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L’agriculture est souvent montrée du doigt, accusée de polluer l’air. Ce que l’on sait moins, c’est que cette pollution de l’air a un impact sur les productions agricoles. L’ozone notamment est aujourd’hui considéré comme le polluant atmosphérique le plus nocif. Sur le blé, il entraînerait des pertes de rendement de l’ordre de 10 %. Et “sa concentration dans l’air va augmenter dans le futur d’après les prévisions. Il faut donc s’en préoccuper”, estime Jean-François Castell, maître de conférences à l’institut AgroParisTech, qui se penche sur ces questions depuis plus de 20 ans.
Mais reprenons depuis le début : l’ozone est un gaz (O3). “Dans l’atmosphère, la couche d’ozone, formée de façon naturelle, est essentielle car elle nous protège des effets des UV”. Mais l’ozone qui nous intéresse ici est présent au ras du sol. “Des réactions chimiques faisant intervenir notamment les oxydes d’azote qui se dégagent des pots d’échappement ainsi que d’autres polluants, notamment en présence de soleil, contribuent à former l’ozone. C’est un polluant du beau temps!”
Retrouvez le site créé par Jean-François Castell sur la biosurveillance de l’ozone.
“Pour que l’ozone ait un impact sur les cultures, il faut déjà qu’il entre dans les feuilles, via les stomates (voir schéma ci-dessous). Les plantes absorbent donc davantage d’ozone quand les conditions environnementales sont favorables à l’ouverture stomatique (rayonnement solaire important, absence de sécheresse, températures modérées, air plutôt humide).”
Une fois entré dans la feuille, l’ozone, en raison de ses propriétés oxydantes, “entraîne assez rapidement la formation d’espèces oxygénées réactives, poursuit le maître de conférences. Ce sont ces molécules qui sont responsables des impacts physiologiques de l’ozone, notamment en altérant les membranes cellulaires et les protéines constitutives des enzymes.C’est un signal de stress pour les plantes qui réagissent alors comme si elles étaient attaquées par un insecte ou par un champignon. Un des premiers effets est une baisse de la photosynthèse.”
Deux types d’impacts sont observés : le premier est une diminution des rendements d’environ 10 %, notamment sur le blé. Quand les plantes sont très exposées, elles peuvent aussi présenter des nécroses foliaires. “Il n’y a toutefois aucune toxicité pour le consommateur”, souligne Jean-François Castell.
La sensibilité à l’ozone est très variable d’une espèce à l’autre (voir le tableau ci-dessous), et même entre variétés d’une même espèce. “Le blé est une des espèces cultivées les plus sensibles, précise le chercheur. Et on a l’impression que l’ozone freine un peu les performances des nouvelles variétés.” Parmi les plus sensibles, il y a aussi les légumineuses (pois, haricots, fèves) ou encore la tomate et la laitue en maraîchage. “Les pommes de terre sont modérément sensibles”, souligne-t-il. Parmi les plus résistantes, il cite l’orge et le seigle.
Il n’existe pour ainsi dire aucun moyen de lutte directe. Toutefois, “une fertilisation bien maîtrisée réduit les impacts, souligne le spécialiste. Il a été remarqué que les plantes les plus résistantes utilisaient mieux que les autres leurs mécanismes de détoxication, qui doivent encore être mieux compris. Cela pourrait être utile pour la sélection variétale.”
Dans un document fourni par Jean-François Castell et publié en 2016, celui-ci et son co-auteur Didier Le Thiec évaluent les pertes en termes économiques. “Pour la France, écrivent-il, qui est un des pays d’Europe où les rendements sont les plus a affectés par l’ozone, nous estimons que ce sont plus d’un milliard d’euros qui sont perdus chaque année à cause de ce polluant.”
Pour l’avenir et l’évolution de ce polluant, Jean-François Castell ne se montre pas particulièrement optimiste. “D’ici une quinzaine d’années, on pourrait aller vers des pertes de rendement de 15 %. Cela ne m’étonnerait pas. Pour 2030, des prévisions réalisées dans le cadre du programme Vulnoz, ont montré que les cultures de blé pourraient être moins rentables qu’elles ne le sont actuellement, et pourraient être remplacées par une production plus tolérante, l’orge.”
Laura Béheulière