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Par principe de précaution, après le passage du nuage de fumée provoqué par l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen, Frédéric et Clotilde Carré, agriculteurs à Douai (59), doivent jeter toute leur production.
Accoudé au porche de sa ferme, Frédéric Carré semble chercher un sens à toute cette histoire. Le nuage de fumée généré par l’incendie de l’usine rouennaise Lubrizol (le 26 septembre 2019) est-il véritablement passé au-dessus de son exploitation ? Ses pâtures, et donc son lait, sont-ils contaminés par des retombées toxiques ? Des questions auxquelles l’éleveur n’a toujours pas de réponses.
En attendant les résultats d’analyses demandés par les services de l’État, Frédéric Carré est contraint de se débarrasser de sa production laitière depuis près de 15 jours. Principe de précaution oblige à la suite de l’arrêté préfectoral du 29 septembre 2019 qui impose des restrictions à la mise sur le marché de productions végétales et animales.
Dioxynes et métaux lourds recherchés
Dans le Nord, l’embargo est valable uniquement pour les communes de Douai et de Villereau (Avesnois).
« Nous nous sommes basé sur des signalements et avons déclenché un dispositif de gestion de crise, indique Jacques Destouches, sous-préfet de Douai, qui a rendu visite à Frédéric Carré et ses 70 vaches laitières, le 7 octobre 2019. Trois prélèvements, en vue de détecter la présence éventuelle de dioxynes et de métaux lourds, ont été effectués en l’espace d’une semaine sur la ferme. En fonction des conclusions, les doutes seront levés ou les restrictions se poursuivront ».
En Hauts-de-France et Seine-Maritime, 216 communes se trouvent dans la même situation. Pour les agriculteurs concernés, l’attente est longue. « Nous ne savons pas quand les résultats des analyses vont tomber. Elles sont réalisées dans un laboratoire de Nantes, évoque Frédéric Carré. En attendant, nous trayons nos vaches pour rien. Nous avons dû jeter 10 000 litres de lait la semaine dernière et autant cette semaine. C’est 7 à 8 000 € de pertes à chaque fois, sans compter le déficit lié à la vente directe… Regagner la confiance de nos clients risque d’être compliqué ». La laiterie que les éleveurs fournissent habituellement ne collecte plus le lait. Ce dernier est récupéré par un camion de la communauté d’agglomération du douaisis (CAD) qui le reverse au compte-gouttes dans une station d’épuration voisine.
Quid des indemnisations ?
Peu d’éléments de réponse également concernant les indemnisations des agriculteurs concernés par les restrictions. Pour le moment, rien ne leur est versé. « L’ensemble des pouvoirs publics, en partenariat avec la chambre d’agriculture Nord-Pas de Calais, les syndicats ou les banques, se mobilisent pour mettre en place un dispositif massif, rapide et efficace d’accompagnement, tente de rassurer Jacques Destouches. Il devrait être dévoilé prochainement. Les démarches seront à effectuer auprès des services de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) ».
Le représentant de l’État dans le département estime que « les exploitants agricoles sont des victimes collatérales de cet événement » et qu’ils ont « droit à la solidarité ». « Nous devons néanmoins garantir aux consommateurs que les produits sont parfaitement sécurisés, conclut Jacques Destouches. Espérons pour les agriculteurs que ce ne soit qu’un mauvais moment à passer ».
Simon Playoult