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« Si on vendait nos porcs seulement 10 centimes d’euros de plus au kilo, on absorberait les hausses du prix des matières premières et du coût de l’énergie que nous subissons en ce moment. » Florent Ponseel a joué le jeu de la transparence, mardi matin, en nous recevant dans son exploitation, rue de la Besace à Méteren (59), au cœur de la production porcine des Hauts-de-France.
« J’ai repris la ferme familiale en 2015 en étant associé à ma mère et à mon frère dans une SCEA. » L’installation s’est accompagnée d’un investissement de 2 millions d’euros entre 2015 et 2017. « J’ai modernisé l’outil de production et augmenté le nombre de truies. Désormais, nous en avons 280. » Une taille d’élevage qui lui permet de réaliser des économies d’échelle : « Quand on commande de l’aliment, par camion entier, on bénéficie d’une remise. De même, quand le transporteur vient chercher nos bêtes. »
À cette échelle, tout prend de l’ampleur. Ainsi, chacune des 280 truies donne naissance, en moyenne, à 32 porcelets par an. À raison de 250 kg d’aliment par tête, ça fait 2 240 tonnes par an pour les porcelets, un chiffre auquel il faut ajouter les 280 tonnes nécessaires pour nourrir les truies, soit un besoin annuel de 2 500 tonnes.
« Aujourd’hui, le blé coûte 250 euros la tonne, contre 180 euros en 2021, qui était déjà en hausse par rapport à 2020. De même, le colza et le soja ont augmenté. Entre 2020 et le début de cette année, j’ai calculé un surcoût dû à l’alimentation de 100 000 euros. » Et encore, 80 % des céréales consommées par ses porcs (blé, orge, maïs, pulpe de betterave) sont produites sur une partie des 160 hectares de surface utile agricole exploités par la SCEA.
Autre mauvaise nouvelle de 2022 : la hausse du prix de l’électricité. « Une augmentation de l’ordre de 120 %, soit 30 000 euros de plus sur une année », calcule l’éleveur, qui a souscrit un contrat passé dans le cadre d’un appel d’offres de la FDSEA.
Enfin, la Chine n’importe plus de porc européen à cause de la peur que lui inspire l’épidémie de peste porcine sur les animaux sauvages (sangliers) en Belgique et en Allemagne, ce qui oriente les cours à la baisse.
Une situation intenable. « C’est fou ! Nous, éleveurs, nous avons le minerai et nous perdons la main sur la matière. Nous dépendons des intermédiaires, à commencer par les abatteurs qui dictent leur loi alors qu’ils ne devraient être que des prestataires de services pour nous », lâche Florent Ponseel, également administrateur du Groupement de producteurs de porcs des monts des Flandres (GPPMF), qui mise sur « plus de solidarité » pour s’en sortir. « Aujourd’hui, dans la région, il y a trois groupements de producteurs différents. Nos interlocuteurs jouent de cette situation et nous divisent pour mieux régner. Il faudrait parler d’une seule voix. Même si 80 % des éleveurs se disent favorables à la concurrence, cette concurrence entre nous entraîne une baisse des cours. »
Autre solution, qui fonctionne bien selon lui : le rapport de force. « Il y a quelques années, nous avons bloqué la centrale d’achat de Lidl pour travailler avec eux. Cette action a permis d’entamer des négociations. Aujourd’hui, un contrat tripartite lie le GPPMF, le groupe Bigard (abatteur) et Lidl. Ce dernier achète 1 500 porcs par semaine au groupement, sur les 5 000 à 6 000 produits hebdomadairement. »
Cette valorisation de 0,40 euro par kilo « est un bon début », pour Florent. Tout comme la loi Egalim 2 qui prévoit de prendre en compte le coût de production dans le prix de vente. « Tout ça ne va pas se mettre en place en un jour, prédit Florent, il faudra toujours être là, mobilisés pour faire entendre notre voix. »
En attendant, Florent et sa mère, Monique, craignent surtout que beaucoup de producteurs n’arrêtent. Et si la vraie cause de la crise était là, dans la surproduction ? « Non, répond Florent. Aujourd’hui, nous produisons en France l’équivalent de ce qui est consommé ici, mais on continue d’importer. C’est là qu’il faut rester vigilant. »
Va-t-il remplir le dossier de demande d’aide (lire aussi l’encadré ci-dessous) ? « Je ne sais pas encore. Je suis déjà suffisamment endetté. Je ne suis pas sûr de vouloir me lancer dans la démarche de prêt garanti par l’État. Mes problèmes de trésorerie, je les règle avec mes fournisseurs en leur demandant un délai de paiement. »
Une première aide d’urgence de 75 millions d’euros a été débloquée par le gouvernement. Cette aide, d’un montant forfaitaire de 15 000 € par exploitation, est réservée aux éleveurs remplissant les trois conditions suivantes : avoir atteint 80 % de consommation des crédits « court terme de trésorerie », à compter du 1er janvier 2022 pendant une durée d’un mois glissant ; avoir engagé une démarche de demande de prêt garanti par l’État (PGE) auprès de leur banque ; ne pas être en intégration totale. Les demandes des exploitants qui n’auraient pas engagé de PGE seront analysées en cellule départementale de crise. La demande peut être réalisée sur www.demarches-simplifiees.fr/commencer/dispositif-urgence-soutien-elevage-porcin. Pour le Pas-de-Calais, un formulaire à imprimer est disponible sur www.pas-de-calais.gouv.fr, rubrique « dispositif urgence filière porcine 2022 ». Les demandes peuvent être déposées jusqu’au 7 mars inclus. Pour le Nord, les demandes sont à formaliser avant le 25 février, à la DDTM, service économie agricole, 62 boulevard de Belfort, CS 90 007, 59 042 Lille cedex. Plus d’infos au 03 21 50 30 46, ou ddtm-sea-efa@pas-de-calais.gouv.fr pour le Pas-de-Calais, et au 03 28 03 83 56 ou ddtm-sea@nord.gouv.fr, pour le Nord.
Hervé Vaughan