Votre météo par ville
Entre 25 000 et 35 000 tonnes d’escargots sont consommés chaque année par les Français, premiers consommateurs au monde. Pourtant, plus de 90 % des escargots dégustés sur le territoire national sont importés, depuis l’Europe centrale et les pays de l’Est notamment.
Derrière la Pologne, l’Ukraine est devenue depuis quelques années l’un des principaux fournisseurs d’escargots. En 2020, le pays totalisait plus de 400 fermes qui produisaient jusqu’à 1 000 tonnes d’escargots, dont la quasi-totalité était exportée vers l’Union européenne. La crise sanitaire, et plus récemment le conflit avec la Russie, ont contraint nombre d’héliciculteurs à abandonner leur activité. Depuis, les escargotiers européens s’approvisionnent en Roumanie, en Lituanie, en Pologne et en Hongrie. Mais ces pays ont eux aussi pâti de la sécheresse et ont du mal à absorber toute la demande.
En France, on compte quelque 400 producteurs, de toutes tailles, qui sont loin d’avoir la capacité d’approvisionner tout le marché national. Dans le Nord et le Pas-de-Calais en particulier, le site oùacheterlocal.fr ne recense que neuf producteurs d’escargots.
Installé à Flines-lès-Mortagne (Nord) depuis huit ans, Marc Merlin compte un million de cagouilles. À quelques jours du réveillon de Noël, « c’est l’euphorie », nous dit-il, les mains couvertes de beurre. Il cuisine ses escargots à la bourguignonne, au piment d’Espelette, au maroilles, au roquefort ou encore au sel noir de l’Himalaya avec de la ciboulette. Il propose aussi du savon à la bave d’escargot et, nouveauté de l’année, a « fabriqué du saucisson à base d’escargot. J’ai été surpris du succès : il ne m’en reste plus un seul ! » L’éleveur enchaîne les marchés de Noël, les salons gastronomes et accueille également les clients sur son exploitation. La sécheresse lui a demandé d’arroser « un peu plus » l’espace réservé aux bêtes et il a constaté davantage « de mortalité sur les naissains. » Mais il ne s’estime pas trop pénalisé.
En revanche, Myriam Grousselle déplore un « impact énorme : j’en ai perdu la moitié à cause de la sécheresse ». Installée depuis trois ans à Hénin-sur-Cojeul (Pas-de-Calais), elle compte 150 000 escargots, qu’elle élève en agriculture biologique, « et même en biodynamie, je suis la seule en France ».
Héliciculteur à Saint-Félicien, en Ardèche, Mike Vergnes est membre du groupe national de prévention de la mortalité chez les escargots. « En période de forte chaleur, la densité de population a beaucoup d’impact : à partir de 200 escargots/m2, le risque s’élève, à moins qu’on ait de l’ombrage. » L’éleveur préconise toutefois d’éviter d’arroser car « l’humidité encourage les escargots à se mettre en mouvement et à aller manger, plutôt que de rester immobiles et d’économiser de l’énergie. Le combo chaleur et humidité est aussi une bombe à pathogènes et à maladie. »
L’impact du changement climatique est plus encore marquant sur la reproduction, « fortement contrariée » par les printemps plus secs. « Aujourd’hui, beaucoup de reproducteurs baissent les bras. Les producteurs ont donc recours à des reproducteurs à l’étranger, dans l’est de l’Europe notamment. Là-bas aussi, le climat pose des problèmes. »
Les héliciculteurs subissent aussi les hausses de prix, en particulier sur les emballages (conserves métalliques, verres…). Pour ses bocaux en verre, l’éleveuse d’Hénin-sur-Cojeul a enduré « une augmentation énorme en février et les fournisseurs annoncent encore 20 % », s’inquiète-t-elle.
Malgré ces difficultés, l’héliciculture a peu d’aides. « Jusqu’alors, nous n’étions pas connus, pas soutenus, et on subissait la concurrence des pays de l’Est, reprend Myriam Grousselle. Nous manquons de références, d’instituts techniques, de structuration, de communication. »
En octobre cependant, la Fédération nationale des héliciculteurs de France a été créée pour fédérer, rassembler dans une seule structure nationale les héliciculteurs installés sur le territoire national français, relancer la recherche, faire progresser la profession via des plans d’actions, défendre et soutenir les héliciculteurs, promouvoir l’héliciculture, permettre le dialogue avec les instances gouvernementales. L’enjeu est de taille pour les producteurs d’escargots, dont seulement un sur dix qui seront dégustés lors des fêtes de fin d’année est « né, élevé et transformé en France ».
Louise Tesse et Mylène Coste