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Le long de l’Aa, à Renty dans le Pas-de-Calais, Marjolaine broute paisiblement avec ses congénères, sans se douter que quelque chose se prépare autour d’elle. Bientôt, le troupeau de 90 vaches (prim’hosltein, rouges flamandes, normandes, montbéliardes) profitera d’une nouvelle parcelle d’herbe chaque jour : le pâturage tournant dynamique se met en place à la ferme Au Moulin des sources.
Pour cela, Marie-Noëlle et Vincent Bachelet, les éleveurs de Marjolaine & Cie, ont lancé fin mars une cagnotte en ligne sur la plateforme Miimosa (site de financement participatif de l’agriculture et de l’alimentation).
Derrière leur projet, une véritable histoire de famille : joint au téléphone, Vincent parle beaucoup de ses enfants, pas peu fier. Léandre, 29 ans, est double actif : il a rejoint la ferme en 2015 et travaille en tant qu’ingénieur en méthanisation. Bertille, 25 ans, est intendante dans un collège. Justin enfin, le petit dernier de 20 ans, doit passer les concours pour devenir vétérinaire. Peut-être rejoindra-t-il, lui aussi, la ferme familiale.
L’exploitation s’étend sur 90 hectares dont la moitié de prairie. L’idée du projet “est de diviser l’ensemble des parcelles en une vingtaine de parcs entourés de haies, expliquent les agriculteurs dans la description de leur projet sur Miimosa. Marjolaine et ses copines pâtureront successivement chaque parcelle et pourront donc profiter chaque jour d’une herbe à son stade optimal et donc d’une prairie riche et appétissante !”
La somme collectée grâce aux dons de chacun servira à la création de chemins d’accès stabilisés aux différentes pâtures, ainsi qu’à la mise en place d’abreuvoirs. Elle permettra ensuite de financer des clôtures le long des chemins ou encore d’installer des haies.
Le montant global nécessaire pour le projet est estimé à 15 000 euros. “Notre laiterie Danone participe à hauteur de 7 500 euros”, précisent les éleveurs. En ce qui concerne la cagnotte en ligne, un premier palier, permettant d’atteindre 2 500 euros, est ouvert jusqu’au 4 mai. Deux autres paliers à 2 500 euros chacun viendront compléter le tout.
L’objectif, à terme, est de diminuer l’empreinte carbone de l’exploitation. Le calcul a été fait : celle-ci est estimée à 0,95 kg équivalent CO2/litres (kg eq. CO2/l) de lait produit. La famille Bachelet souhaite se rapprocher de 0,84 kg eq. CO2/l de lait produits (d’après le Cniel, l’empreinte carbone moyenne du lait en France est de 0,90 kg eq. CO2/l).
Marie-Noëlle et Vincent n’en sont pas à leur coup d’essai en matière de pratiques environnementales. Créé en 1998, l’EARL du moulin de Renty n’a eu de cesse d’évoluer. “On est toujours à l’affût, on essaye de voir comment faire pour améliorer les choses, souligne Vincent. On a toujours recherché la qualité du lait et la qualité de l’eau est aussi très importante à nos yeux.”
En 2004, les exploitants s’engagent en effet dans un Contrat d’agriculture durable : “Nous avons planté 700 mètres de haies et de fascines. Nous avons commencé à couvrir les sols en période hivernale par des couverts végétaux, pour maintenir la vie du sol.”
L’année suivante, ils mettent en place le semis direct. En 2006, ils entrent officiellement dans la démarche “Agriculture raisonnée”. “Nous avons mis en place des bandes enherbées dans nos parcelles longées par la rivière. À suivi l’instauration d’un tri des déchets pour un recyclage dans des filières adaptées”, détaillent-ils.
En 2009, un plan végétal environnemental est créé : des arbres fruitiers et d’ornement sont plantés, et une cuve de 15 m3 de récupération des eaux pluviales est installée.
L’année d’après, leurs efforts sont récompensés : la ferme Au moulin des sources est sélectionnée pour faire partie des agriculteurs dont la photo est apposée sur les produits Danone. Pour eux, c’est une grande fierté.
Car malgré les apparences de long fleuve tranquille, leur histoire est entrecoupée de véritables coups durs. Deux incendies ravagent le corps de ferme puis la maison, en 2010 et 2013. “Mais il faut toujours rebondir”, insiste Vincent.
Alors les initiatives se poursuivent. En 2018, grâce à un partenariat avec Enerlya, maison des énergies renouvelables, les agriculteurs plantent une haie citoyenne avec des enfants et des familles de la région. L’accueil pédagogique à la ferme est d’ailleurs une de leurs activités. Même si en ces temps de pandémie et de confinement, les anniversaires et autres visites d’exploitation sont bien sûr suspendus.
L’énergie verte est aussi au cœur des préoccupations de la famille. En 2019, ils installent en effet 250 m2 de panneaux photovoltaïque. Et désormais, leur fils Léandre a le projet d’installer une unité de méthanisation sur l’exploitation. Le permis de construire est déposé ! Si les travaux devaient commencer à l’automne, ils seront sûrement repoussés en raison du contexte de crise actuel.
Bref, notre famille d’éleveurs paraît bien insatiable et nous réservera probablement d’autres surprises. Avec un leitmotiv, citation d’Antoine de Saint-Exupéry affichée dans la description de leur projet sur Miimosa, “Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants”.
Laura Béheulière