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Si Eve Gilles, Miss Nord-Pas de Calais, tentera de décrocher la célèbre couronne de l’élection Miss France ce samedi 16 décembre ; le même jour, Adeline et Jean-Henri Guisgand défendront les couleurs de leur exploitation familiale, la ferme de Bonne espérance, située à Petite-Forêt à côté de Valenciennes, pour un tout autre concours : celui de Miss et Mister France agricole.
Ce dernier se déroule entièrement en ligne. « Au début, Jean-Henri n’était pas vraiment partant, mais j’ai réussi à le convaincre », sourit l’agricultrice de 25 ans. « Je pensais que c’était un concours de beauté, ce n’est pas mon truc. Mais je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas, les candidats étaient des gens “normaux” », poursuit son frère, âgé, lui, de 28 ans. C’est donc à deux, chacun dans leur catégorie, qu’ils se sont lancés dans l’aventure.
Si l’élection de Miss et Mister France agricole se tient le même jour que l’élection Miss France, c’est l’un des seuls points communs que les deux concours partagent. Pour Miss et Mister France agricole, pas besoin d’afficher un corps de rêve, un sourire ultra bright, des faux cils ou des tenues à paillettes ! Ici, l’objectif est « de promouvoir les femmes et les hommes du milieu agricole, afin de montrer une image positive et souriante de (la) profession », indiquent les organisateurs sur leur page Facebook. Positifs et souriants, des qualificatifs qui collent parfaitement à la fratrie qui serait fière de représenter la profession.
Si c’est le cas aujourd’hui, il n’en a pas toujours été de même, notamment pour Adeline. Plus jeune, il était impensable pour la jeune fille de reprendre l’exploitation de son père, Jean-Michel. « Cela ne m’intéressait pas. J’avais presque honte d’être une fille d’agriculteurs car à l’école, on se moquait de moi, on me traitait de “bouseuse”… Je n’étais pas bien vue, je n’avais pas d’habits de marque, on ne partait pas en vacances… », se souvient Adeline. Après le collège, elle décide donc de poursuivre son cursus en seconde générale, « mais je me suis pris une grosse claque, rien ne me correspondait… » Finalement après une séance d’orientation, elle opte pour un bac Stav (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant).
Jean-Henri, lui, a toujours eu l’envie de travailler dans l’agriculture, « je baigne là-dedans depuis que je suis tout petit, j’ai toujours donné un coup de main dans la ferme ». S’il a un temps hésité à reprendre l’exploitation de son père – « car travailler avec lui pouvait parfois être compliqué, conflit de générations… », résume-t-il – lorsqu’il a su que sa sœur souhaitait s’installer, il s’est lancé à ses côtés. Après la retraite de leur père, fin 2020, Adeline et Jean-Henri se sont associés à leur mère, Dominique, pour reprendre la ferme composée de 32 hectares en grandes cultures, maraîchage, plants de légumes et fleurs.
Depuis le trio travaille dans la bonne humeur et la bonne entente. « Nous sommes bien organisés. Chacun a sa spécialité : Jean-Henri s’occupe plutôt des champs et du matériel, maman gère la vente, quant à moi, je m’occupe de l’administratif. Mais nous nous donnons tous un coup de main lorsqu’il le faut », détaille la jeune agricultrice avant d’ajouter : « Et bien sûr il y a toujours papa qui continue de nous épauler et de nous conseiller ». Pour pouvoir travailler à trois sur l’exploitation, il a fallu développer la clientèle. « En plus du magasin, où nous pouvons faire de la vente directe, on a installé un distributeur automatique, ce qui nous a permis de toucher un autre public. Et il faut aussi reconnaître que le covid a été un booster pour notre activité de vente directe. »
Autre nouveauté depuis qu’Adeline et Jean-Henri se sont installés : ils communiquent davantage sur les réseaux sociaux. « On raconte nos vies aussi bien professionnelles que personnelles, mais toujours avec une touche d’humour », explique Jean-Henri. Et ça plaît ! Sur la page Facebook Ferme de Bonne Espérance, la fratrie comptabilise plus de 9 200 followers et des centaines sur leur page TikTok (La paysanne de Petite-Forêt et JH agriculteur du 59).
Une communauté qui les a évidemment soutenus pour leurs candidatures à l’élection de Miss et Mister France Agricole. « Il y a eu un véritable engouement, s’étonne encore Adeline, cela nous a mis un petit coup de pression ! » Une mobilisation qui a permis à la sœur et au frère de Petite-Forêt de faire partie des 40 finalistes sur les 250 candidatures. Pour la dernière ligne droite, la fratrie a dû faire une vidéo pour se présenter, « évidemment nous l’avons tournée de manière humoristique », précise Jean-Henri.
Les frère et sœur ont aussi dû mettre en avant une cause qui leur est chère. Adeline a choisi de mettre l’accent sur la lutte contre l’urbanisation : « Notre ferme est dans une zone très urbanisée. Je souhaite alerter sur la protection des terres agricoles contre l’artificialisation des sols. Il faut nous laisser la possibilité de faire notre métier mais aussi protéger l’environnement et la biodiversité. » Son frère, lui, a opté pour l’importance de pouvoir vivre du métier d’agriculteur. « Nous devrions pouvoir fixer nos prix librement, c’est un moyen de valoriser nos produits. Nous avons la chance d’avoir un magasin sur l’exploitation qui nous permet de faire de la vente directe. C’est ce qui nous a permis de nous en sortir lorsque nous avions des périodes plus difficiles, même du temps de mon père. »
Leur sort est dorénavant entre les mains du jury du concours composé notamment d’anciens lauréats de Miss et Mister France agricole mais aussi d’une ex-directrice du Salon international de l’agriculture ou encore d’un candidat de l’Amour est dans le pré. Les résultats seront dévoilés sur la page Facebook Elections Miss et Mister France Agricole.
Si Adeline et Jean-Henri sont élus, ils n’auront pas l’obligation de se balader avec une couronne et une écharpe, « mais cela ne me déplairait pas », plaisante la jeune fille. En cas de victoire, il leur est demandé de créer une page Facebook et un compte Instagram dédiés à leurs nouvelles fonctions, d’être présents lors du Salon international de l’agriculture qui se déroulera fin février à Paris, ainsi qu’au Sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand en octobre prochain et de répondre à quelques interviews.
Hélène Graffeuille