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La décision a été prise jeudi 25 mai alors que se tenait le bureau de la FDSEA du Pas-de-Calais. Opération coup de poing. « Un peu de paille, quelques balles d’enrubannage et on s’en va », traduit Clément Cuvillier, secrétaire général adjoint du syndicat.
À l’origine de la colère des éleveurs, le rapport de la Cour des comptes au sujet de leur activité doublé d’un tweet du ministre des Finances, Bruno Le Maire, ont irrité les manifestants qui ont visé les centres des impôts du département vendredi 26 mai.
« Le saviez-vous ? 100 g de protéines végétales génèrent de 60 à 90 % de gaz à effet de serre en moins que 100 g de protéines animales », a écrit l’ancien ministre de l’Agriculture, attisant les rancœurs.
Sur les huit bureaux de l’administration fiscale ciblés aux quatre coins du département, les mêmes slogans :
« Bruno Le Maire tue l’élevage » et – ironiquement – « moins de “compteurs”, plus d’éleveurs ».
Clément Cuvillier le scande : « La Cour des comptes s’est permis de formuler des propositions qui ne la regardent pas. Elle est là pour analyser, pas pour diriger le débat et orienter les opinions ! »
Le sentiment est partagé par Alain Dupont, qui préside la section bovine du syndicat nordiste. Il répète que « l’élevage n’est pas l’unique cause du réchauffement climatique ».
Le rapport de la Cour des comptes estime que l’élevage est trop aidé, rapporte Clément Cuvillier. « Mais c’est aussi parce qu’il fallait vendre de la viande pas chère au citoyen. Si on vendait notre production au réel prix, on n’aurait pas besoin d’aides », rage-t-il.
Hasard de l’agenda, Bruno Le Maire devait inaugurer la Gigafactory, l’usine de batterie électrique implantée à Douvrin.
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« Nos bonnes relations avec le préfet et la force du réseau syndical nous ont permis de décrocher un rendez-vous avec lui », confie l’éleveur du Pas-de-Calais.
Le rendez-vous a été confirmé la veille au soir et mardi 30 mai. À midi, les éleveurs attendaient l’auteur du tweet décrié à Lens.
« Il est arrivé à 12 h 40. Jusqu’au bout on a cru qu’il ne viendrait pas, et il est reparti à 13 h 05. Mais on a quand même pu lui faire part de notre mécontentement, décrit Clément Cuvillier. On a dit que son tweet nous avait blessés et il s’est excusé en reconnaissant qu’il s’était mal exprimé. »
En quelques minutes, les éleveurs insistent sur « les travers de la décapitalisation ».
« C’est bien d’inaugurer des usines tournées vers l’avenir. Mais il ne faut pas oublier que chez nous, la valeur ajoutée de nos productions est partie depuis belle lurette. Comme l’abattage des porcs et des volailles qui se fait hors frontières », martèle le secrétaire général adjoint.
« Au niveau agricole, détaille Christian Durlin, membre du bureau de la FNSEA et présent autour de la table, il faut avoir en tête que la balance commerciale, autrefois largement excédentaire, est désormais déficitaire de 900 millions d’euros pour notre région en 2022. Aujourd’hui, 80 % de la volaille, 50 % du porc… sont transformés à l’étranger. »
L’ancien ministre de l’agriculture (de 2009 à 2012) s’est montré surpris par ces chiffres, raconte Clément Cuvillier.
Bruno Le Maire se dit « ici pour lever des incompréhensions », d’après le compte rendu des échanges de la FDSEA 62. « Je vous ai toujours défendus ! Je consomme de la viande, je soutiens la filière bovine. Vous n’avez pas meilleur défenseur de l’agriculture que moi ! Je n’ai jamais tenu de double discours. C’est une erreur de stratégie d’opposer la viande et les protéines végétales, ce sont deux filières complémentaires. »
Quelle suite à présent ?
Pour Clément Cuvillier, il faut maintenir la pression pour enclencher la suite.
« Peut-être avec un retour de sa part sur une exploitation sur le territoire pour lui montrer ce qu’est l’agriculture d’aujourd’hui, ses performances, les mesures mises en place pour respecter l’environnement, les difficultés financières qui s’offrent à nous… »
L’invitation aurait été acceptée. À suivre dans l’acte trois.
Louise Tesse
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