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« Moi ? Je ne voulais pas du tout être agriculteur », confie Damien Herreman, 37 ans, quand on l’interroge sur ce qu’il voulait faire plus jeune. Depuis, il a bien changé d’avis et est, depuis 2019, la cinquième génération à cultiver les Vergers de Méteren. Ce qui a tout changé ? La conversion en bio de l’exploitation par conviction écologique et sociale.
« J’ai passé un bac STT (sciences techniques tertiaires), à Arras, puis j’ai eu un BTS en informatique et en développement d’application de gestion que j’ai approfondi avec une année de licence professionnelle en commerce B to B à Lille, rembobine-t-il. Reprendre la ferme n’était pas dans mes projets. J’avais vu mon père vivre de la vente à la grande distribution, avec des prix toujours plus bas et des contraintes toujours plus importantes. Il se levait le matin pour perdre le moins possible… Et il nous a toujours dit, à ma sœur et moi, qu’on pouvait faire ce que l’on voulait et qu’il ne fallait pas faire de l’agriculture si ça ne nous intéressait pas ! »
Alors après avoir obtenu sa licence, il part six mois en Australie avec un « working holiday visa », comprenez un visa de travail. « J’ai pris un van et j’ai fait le tour du pays en travaillant de ferme en ferme. J’ai beaucoup fait de la récolte d’oranges. Là-bas, on est payé au rendement, alors autant dire que lorsqu’on récolte des pommes depuis tout petit, on a un bon rendement ! », raconte Damier Herreman.
De retour en France, il est embauché comme commercial dans une entreprise du secteur de l’imprimerie. Mais en 2016, il la quitte, « pour plusieurs raisons mais principalement parce que j’en avais fait le tour. Je me demandais ce que j’avais vraiment envie de faire… » C’est là que, celui qui ne voulait pas être agriculteur, reconsidère la question.
« Le bio était en pleine croissance et il y avait eu pas mal de scandales dans l’agroalimentaire… Je voulais faire un travail qui ait du sens. J’ai alors demandé à ma compagne l’autorisation de devenir agriculteur puis je suis allé voir mon père. Je lui ai dit que je voulais reprendre l’exploitation. Il n’a pas sauté de joie, plaisante Damien Herreman. Il y avait la surprise et les lacunes techniques qui le questionnaient… Puis je lui ai dit que je voulais convertir en bio. Et là il a dit “challenge”. »
Damien Herreman passe alors un BPREA (brevet professionnel responsable d’entreprise agricole) et travaille en parallèle comme salarié agricole avec son père, avant d’inverser les rôles.
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« On a amorcé la conversion pendant mon BPREA. On s’était donné cinq ans pour que l’ensemble de l’exploitation soit converti ou en cours de conversion. Finalement on l’a fait en deux ans. » Et ce, grâce à beaucoup de motivation mais aussi à une révision des assolements. « On faisait des fruits à pépins, sur quatre hectares, et une trentaine d’hectares était en grandes cultures : céréales, pommes de terre, betteraves… Or, ce sont des cultures compliquées à passer en bio, surtout sur des petits volumes. » L’assolement a donc été revu : 15 ha de blé, 5 de haricots verts, 5 de petits pois et 4 de maïs.
Et sur un hectare, Damien Herreman développe des fraises sous serre et fait des tests. « C’est un peu ma parcelle “recherche et développement” ! On a fait des courges, là on a créé une nouvelle serre pour cultiver des tomates, de la salade… Sur le verger, on tente actuellement de faire des pêches et des poires et on a aussi lancé des cerisiers ! »
En plus de ces changements de production et de mode de production, Damien Herreman, sans doute conduit par ses expériences dans le commerce, réfléchit à un moyen de ne plus dépendre de la grande distribution et de diversifier les débouchés. « Je décide d’avoir trois voies de commercialisation avec au maximum un intermédiaire. »
Première voie : la vente directe au magasin qu’il a ouvert sur la ferme. « On y trouve une partie de mes produits, principalement ceux issus de la “recherche et développement” et mes jus de fruits que je fais moi-même. Mais on revend aussi des produits d’autres producteurs bios et de l’artisanat local et écoresponsable. »
Seconde voie : les revendeurs « éthiques. Je travaille, par exemple, avec “Comment ça vrac “ou le magasin bio de Bailleul ». Enfin, troisième voie : la coopérative Norabio.
« Je l’avoue, l’année avant de m’installer et la première année d’exploitation, j’ai eu des gros doutes. Même si j’avais observé mon père, je n’avais pas réalisé la quantité de travail. Mais je ne regrette rien car j’apprends tous les jours et je suis convaincu par ce que je fais. Pour moi, le bio repose sur trois piliers : l’écologie, l’économie et le social. »
L’écologie, pour des raisons évidentes, l’économie car « on produit un peu plus de valeur » et le social car « on crée de l’emploi ». Pour l’économie, si aujourd’hui toute la ferme est labellisée bio, la période de transition aurait pu être compliquée. « Elle l’a été, mais j’ai été contacté par deux étudiants : Stéphane Delabassé et Maxime Durand, qui avaient pour envie d’aider les agriculteurs en transition comme moi. Ils ont fait des marchés avec mes jus surtout, puis ils sont arrivés avec une étiqueteuse, etc. Depuis ils ont créé les marques Transition et Pour demain, qui permettent aux agriculteurs en transition vers le bio de pouvoir vendre leurs produits à un prix plus rémunérateur qu’en conventionnel. Honnêtement, cela m’a bien aidé. »
Côté social, Damien Herreman, dans sa soif de partager mais aussi et surtout d’apprendre, embauche deux apprentis et accueille régulièrement des stagiaires. « Pour le magasin, j’ai aussi des gestionnaires de magasin. Elles connaissent les produits, gèrent les commandes… », bref elles sont indispensables.
Damien Herreman a aussi eu trois filles, aussi est-il temps « de savoir s’arrêter. Tout ce qui est expérimentations, projets, etc., je ralentis un peu, sourit-il. On va pérenniser ce que l’on a et continuer à faire en petite quantité mais en grande qualité. »
@EglantinePuel a rencontré Damien Herreman, agriculteur bio à #Méteren dans le #Nord. Découvrez son portrait complet ici : https://t.co/DCGBLOI0fu pic.twitter.com/lvmxdfWEWZ
— Terres et Territoires (@TerresetTerr_) June 5, 2024
2010. Après avoir obtenu une licence professionnelle de commerce B to B, il part six mois en Australie.
2016. Il quitte son travail dans le secteur de l’imprimerie et se lance dans un brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA).
2019. Il reprend officiellement Les Vergers de Méteren.
2022. Il ouvre sur la ferme son magasin de producteurs et artisans locaux.
Eglantine Puel