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Raphaël Degenne est directeur d’Ombelliscience depuis 2015. Le jeune quadragénaire se destinait au métier d’agriculteur quand, après une prépa en agronomie puis des études en sciences du vivant, il croise le chemin d’un professeur de physique passionné de vulgarisation scientifique. Contaminé, il bifurque, travaille dans le secteur associatif, pour un ministère, au musée des arts et métiers, pour une fondation d’industrie puis pour la Région Picardie qui lui fait quitter son Île-de-France en 2013.
L’association est née en Picardie, dans un territoire rural dépourvu d’équipements scientifiques. Il y a là-bas des acteurs tout-terrain, un réseau d’éducation populaire très actif qu’il s’est agi, lors de la fusion des régions, de coordonner avec les structures plus lourdes que sont les musées, planétariums… Un même objectif mais des approches, notamment vis-à-vis du public (aller à sa rencontre vs. le faire venir dans les murs) complémentaires et nécessaires.
Il y a un projet de société derrière ça : nous sommes dans un monde où l’innovation technique et technologique s’accélère sans cesse. Il y a de gros enjeux en termes de communication, d’énergies, d’environnement, d’agriculture pour lesquels on a besoin d’informations, pour faire des choix individuels et collectifs. Même si on ne s’intéresse pas à la science, elle vient nous chercher. La science est omniprésente et pour ne pas subir, pour être heureux et trouver sa place de citoyen, il faut la comprendre.
Le partage de l’information est aujourd’hui un enjeu majeur, et le développement des infox va de pair. Nous nous intéressons aux infox scientifiques : ces informations qui circulent et ne reposent sur aucune base scientifique. Allez voir le nombre de personnes qui pensent encore que la terre est plate… Et si le complotisme est la version la plus aboutie de cette désinformation, la volonté de nuire est plus ou moins forte, résulte de manipulation intentionnelle ou non, est l’œuvre d’êtres humains ou pas. Ça a toujours existé, mais l’influence des opinions est devenue une spécialité de notre époque.
Cela passe par la compréhension de l’acquisition du savoir. En somme : comment on sait ce qu’on sait. Primordial pour apprendre à distinguer les opinions, ou avis, des connaissances qui sont, elles, fondées, vérifiables, sourcées, partagées. Et s’il est nécessaire de distinguer croyance et savoir, il ne faut pas les opposer. Les deux notions sont nécessaires pour faire culture, pour vivre ensemble. L’être humain a besoin de connaître et comprendre, mais aussi de croire car c’est notamment faire confiance à ses aînés.
Clairement oui, et c’est lié au contexte. Si la prise de conscience est née dans les années 70/80, elle était surtout le fait de militants. Puis il y a eu les travaux du Giec, des scientifiques qui ont alerté et mis en évidence le mécanisme du dérèglement climatique. Aujourd’hui, tout le monde veut savoir. Il est important de partager la vulnérabilité du vivant et de rappeler le destin commun des espèces. Ici, l’agriculture est l’une des clefs, car elle peut être un véritable laboratoire d’innovations.
Ces questions ont été très à la mode dans les années 80/90, avec le développement de la robotique, du numérique… Des révolutions, et si aujourd’hui on est moins sur des technologies de rupture, tout va toujours très vite. Les générations actuelles ne peuvent même pas concevoir un monde sans internet, ce qui peut impacter les relations sociales. Pour ces questions, comme pour le reste, la science doit aider à comprendre ce qu’est ChatGPT, la 5G ou les éoliennes, par exemple, sans pour autant dire quoi en penser. Aux citoyens, avertis, de se faire leur idée.
Oh que oui ! Les sciences humaines et sociales sont primordiales pour comprendre comment les technologies impactent nos rapports sociaux, économiques ou notre droit, par exemple. Pour comprendre le monde qui bouge et l’évolution des comportements, et parce qu’on ne résoudra pas tous les enjeux de société par la technologie, les sciences sociales ont toute notre attention.
Notre credo est “Sciences pour toutes et tous”. On ne souhaite pas s’adresser qu’aux férus de science et aux geeks. Être le plus inclusif possible, c’est aussi porter une attention accrue aux filles, historiquement sous-représentées dans les domaines scientifiques. Pourquoi ? Parce qu’elles ont été invisibilisées, les hommes et l’Histoire les ont spoliées. Je pense à Rosalind Franklin qui a découvert l’ADN dans les années 50 avant de se faire voler son travail par Watson et Crick ; je pense plus récemment à Katalin Kariko qui a consacré sa carrière à la découverte de l’ARN messager, découverte méprisée jusqu’à ce qu’elle permette de produire un certain vaccin contre le covid. C’est aussi le rôle des sciences sociales aujourd’hui, de rétablir la vérité sur ces grandes scientifiques.
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2002. Rencontre avec un professeur de physique passionné de vulgarisation scientifique.
2003. Première coordination d’une Fête de la science au sein de son université.
2013. Arrivée dans les Hauts-de-France, pour travailler pour la Picardie.
2015. Prise de direction de l’agence régionale de culture scientifique technique et industrielle Ombelliscience.
Propos Recueillis Par Justine Demade Pellorce
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