gens, c’est par conséquent que “ça, pousse mal à côté d’un arbre”. Sauf que quand on regarde ce qui se passe avec le réchauffement climatique et quand on regarde un petit peu plus au sud, on voit que ça pousse mieux à côté des arbres. C’est qu’en fait sont apparues de nouvelles trames de champignons dans les zones plus chaudes que l’on voit aujourd’hui arriver chez nous. Donc, pour pouvoir développer ces nouvelles trames dans nos sols, il va falloir réfléchir à quel type d’arbre on va mettre dans nos aménagements, qui ne seront peut-être plus tout à fait ceux qui étaient là avant. Peut-être, un petit peu moins d’arbres forestiers comme les chênes, les hêtres ou les bouleaux mais d’autres arbres comme les arbres fruitiers…
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Il faut permettre à la pluie d’infiltrer les sols jusqu’aux nappes mais aussi augmenter la réserve utile en eau des sols. Pour ça, les champignons jouent un rôle important. Les mycorhiziens mais aussi les saprophytes, qui décomposent le bois. Donc il faut qu’on ait du bois qui se décompose dans les sols, d’où les arbres pour les couper aussi. Chaque fois que je coupe un tiers de la ramure d’un arbre, il ne peut plus alimenter une partie de ses racines. Celle-ci va se décomposer et devenir spongieuse. Ce sont ces racines qui deviennent la réserve utile du sol et à de grandes profondeurs sur de grandes distances. Et comme les champignons ont été bien nourris par ce bois qui se décompose, ils vont essayer de se prolonger pour explorer le sol à la recherche d’un nouveau morceau de bois à décomposer. Ils vont ainsi creuser des galeries microscopiques et permettre l’infiltration et la captation de la pluie.
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1987. Il est diplômé de l’Ensaia en tant qu’ingénieur agronome.
Années 1990. Il devient conseiller à la chambre d’agriculture du Limousin puis de la Corrèze.
2011. Il expérimente l’agroécologie sur une exploitation de framboises avec succès.
2020. Il décide de donner des conférences pour accompagner les agriculteurs dans leur transition.
Propos Recueillis Par Eglantine Puel