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La journaliste a commencé sa carrière à TF1 : “Je travaillais pour le journal télévisé du 13 h et du 20 h, explique-t-elle, en plus des sujets quotidiens à traiter, j’avais toujours en route une enquête sur des questions sociétales.” Au fil des années, elle s’intéresse de plus en plus aux sujets agricoles et environnementaux… Sujets ô combien parfois épineux, si bien qu’en 2016, deux de ses reportages ne seront pas diffusés car jugés trop “sensibles”. La goutte d’eau qui fait déborder le vase pour Juliette Duquesne qui décide de remettre sa démission et de pratiquer sa profession de manière indépendante.
Elle crée alors la collection de livres baptisée Carnets d’alerte en collaboration avec Pierre Rabhi, figure marquante de l’écologie, rencontré en 2014 à l’occasion d’un reportage. Un support qui permet à la journaliste de traiter les sujets dans leur globalité : “Je ne choisis pas d’angle (aspect d’un sujet, ndlr), l’objectif est d’essayer de traiter chaque thématique dans son ensemble. Ainsi, derrière chaque livre, il y a une enquête journalistique où j’interviewe tous les acteurs clés, soit entre 60 et 100 experts ayant une autorité dans le domaine étudié.” Des investigations rigoureuses qui ont pour objectif de proposer une vision d’ensemble de l’information sur des thématiques “dont les conséquences sont déjà graves pour l’humanité et menacent encore de s’amplifier”.
Un travail minutieux qui a déjà donné naissance à six livres – et bientôt un septième qui sortira en avril sur le thème de l’écologie – ainsi que plusieurs podcasts sur des sujets qui touchent souvent à l’agriculture tels que la faim dans le monde, la disparition des semences reproductibles, ou encore la problématique de l’eau.
Et le constat de la journaliste est sans détour : “L’état des lieux est assez catastrophique et les choses ne vont pas en s’améliorant.” Et de rappeler : “L’Homme n’a pas toujours pollué, mais les choses se sont considérablement accentuées après la Seconde Guerre mondiale.”
Mais Juliette Duquesne n’en est pas résignée pour autant, “il existe des solutions qu’on peut encore mettre en place.”
Pour la journaliste, l’agriculture “est un levier”. Mais le changement ne pèse pas que sur les agriculteurs : “Nous avons besoin d’une prise de conscience globale qui passe également par le monde politique et les consommateurs. Notre mode d’alimentation joue un rôle central dans la quantité d’eau que nous consommons, mais aussi dans sa pollution. Les consommateurs doivent pouvoir mieux choisir ce qu’ils mettent dans leurs assiettes. Mais bien se nourrir coûte cher et c’est déjà compliqué de boucler les fins de mois pour bon nombre de personnes. C’est pour cela que les pouvoirs publics devraient s’emparer du sujet.” Et d’ajouter : “D’autant que si on augmentait le budget dédié à l’alimentation, on baisserait celui dévolu à la santé.”
“L’agriculture doit se faire en harmonie avec la nature”, estime Juliette Duquesne. Cela passe par moins de monocultures, moins d’élevages intensifs… “Et je n’accuse pas les agriculteurs, insiste-t-elle. Il y avait de bonnes raisons de faire ces choix il y a des dizaines d’années. Mais aujourd’hui on constate les limites de ce modèle agricole qui ne prend soin ni du vivant ni des agriculteurs. Malheureusement, l’agriculture intensive reste encore le système le plus aidé par le monde politique. C’est un débat qui devrait être au centre de notre démocratie.”
La solution mise en avant par Juliette Duquesne est de “remettre le paysan au cœur de la société” : “Il faut plus de monde dans les champs, le métier d’agriculteur doit être revalorisé, ils doivent pouvoir vivre de leur culture. Il faut des changements radicaux. Passez à l’agroécologie, dans le sens de l’agroécologie paysanne, une agriculture sans pesticides, où le bétail doit être nourri à l’herbe, et non aux céréales qui nécessitent des terres pour être cultivées et de l’eau pour être irriguées. “
Un discours que la fondatrice de Carnets d’alerte martèle aux quatre coins de la France lors de conférences auxquelles elle participe avec l’espoir d’éveiller les consciences avant qu’il ne soit vraiment trop tard…
Hélène Graffeuille
hgraffeuille@terresetterritoires.com