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« Voici une étude à propos de laquelle la filière bio n’a pas fait sonner les cuivres. » Avec son ton corrosif habituel, Le Canard Enchaîné mettait en avant fin juillet une étude parue en début de mois sur le site de Santé publique France.
Menée dans le cadre du programme Esteban (Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition), celle-ci a notamment permis – pour la première fois – de mesurer l’exposition au cuivre chez les adultes et les enfants vivant en France métropolitaine de 2014 à 2016.
Le palmipède ne mâche pas ses mots : « Les analyses (…) ont montré que 97 % d’entre eux avaient du cuivre dans leurs urines. Avec des concentrations 8 % plus fortes chez ceux qui se régalent plus de quatre fois par semaine de légumes provenant de l’agriculture biologique. » Oligo-élément essentiel à l’organisme, le cuivre peut provoquer des irritations de contact, voire des hépatites s’il est absorbé en trop grande quantité.
Chez les enfants, à en croire le journal, le cuivre ingéré en excès serait « génotoxique », et « soupçonné de provoquer des lésions cellulaires au niveau de l’ADN ». « Jusqu’à présent, les teneurs anormalement élevées en cuivre, repérées chez les seuls adultes, étaient pour l’essentiel mises sur le compte du tabac ». Et de railler l’objectif du gouvernement de servir 20 % de bio dans les cantines : « Il ne faudrait pas que les parents fassent la soupe à la grimace. »
Coupable désignée : la bouillie bordelaise, traditionnellement utilisée pour prévenir ou traiter certaines maladies fongiques comme le mildiou ou les maladies bactériennes des arbres fruitiers, de la vigne ou des productions légumières. L’un des seuls produits de contrôle autorisés en bio.
Sur cette question, Christophe Caroux, président de Bio en Hauts-de-France, ne se cache pas derrière son petit doigt : « Il y a encore 20 ans, le cuivre était sans doute utilisé à des doses non raisonnables, reconnaît-il, mais nos pouvoirs publics font tout pour le réguler. Au début des années 2000, on est passés de 12 à 6 kg autorités à l’hectare. En 2019, on a encore abaissé ce seuil pour arriver à 4 kg/ha. L’étude date de la période 2014-2016. Cette année, nous avons été interpellés par certaines coopératives légumières bios du Nord-Pas de Calais, qui au vu de la pression mildiou souhaitaient faire la demande pour repasser à 6 kg/ha. Nous n’avons pas voulu défendre cette demande au niveau national. Plutôt que d’augmenter les doses, il faut repenser la structuration de la filière, la course au rendement, et revoir le choix des variétés pour favoriser celles qui résistent aux maladies… Mais c’est difficile de changer les habitudes. »
C’est aussi surtout dans les sols que son excès pose question. « C’est plutôt pour les organismes vivant dans le sol qu’il est toxique, situe Gilles Salitot, ingénieur en agriculture biologique à la chambre d’agriculture de l’Oise. Depuis 30 ans, son utilisation est suivie. C’est principalement dans les régions viticoles qu’il est employé, mais on le retrouve aussi dans les effluents d’élevage car on utilise pas mal de produits complémentés en cuivre pour nourrir les animaux, ainsi que dans les boues de station d’épuration. Ce qui peut expliquer sa concentration en périphérie des grandes villes. »
Quantifier le cuivre, c’est bien, mais ce n’est pas le principal. « Le plus important est de savoir comment il va évoluer dans le sol. C’est sa biodisponibilité qui va définir son caractère toxique. Dans la partie nord de la France, les pH et la matière organique sont suffisamment élevés pour que le cuivre reste stable et ne pose pas de souci de toxicité. Et quand bien même, les seuils de toxicité définis par les laboratoires sont un vrai garde-fou. »
Lucie De Gusseme