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Agroécologie : Peut-elle nourrir le monde ?

25-04-2024

Actualité

C’est tout frais

Dans le cadre de l’inauguration du parcours « Terres solidaires » réalisé par les élèves de l’institut de Genech, le Comité catholique contre la faim et pour le développement – Terre solidaire organisait une conférence sur l’agroécologie et sa capacité ou non à nourrir le monde.

Marc Dufumier (sur la photo), Bruno Parmentier et Abdou Hadji Badji ont pu parler d’agroécologie et de faim dans le monde. © Institut de Genech

L’agroécologie peut-elle nourrir le monde ? Vaste sujet auquel se sont attaqués Marc Dufumier, ancien enseignant en agriculture comparée, Bruno Parmentier, économiste agricole, et Abdou Hadji Badji, secrétaire général de la FONGS (Fédération des ONG du Sénégal) – Action paysanne. En effet, dans le cadre de l’inauguration d’un parcours « Terres solidaires », pour découvrir autrement le territoire de la Pévèle, réalisé par les élèves de l’institut de Genech, les trois experts ont fait un point sur la faim dans le monde ainsi que sur les pratiques agroécologiques et leurs bénéfices.

800 millions de gens ont faim

Pour savoir si l’agroécologie peut nourrir le monde, encore faut-il savoir si l’agriculture conventionnelle le fait. Eh bien, selon Bruno Parmentier, oui et non. « Nous sommes environ 8 milliards d’habitants sur terre aujourd’hui, quand j’étais lycéen on était 3 milliards ! À l’époque, environ 800 millions de personnes souffraient de la faim dans le monde. C’est à peu près le même chiffre aujourd’hui. Autrement dit, on a réussi avec la “révolution verte” à nourrir un peu plus de 4 milliards de personnes en plus. Mais on le voit, on stagne. »

Selon les estimations, la croissance de la population mondiale devrait finir par ralentir et se stabiliser vers 10 milliards d’habitants. « C’est principalement en Afrique subsaharienne qu’il y aura une forte augmentation. Prenons le Sénégal : en 1960, il y avait 3,3 millions d’habitants, aujourd’hui on est 18 millions et en 2050 on sera 35 millions. Attention cela dit à ceux qui argumenteraient que les Africains doivent arrêter d’avoir trop de bébés ! Le Sénégal n’est pas un pays surpeuplé du tout et ne le sera pas en 2050. Il n’y a que deux pays qui sont surpeuplés en Afrique : le Rwanda et le Nigeria. La seule question que pose cette croissance, c’est celle de l’alimentation. »

Or, rapidement une évidence apparaît : c’est là où la population augmente le plus que les effets du réchauffement climatique sur la production agricole se font le plus sentir. Déjà aujourd’hui, « 80 % des gens qui ont faim sont des paysans, parfois avec des terres… La faim est un phénomène silencieux des campagnes du Sahel ». Pour l’économiste agricole, « pendant la colonisation, les colons ont eu des méthodes de dealer de drogue ! On a fait manger du pain, le rendant indispensable à l’alimentation, dans des pays où on ne peut pas faire de blé ! »

L’agroécologie : entre bon sens et méthode

C’est là que l’agroécologie peut être la solution. Pour Marc Dufumier en tout cas, c’est une évidence. Rappelons d’abord ce qu’est l’agroécologie : « Un ensemble de théories et de pratiques agricoles nourries et inspirées par les connaissances de l’écologie, de la science agronomique et du monde agricole », décrit l’Institut de Genech.

Une fois cela dit, selon Marc Dufumier, l’agroécologie peut permettre aux « peuples de produire ce dont ils ont besoin. Aujourd’hui, il y a beaucoup de gaspillage et de nourriture qui échappe à des gens. Par exemple, on estime que pour nourrir quelqu’un correctement, il faudrait produire 200 kg de céréales (quelle que soit la céréale) par an et par habitant pour le nourrir lui et le bétail. On en produit 330 kg aujourd’hui, on devrait donc pouvoir nourrir tout le monde ! » Selon l’enseignant en agriculture comparée, l’agroécologie c’est aussi changer de paradigme : « Avec la “révolution verte” on est parfois allé trop loin, la question qui se pose c’est : “est-ce qu’on n’a pas déjà trop détruit…” »

Selon Abdou Hadji Badji, depuis le Sénégal, avec le recul, on regarde cette fameuse révolution verte et on se dit qu’effectivement, au nom du progrès, on est allé trop loin : « Au Sénégal, on nous a formatés sur des techniques en disant aux producteurs sénégalais qu’ils n’y connaissaient rien. On leur a dit de mettre des engrais, par exemple. Mais ces engrais ont été étudiés et fabriqués en Europe, pour les cultures européennes. En les mettant, on a rendu des zones improductives ! »

À lire aussi : Notre rencontre avec Hervé Covès, spécialiste de l’agroécologie

C’est d’ailleurs pour cela que la FONGS œuvre pour « redonner corps à la fonction des exploitations familiales qui est de nourrir. Et je peux vous le dire, l’agroécologie nourrit. Je la pratique et je nourris mes deux femmes et mes 12 enfants. Et ça parce que je combine mes connaissances paysannes avec la science ! Je pense qu’il faut que les politiques agricoles, au Sénégal et ailleurs, s’appuient davantage sur les territoires. »

Il en veut pour exemple le projet de la « Grande muraille verte », lancé en 2007, qui était une campagne de plantation d’arbres dans le Sahel et le Sahara pour faire un rempart au désert, qui grignote les terres. Selon l’ONU, 18 millions d’hectares de terres dégradées ont été restaurés sur les 100 millions visés. Mais pour le secrétaire général de la FONGS, « ça a coûté des milliards alors que si on avait confié cela aux paysans locaux, on aurait pu aller beaucoup plus vite car ils connaissent les essences qui poussent bien sur leur territoire ».

Un investissement sur le long terme

Pour Abou Hadji Badji, le fait est qu’en plus de nourrir, l’agroécologie « nourrit bien. Au Sénégal, alors que certains souffrent de la faim, on a de plus en plus d’obèses ! Et ça parce qu’on mange mal. On dépense dans le monde des milliards chaque année pour soigner les gens parce qu’ils mangent mal ! On est en train, de se questionner sur “l’agroécologie peut-elle nourrir le monde”, mais on ne se pose pas cette question pour l’agriculture conventionnelle ».

Il est rejoint par Marc Dufumier : « Oui, passer à l’agroécologie demande des investissements, notamment pour tout ce qui est recherche et expérimentations, mais sur le long terme c’est moins cher. L’agriculture conventionnelle coûte très cher en machines, en produits phytosanitaires et puis en biodiversité… Il faut aussi changer de point de vue : améliorer un rendement, ce n’est pas forcément l’augmenter. » 

Eglantine Puel

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