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Une pétition qui recueille plus de 90 000 signatures, une manifestation de L214 devant la préfecture de Lille, une série d’articles dans la presse… Depuis que les associations animalistes se sont penchées sur son cas fin 2020, l’exploitation des frères Marc et Bruno Pollet, à Wambrechies (59), occupe bien malgré elle le devant de la scène.
Après une vidéo clandestine tournée en 2018 où on voyait notamment un veau au milieu de détritus, plusieurs associations (dont L’école du chat de Marcq-en-Barœul et L214) ont fait part de leur indignation en décembre dernier, photos à charge – selon elles – à l’appui. On y voit des vaches au pelage parfois sale, les pattes dans la boue, entre des clôtures de fortune. Si certains clichés interpellent, comme ceux des détritus dans les pâtures, d’autres ne choqueront que les néophytes en élevage. Objectif clamé haut et fort par une pétition lancée sur le site Mesopinions.com : faire placer les 36 bovins de la ferme dans les mains de l’association Brigitte Bardot. Un but plein de bonnes intentions, mais pas vraiment à la mesure de la situation.
Les associations ayant déposé plainte, une enquête a été ouverte le 8 janvier par le parquet de Lille pour “sévices graves ou actes de cruauté envers un animal” et “abandon volontaire”. Le même jour, veille de la manifestation emmenée par L214 devant la préfecture de Lille, le préfet dépêche un vétérinaire expert pour examiner le troupeau. Les conclusions sont sans appel : “Les animaux ne sont ni maltraités, ni en danger imminent”.
Le dossier n’est pas clos pour autant, mais impossible d’en savoir plus par voie officielle. “La préfecture a communiqué sur le volet protection animale, explique Magali Pequery, directrice de la Direction départementale de la protection des populations du Nord. Nous n’avons pas l’autorisation de communiquer sur le reste du dossier.”
Le “dossier” est en effet délicat. Absence de suivi sanitaire, reproduction du troupeau en vase clos, bêtes non bouclées depuis des années, qui divaguent souvent faute de clôtures suffisantes… Si les animaux ne sont pas en danger imminent, reste une situation problématique qui inquiète les agriculteurs voisins. “Ces bêtes peuvent transmettre des maladies contagieuses aux élevages voisins en règle…”, explique Quentin Destombes, jeune agriculteur à Quesnoy-sur-Deûle.
“Ces animaux n’ont plus d’identification depuis vingt ans, opine Olivier Fagoo, voisin des Pollet et administrateur du Groupement de défense sanitaire (GDS). Le principal risque, ce sont les maladies : brucellose, tuberculose, prophylaxie… En se sauvant comme cela arrive souvent, les animaux pourraient facilement les transmettre.”
“Regardez ce qui se passe en volaille, renchérit Quentin Destombes. “Quand on découvre un foyer de grippe aviaire, on abat tout les animaux à des kilomètres à la ronde !”
Selon lui, cela fait longtemps que le monde agricole alerte les services de l’État, qui, aux yeux de la profession, ne semblent pas avoir trouvé de solution qui fonctionne. “On a fait fermer la Ferme des 1 000 vaches alors qu’il n’y avait aucun problème sanitaire. À Wambrechies, il ne se passe rien…”
En parallèle de ces mises en garde lancées aux pouvoirs publics, la profession semble faire son possible pour aider la ferme Pollet. On sent combien l’histoire de ces deux frères – apparemment pris entre charge de travail, difficultés économiques et succession difficile – hante ceux qui s’y sont confrontés.
“Je me sens désemparé, reconnaît Éric Deleporte, président du syndicat agricole de Wambrechies. C’est une situation qui dure depuis trop longtemps. Mais c’est difficile d’aider les gens quand ils ne sont pas demandeurs…”
Depuis quatre ans, Olivier Fagoo rencontre régulièrement les deux éleveurs pour les aider à se sortir de ce mauvais pas. “J’ai essayé de créer un lien, mais c’est dur de leur faire prendre certaines décisions…, confie-t-il. En quatre ans, ils ont mûri. Mais leur troupeau comporte une moitié de taureaux, non castrés, non écornés… Il faut savoir les maîtriser. Même pour eux, cela devient dangereux…”
Âgés de 57 et 67 ans, les deux éleveurs, qui refusent de répondre à la plupart des médias, ont pourtant un grand attachement à leurs bêtes. “Pour eux, leurs animaux sont comme leurs enfants”, affirme Sabrina Dutoit. Accompagnatrice technique, elle travaille depuis un moment auprès des deux éleveurs pour le compte de l’association Arcade, qui aide les agriculteurs en difficulté.
Selon elle, “ils ont décidé de la marche à suivre depuis longtemps, mais le bruit médiatique autour de leur ferme ne les aide en rien…”
La happy end qui sauverait l’exploitation et les animaux est-elle encore possible ? Étonnamment, le battage médiatique semble avoir fait bouger des choses. L’identification du troupeau devrait être faite d’ici la fin du mois, voire le début du mois prochain.
Mais pour Olivier Fagoo, la situation est loin d’être résolue : “Vu l’ampleur des dérives d’identification, le risque de maladies et l’absence de suivi de reproduction, il faudra un gros budget pour remettre les choses en place.” Quid de la contrainte par les pouvoir publics ? “L’État fait déjà ce qu’il peut… Leur exploitation est un lieu privé, c’est aux éleveurs qu’il appartient de prendre les décisions.”
“En tout cas, conclut Éric Deleporte, nous serons avec eux pour effectuer un suivi s’il le faut, ou pour une éventuelle collecte de foin ou de fourrages… Nous, nous avons la capacité d’accompagner l’exploitation sur le long terme. Pas juste de crier au loup.”
Lucie De Gusseme